Bah si, même si t'es tellement imbuvable en ce moment que j'avais décidé de plus te répondre, je vais relever parce que comme d'hab sur ce sujet t'es tellement pressé de la ramener que tu lis que ce que tu veux lire : Juppé en 95 il avait les syndicats en face, des gens représentatifs dans les entreprises, légitimités par le vote et donc par les urnes, élus par gens qui touts populaires qu'ils soient ont de vagues notions de ce qu'est la République, la représentativité, les corps intermédiaires.
C'est toi qui te presse et ne lis pas ce qui est pourtant tout à fait explicite d'entrée de jeu, et que tu ne peux louper en début de message :
Non. Evidemment et définitivement non.
Sur la forme, et pour le principe, oui.
Mais dans la réalité de la vie politique, non.
Du coup, c'est dommage de t'abaisser à un jugement de valeur un peu hors charte (
"même si t'es tellement imbuvable en ce moment que j'avais décidé de plus te répondre,je vais relever parce que comme d'hab sur ce sujet t'es tellement pressé de la ramener que tu lis que ce que tu veux lire" ), et qui en fait m'accuse de ce que tu fais toi, sans t'en rendre compte.
Donc, en plus, tu me fais perdre du temps pour te ré-expliquer ce qui est pourtant simple et clair :
- Oui, ce que tu dis est vrai, et je suis d'accord avec ce que tu dis : la légitimité est donnée par le vote. Oui, les syndicats sont des corps intermédiaires légitimes (mais pas représentatifs : c'est ce que ne cessent de répéter politiques et patrons... tu devrais ne pas l'oublier de surcroît, comme tu devrais ne pas oublier que passer en force ou en court- circuit face aux corps constitués et représentatifs est justement la méthode choisie dans la "modernistation" du dialogue social et la réforme de l'Etat....). Comme membre d'un syndicat, ne t'inquiète pas, je le connais le discours sur les syndicats. Au demeurant, c'est cette pratique qui me fait penser que ce "grand débat" est un enfumage à pas cher pour les gogos apeurés qui rêvent d'un retour à l'ordre rapide.
- Non, notre situation actuelle n'est plus une situation "normale", et cette "anormalité" relative va devenir la norme. Macron y a une part relative, mais réelle (son attitude, et celle des gens dont il s'entoure). En clair, nous sommes dans une phase où les rapports de force que nous connaissions, qui déterminaient les rapports politiques, économiques, sociaux, culturels... sont en train de changer. Du coup, la réalité de la République change aussi. Rien de plus normal. Là, clairement, dans un horizon très proche, tout va être ouvert (mais peu de gens le comprennent, et encore moins seront aptes à le comprendre et à y faire face).
Juppé en 1995, il a perdu un rapport de force politique. Point final. Et peu importaient alors les urnes. Les syndicats, ils ont encadré et institutionnalisé (c'est aussi - surtout ? - à ça qu'ils servent). Mais à la base, il y avait une population qui a dit "non" à une impulsion qui venait du haut / sommet. Avec en fin de compte un pouvoir qui a entendu ce que son peuple lui disait après une période d'affrontement et de crise (et ce peuple, aussi massif était- il et aussi légitime était- il était pourtant là aussi tout à fait minoritaire et aurait connu la même pente descendante sur la durée, car la durée est la force première de l'Etat, qui est le temps...), qui a compris que la situation était devenue intenable et qui a alors pris la décision (démocratique) d'aller aux urnes. Sauf que le résultat n'a pas été celui qui était attendu. Après, que cet épisode ait été une bonne ou une mauvaise chose, c'est un autre débat et je n'y entrerait pas.
Là, on a exactement la même chose. Sauf que...
Sauf que les grands génies qui n'ont pas bien aimé l'épisode de 1995 en ont tiré des leçons. Depuis Sarkozy, on n'écoute plus ce que le peuple dit (et le peuple c'est celui qui s'exprime par les urnes, mais AUSSI dans la rue, ce qui est un droit constitutionnel fondé sur la DDHC, et qui ne peut donc être discuté : on n'oppose pas les urnes et la manifestation, ce sont deux facettes d'une même liberté et d'une même citoyenneté).
On l'a vu en 2005 avec le TCE. On l'a vu en 2012 avec LMPT. On le voit aujourd'hui avec les GJ. Tous ces mouvements sont des lames de fond de la société. Tous ces mouvements n'ont rien donné, car le sommet les a ignoré ou trahi. Toujours avec un délire et un asservissement médiatique tout à fait remarquable.
Entre temps, les corps intermédiaires ont été laminés (casse dans la SNCF, puis dans l'EN notamment, avec je ne sais plus quelle DRH grâce à laquelle Sarkozy ironisait sur le fait que désormais en France, on ne se rendait même plus compte quand il y avait des grève - je n'ai plus en tête la citation exacte, mais il se marrait bien en la faisant devant un public conquis).
Reste quoi ? Un pouvoir en prise directe face à son peuple, avec des FDO entre les deux.
Mais un pouvoir qui ne n'a rien à dire à cette partie- là du peuple, et qui ne lui propose rien de plus que le mépris et la matraque... la violence brutale. Et quelques broutilles pour faire un peu plus de divisions entre les uns et les autres. Je n'ai jamais vu une telle situation. J'en suis très profondément scandalisé. Ca provoque de la rage en moi. Cette situation est tout à fait anormale, gravement dysfonctionnelle.
Et un partie du peuple qui n'a rien de plus à dire à ce pouvoir que son dégoût, sa rage et son envie de le dégager.
Entre les deux, des flics qui ont exercé la plus grave répression en France depuis la Seconde Guerre Mondiale, et une masse de gens qui attendent, globalement d'accords avec l'expression d'une colère qui couvait depuis longtemps dans ce pays (moi, je connais et fréquente des tas de gens différents au quotidien : je ne connais que deux personnes, en tout et pour tout, qui ont clairement condamné les GJ, et encore, les violences qu'ils ont vu à la télé. Deux... pas un de plus. Et pourtant je suis à Nice, dans une région privilégiée où ces questions semblent lointaines) mais qui pensent qu'il faudrait que ça s'arrête (parce que dans tous les cas, un mouvement de ce type doit forcément s'arrêter, et personne ne comprend qu'on ait pu faire autant "d'actes").
Du coup, la situation est beaucoup plus explosive qu'en 1995. Car à part les maires (et encore, pas les plus virulents), avec QUI peut encore parler CE pouvoir- là ? Il est là le problème actuel. Et il est d'autant plus profond qu'entre temps, la légitimité politique s'est effondrée, et que Macron est très mal élu, et souffre d'un REEL déficit de légitimité. Peu importe ce que tu peux dire ou penser de l'élection : il A un énorme déficit de légitimité. Ca, c'est sa réalité politique. Tant qu'il a des maires devant lui, avec des caméras, on a l'impression d'un Etat et d'une situation normale. Mais dès qu'on sort de la salle, c'est terminé : c'est vide ou hostile...
D'autant qu'il y a la personnalité de membres du Gouvernement qui a énormément joué, et qui ne sera évidemment pas pardonné... Là où un Chirac ou un Hollande savait encore manoeuvrer un minimum, là, on a des brutes. Des gens qui ne témoignent que de leur incapacité à créer le moindre lien humain avec un peuple qui est censé être le leur, avec lequel ils sont censés être en empathie, et pour lequel ils sont censés travailler (à titre strictement personnel, afin de clarifier encore, je ne suis pas particulièrement "pro" GJ. Je dis juste que je comprends ces gens. En revanche, je suis plus qu'outré de l'attitude et de la violence verbale de certains membres du Gouvernement, de la classe politique et de la majorité, de la classe médiatique, et d'une partie de la population. Et ça, il n'est pas question de le laisser passer, ni aujourd'hui, ni dans cinq ans). La réalité de CE pouvoir- là, c'est qu'il est devenu incompréhensible et inaudible. Pas pour les GJ seulement : pour la majorité des Français qui ne savent pas du tout où va le pays, et pour nos partenaires internationaux, qui se demandent ce qui est en train d'arriver chez nous.
Donc, tu peux bien répéter ce que tu veux, ça ne change RIEN à cette réalité... Au passage, beaucoup de gens tout d'un coup proclament leur amour des syndicats, notamment dans les cercles décisionnels... Depuis quand le loup aime- t- il le chien qui protège les moutons ?
La situation actuelle me fait penser à ça (à partir de 21'30''). C'est une simple comparaison, rien d'autre, mais ça m'y fait vraiment penser.
https://www.youtube.com/watch?v=ZJsopmGu42M
En conclusion, je t'invite à continuer de répondre si tu le souhaites (c'est un problème entre toi et toi- même, et je n'ai pas de prise là- dessus). Mais, si tu le fais, à bien comprendre ce que ton interlocuteur a écrit avant de l'accuser de fautes imaginaires.
Peut- être n'avais- tu pas aimé le fait que je dise qu'en tant que parisien et globe trotter, c'était doublement à toi de payer la fiscalité écologique ? Comme gros pollueur tout d'abord (un voyage pour Noël au Chili, ça pollue plus que des allers- retours en voiture sur une nationale pour la migration pendulaire logement- travail- logement). Comme privilégié d'autre part : tu as un salaire majoré par rapport au reste du pays (je te rappelle que l'individualisation de l'aide sociale et notamment la prise en compte du niveau de vie réel du lieu d'habitation va être au coeur des réformes prochaines et sont annoncées par B. Griveaux dans un ouvrage de 2011 que je suis en train de lire... cocassement intitulé Salauds de pauvres... grâce auquel on mesure son aptitude au baratin et à la contorsion) et en plus tu bénéficie de tous les services à proximité de chez toi (ce qui n'est pas le cas des GJ, dont une large partie habite dans la France périphérique et rurale, ce que de nombreux maires rappelaient encore aujourd'hui avec la problématique des déserts médicaux par exemple). Mais de cela, je ne suis pas responsable, et je ne t'en veux guère. D'ailleurs, habitant moi- même en centre d'une grande métropole dynamique, je n'aurais aucun problème à payer plus cher mon carburant, puisque je ne me sers quasiment plus de ma voiture, qui est un poids mort pour moi, et dont j'espère me séparer cette année... parce qu'en gros ça me coûte près de 2500€ par an pour faire mille bornes dans l'année pour aller de chez moi à chez ma mère...
Bisous
NB : j'espère que tu ne vas pas me reprocher d'avoir pris le temps de te répondre.
Ils ont du bien rigoler je pense. Quand tu vois les guignols "leader" du mouvement il y a rien à craindre.
Arrêtez de rêver à une révolution ou autre çà n'arrivera pas, on vie dans un trop grand confort pour aller vers le chaos, surtout en France qui est un des pays du monde ou on vit le mieux.
Les vrais enjeux vont arriver au milieu/fin du siècle quand çà commencera à vraiment être la merde pour des raisons bien plus terre à terre où on parlera vraiment de survie.
Il n'y a pas de "leader" du mouvement. Y- a- t- il d'ailleurs un "mouvement" puisque c'est l'horizontalité et la spontanéité qui le définissent ?
Ca, c'est une image fabriquée par les médias pour rendre les choses "explicables" dans les cadres habituels. Pour mettre des têtes. Pour construire un récit. C'est même pas l'écume des choses ça.
En attendant, je crois que tu te trompes... Le coût économique, on ne cesse de parler que de ça depuis des semaines (mais ô miracle j'ai entendu aujourd'hui qu'on avait enregistré un recul record du chômage... à 0,3% !). Le blocage des ronds- points c'est celui des flux, c'est l'impact réel local. Personnellement, j'ai vu tous les supermarchés de mon quartier et de celui où je travaille assez nettement impactés sur pas mal de produits : en clair, des rayons clairsemés et de moins en moins fréquemment achalandés. Et là j'ai commencé à poser des questions et à m'en poser. Le modèle économique, il marche en flux tendus, il n'a pas de réserves, il traque tous les coûts pour améliorer la rentabilité. Du coup, un blocage long et massif et mouvant, c'est juste le truc infernal en fait. C'est typiquement ce qui peut foutre en l'air un tissu économique local, et faire dégénérer une situation. En fait, ça fait un peu siège moyenâgeux, mais c'est l'idée. Les villes c'est très fragile en fait... Ici à Nice il y a eu quelques blocages, notamment à Antibes, là où est le plus gros Carrefour de France en CA. Et je me suis laissé dire que le groupe ne rigolait pas du tout. L'image sur le tourisme aura un impact bref mais réel.Quant au commerce il a tout de même dégusté.
S'il y a eu une telle violence répressive, c'est justement que le coût économique (immédiat et futur) est au rendez- vous. Et il le sera encore plus : les fonctions qui permettent la logistique, c'est justement celles qu'occupent ces gens qui sont GJ. Si tu pars dans un truc genre guérilla / résistance / sabotage, les mecs ils vont faire du dégât. Et plus qu'on ne pense, parce que c'est exactement le genre de questions dont ne se soucient pas nos chères têtes pensantes.
En ce qui me concerne, je ne rêve sûrement pas d'une révolution ou d'un truc qui y ressemblerait. J'aurais beaucoup à y perdre, dans la plupart des secteurs de ma vie. Donc, non, c'est pas pour moi. D'autant que comme prof d'Histoire, je vois vaguement les problèmes que ça peut poser. Et quand je considère la vie de mes propres ancêtres lors de la Révolution Française, ça ne me tente pas vraiment de vivre des choses similaires.
Donc, aucun fantasme sur ce point en ce qui me concerne.
En revanche, la question du "confort" est centrale. Objectivement, nous n'avons jamais eu un tel niveau général de confort, une telle facilité de vie. Il n'en demeure pas moins qu'il faut prendre en compte la perception sociale du confort et de l'économie. Si les gens se sentent pauvres ou perdants dans une société riche dans laquelle les écarts de revenus et de patrimoines se creusent rapidement et fortement, alors ça devient un élément central de leur identité et de leurs choix politiques. Au demeurant, les gens vivent ici et maintenant dans cette société, et il est stupide de leur opposer la pauvreté et la grande misère qu'il peut exister ailleurs : pour eux, dans leur contexte réellement vécu, ça ne fait pas sens, dans la mesure où ça n'apporte aucun début de solution à leurs problèmes (qui viennent de causes internes mais aussi externes : je ne déresponsabilise personne, au contraire, je préfère responsabiliser tout le monde).
Les "vrais enjeux", je ne sais pas ce que tu veux dire par cette formule. Mais ce que je sais, c'est que ça sera bien avant ce que tu penses. Entre 2030 et 2050, tes "vrais enjeux", on sera dedans.