Il y a une petite bd qui illustre ton propos :
Dans la vraie vie c'est bien la dédiabolisation/normalisation de propos qui auparavant n'étaient pas acceptés et l'ouverture de la fenêtre d'Overton qui facilitent une nouvelle montée de l'extrême droite dans le monde.
Ah le petit comic qui arrive au point de Godwin en 3 cases, très pertinent.
Spoiler la défaite de Kamala repose sur un ensemble de phénomènes bien trop complexes pour être résumés dans une bd de 4 cases.
Il y a pas mal de xénophobes, queerphobes, etc... dans l'électorat de Trump, c'est indéniable, mais ce n'est pas avec les racistes que tu remportes le vote populaire.
Deux exemples qui permettent de comprendre un peu mieux l'échec des Démocrates lors de ces élections (parce que ça a été une déroute absolue) :
- Les référendums sur la défense du droit à l'avortement qui ont eu lieu en parallèle des élections.
- Le vote des minorités (hispaniques et afro-américains, essentiellement).
Concernant les référendums sur l'avortement : plusieurs états ayant voté pour Trump on également voté pour protéger les lois sur l'avortement (Nevada, Arizona, Montana et Missouri), parfois avec plus de 60% de "oui" (l'exemple le plus frappant étant le Montana, ou Trump approche les 60% de votes, tout comme la proposition de loi pour protéger le droit à l'avortement). Il y a donc une part non négligeable de l'électorat trumpiste qui a, indépendamment de son vote lors des élections présidentielles et législatives, exprimé une volonté de protéger les droits des femmes. Pourquoi ? Car les électeurs/électrices de Trump sont capables de prendre des décisions indépendantes en fonction de la portée, locale, ou nationale, de leur vote. Au niveau national : vote pour Trump, car iels lui font confiance sur les questions économiques et diplomatiques, au niveau local : vote pour préserver le droit des femmes, donc gagnant-gagnant.
Deuxième élément, le report massif des voix des minorités (beaucoup d'hispaniques, mais aussi pas mal d'afro-américains) sur Trump. Pourquoi ? Car Trump apparaissait à leurs yeux comme le candidat de l'inclusivité. Ça peut paraître paradoxale, mais, en réalité, c'est assez logique. A force de mettre des gens dans des cases (
black americans,
latinos,
asian-americans, etc...) et à essayer de les dresser contre les
white males, les Démocrates ont conduit à une fragmentation de la société américaine. Sauf que, comme l'expliquait assez bien un des responsables du mouvement
Latinos for Trump, invité ce matin sur
NBC News (donc pas exactement un média pro-républicain) : la plupart des Hispaniques (et des Afro-Américains) se considèrent avant tout comme des Etats-Uniens. Ils sont nés là-bas, ont grandi là-bas, etc... Donc pour eux ce qui compte c'est de faire corps en tant que peuple des Etats-Unis, plutôt que de savoir qui devrait avoir le droit au plus de condescendance et discrimination positivte entre afro-hispaniques-natives-asiatique américains. Le discours pro-fragmentation du parti démocrate a fini par les agacer. Pour une bonne partie d'entre eux, l'ennemi potentiel ce n'est pas le
white male, mais l'étranger (le russe, l'iranien, le chinois, etc...). Paradoxalement, Trump, est donc apparu à beaucoup de membres d'une minorité comme le candidat de la réconciliation, échec critique pour les Démocrates.
Qu'est-ce que ça montre ? Le résultat est plus complexe que blancs misogynes vs minorités progressistes, et c'est très mauvais signe pour les Démocrates. Ils ont commencé à perdre le vote des ouvriers blancs il y a déjà plus de 50 ans, et ils comptaient sur le vote des minorités (croissance démographique plus rapide) pour compenser. D'abord le vote des Afro-Américains (
civil rights et après), puis des Hispaniques (à partir des années 80-90). Sauf que là, non seulement les démocrates ne sont pas près de récupérer le vote des ouvriers blancs, mais, en plus, ils sont en train de perdre celui des minorités.
Ces élections ont confirmé le gouffre de plus en plus grand entre les cadres du parti démocrate, et une partie des élites éduquées, avec le reste de la population du pays. Kamala Harris était, tout comme Clinton avant elle, la candidate de l'
establishment, complètement hors-sol, et Trump, l'
outsider qui a su leur parler. A qui la faute ? En grande partie à Joe Biden, et aux cadres du partie démocrate, mais pas que (certains éléments sont dus à des conjonctures qui dépassent les capacités d'action des démocrates : inflation, tentative d'assassinat de Trump, etc...). Les Démocrates auraient dû tirer des leçons de l'élection de 2016, ils ne l'ont pas fait. Ils auraient dû se montrer extrêmement fermes envers Trump et ses partisans après leur tentative de coup d'état, ils ne l'ont pas fait. Ils auraient dû comprendre que toute leur ligne politique conduisait de plus en plus d'Américains à les détester, ils ne l'ont pas fait.
Il suffit de voir les médias utilisés pour faire la promotion des deux camps (qui explique en partie le succès de Trump auprès des < 35 ans). D'un côté : les stars d'Hollywood, les chanteurs/chanteuses, les présentateurs de
talk-shows, etc..., de l'autre : des streameurs, des youtubeurs, des influenceurs, etc... Grosse surprise, il s'avère que Joe Rogan, Asmongold, etc... sont beaucoup plus populaires auprès des jeunes que les chanteurs des années 80, les stars d'Hollywood, et les Jimmy Fallon, Jimmy Kimel, John Oliver and co.
Trump, et son équipe de communication, avaient très bien compris les mutations à l'oeuvre dans ce domaine dès 2016, depuis ils ont perfectionné leur stratégie. Trump a multiplié les coups d'éclats médiatiques au cours des dernières semaines (frites
McDonald's,
Garbage Truck, émission de 3 heures avec Joe Rogan, etc...). Le coup d'éclat des Démocrates ? Aller euthanasier un écureuil à +500 000 followers sur Instagram et Tiktok qui n'avait rien demandé à personne, pour "éviter les risques de transmission de maladies infectieuses", pendant que les rues de New-York sont remplies de rats et de déchets. Mention spéciale à Harris qui, décide d'aller se coucher lorsqu'elle comprend qu'elle ne gagnera pas l'élection, sans même aller s'adresser aux personnes qui sont venues la soutenir toute la soirée.
En 2016 les démocrates avaient passé les jours qui avaient suivi l'annonce des résultats à évoquer un
"whitelash", des blancs racistes et conservateurs, sauf que les résultats de ces élections montrent que ce modèle ne fonctionne plus. Le résultat de cette présidentielle, traduit un conflit de classes sur un échiquier politique inversé. Trump, le milliardaire, a remporté l'adhésion des classes populaires dans leur ensemble, quelle que soit leur couleur de peau, à l'inverse, Harris était la candidate des élites urbaines éduquées. Sauf que tu ne gagnes pas le vote populaire en étant la candidate de New-York et de Los Angeles. Les démocrates sont en train de perdre le dernier bastion de voix populaires qu'il leur restait : celui des minorités, si la tendance se confirme, l'avenir va s'avérer très difficile pour eux. Merci à Obama, Clinton, Biden, ainsi qu'à tous les cadres du partie qui ont tout fait pour bloquer la ligne Sanders au cours des dix dernières années. Je pense qu'il aurait eu beaucoup plus de chances de remporter l'élection que Biden, Harris, ou n'importe quel Démocrate modéré favorable à la conservation du
statu quo à tout prix.