Sur CNews, Laurence Ferrari questionne sur le ton de l’évidence :
«Pourquoi avoir assorti une peine lourde, cinq ans, d’un mandat de dépôt si ce n’est pour l’humilier ?» Parce que les faits sont d’une
«exceptionnelle gravité» et
«de nature à altérer la confiance des citoyens dans ceux qui les représentent et sont censés agir dans le sens de l’intérêt général, mais aussi dans les institutions mêmes de la République», avance le jugement. Nicolas Sarkozy s’est rendu coupable d’un délit
«contre la nation, l’Etat et la paix publique». Autant d’éléments qui rendent
«nécessaire» un mandat de dépôt, aux yeux du tribunal.
En réalité, il est exceptionnel de ne pas être incarcéré sur-le-champ pour une telle peine. Ici, les juges ont différé le mandat de dépôt de Nicolas Sarkozy, car celui-ci
«ne s’est jamais dérobé à la moindre convocation et a été présent à l’audience». Ils ont
«tenu compte de la nécessité d’organiser sa vie professionnelle». A la différence
de deux de ses coprévenus, l’ex-président a échappé à l’humiliation d’être menotté à la barre sous le regard de ses proches et des journalistes.
[...] Plusieurs commentaires du jugement affirment que Nicolas Sarkozy aurait été condamné sans preuve, sur une seule intention et non une réalisation. Le tribunal correctionnel de Paris a relaxé l’ancien président de la République de trois des délits pour lesquels il était poursuivi : la corruption, le détournement de fonds publics et le financement illégal de campagne.
Nicolas Sarkozy est condamné pour l’infraction d’association de malfaiteurs. Ce délit réprime les projets délinquants et criminels. Il s’agit d’un «groupement formé» pour préparer un crime ou un délit. Cette infraction doit être caractérisée
«par un ou plusieurs faits matériels», également appelés actes préparatoires. Il s’agit d’
«un rassemblement de forces et de moyens ayant pour but de préparer l’exécution du délit, même si ce délit n’a pas été consommé, ni même tenté», explique le jugement. [...]
La 32e chambre correctionnelle a pourtant bien retenu des preuves qui étayent les fameux actes préparatoires : elle ne condamne pas Nicolas Sarkozy sur la simple base d’un projet intellectuel ne s’étant jamais matérialisé. Les magistrats retiennent notamment comme
«faits matériels», deux rencontres avérées de Guéant, puis Hortefeux avec Abdallah Senoussi, considéré comme le numéro deux du régime libyen, à l’époque, et visé par un mandat d’arrêt après sa condamnation à la perpétuité pour son rôle dans l’attentat du DC-10 d’UTA. Pour les magistrats,
«les entretiens avec Abdallah Senoussi en marge des déplacements officiels ne peuvent qu’avoir un lien avec un pacte corruptif».
Le jugement retient également, comme actes préparatoires, les traces retrouvées par les enquêteurs de transferts de fonds libyens vers un compte contrôlé par l’intermédiaire
Ziad Takieddine. De même que les notes manuscrites de l’ancien ministre du Pétrole libyen, Choukri Ghanem. Il s’agit pour les magistrats de
«la mise à disposition par Ziad Takieddine de l’ingénierie financière nécessaire».
Les juges retiennent enfin un voyage de Nicolas Sarkozy en Libye où il a pu
«rassurer Muammar Kadhafi sur sa volonté de continuer la politique de Jacques Chirac s’il était élu». Rencontre au cours de laquelle
«le dirigeant libyen a évoqué la situation de son beau-frère [Abdallah Senoussi]».
[...] Cependant, le fait qu’il n’y a pas de trace avérée de l’argent libyen dans les comptes du candidat en 2007 est indifférent, d’un point de vue pénal, pour l’infraction d’association de malfaiteurs pour laquelle il a été condamné.
Source :
https://www.liberation.fr/societe/po...CQSBMATKW3ICI/