|
Déjà, même si ce n'est pas du foot à proprement parler, je suis bien content que le terrorisme ne se soit pas invité pour cette finale. Les retombées médiatiques auraient été énormes, et j'imagine que la sécurité devait vraiment être particulièrement à cran. Et je ne pense pas que ce soit par bonté d'âme, ou par passion pour le jeu, que Daesh et ses copains nous aient temporairement oubliés.
Donc, c'est déjà un point positif que de n'avoir pas de truc plus grave, comme motif de tristesse, qu'une défaite à un match de foot. Et, de manière générale, sur l'aspect politique des choses, c'est pas forcément un mal de pas avoir l'ivresse de la victoire et l'euphorie béate qui va avec : on va pouvoir se reconcentrer sur les vrais sujets qui fâchent, loi Travail et tout le reste...
Ensuite, ce qui a été vraiment sympa, c'est l'engouement populaire qu'on a pu sentir se créer. Mes filles étaient trop jeunes à la grande époque (1 an pour l'aînée en 1998). Mais, là, elles étaient à fond. D'elles-mêmes, elles suivaient les matchs avec leur bande, ou se retrouvaient dans les fans zones avec leurs copains. Au moins, quand je leur parle de mes souvenirs de 1998, c'est plus concret, ça fait moins "vieux" qui radote. Je peux désormais leur dire : ben voilà, c'était pareil, voire plus énorme encore comme ambiance (c'était la coupe du monde, quand même), et en plus on gagnait à la fin, donc il faut imaginer la liesse populaire que cela a pu représenter.
Comme Adriana a pu le dire plus haut sur ce fil, je ne ressentais pas la pression que j'avais pu ressentir en 1998/2000 (des défaites et des victoires, j'en ai vu tant, que mon cœur s'est aguerri). Mais dans la fan zone où j'étais pour la finale, c'était majoritairement des 15-25. Eux, ils y étaient avec tous leurs espoirs et leur naïveté. C'était la première fois qu'ils voyaient la France aller loin, et ils avaient grandi avec Knysna et les flops de l'équipe de France. Comme moi qui découvrait en 1998 une équipe de France capable de gagner, avec la croyance que l'épopée Platini c'était un truc de l'époque des parents qu'on ne reverrait jamais plus (l'équipe Henri Michel, ou les ratages de l'Euro 1992 et du Mondial 1994, ça douchait bien).
Pour ce qui est de la défaite de l'équipe de France, je ne peux pas dire que je ne l'avais pas vu venir. Au moins, la défaite est moins amère pour moi, quand on gagne un pari avec une côte à 1 contre 7 (avec aussi l'Islande à 1 contre 10, ça va, solde positif).
Mais que j'ai détesté l'ambiance générale, ici et ailleurs qui voyait la France l'emporter sans peine après sa victoire contre l'Allemagne. A croire que personne ne retient les leçons de l'expérience. Ce ne sont pourtant pas les cas qui manquent d'équipes qui se voient trop belles, et qui se ramassent bien comme il faut. Et puis, surtout, qu'est-ce qu'on donne le bâton pour se faire battre. La presse italienne, et notamment la Gazzetta dello sport, nous chambre à juste titre en se demandant ce qu'on va faire du bus qu'on avait déjà préparé pour la parade victorieuse des Bleus, ce dernier étant déjà peint avec le mot "Champions d'Europe". Comme le disait justement l'entraîneur portugais dans Marca (ou As) avant match : le statut de favori ne fait pas remporter de titre.
Je voulais espérer que l'équipe ne se laisserait pas emporter par cette enflammade, et que les fanfaronnades seraient limitées aux supporters. Je guettais dans les déclarations à la presse les signes comme quoi les Bleus avaient su garder la tête froide. Mais je crains que finalement, non, nos joueurs aussi ont été surpris de la résistance de leur adversaire. Au moins, on se prend une leçon d'humilité en sport (comme si on en avait besoin, c'est pourtant pas les claques qui nous manquent).
Pour ce qui est de l'équipe de France, j'ai trouvé que sa finale a été à l'image de son Euro. Un collectif à la peine compensé par des individualités de talent avec de la bonne volonté. J'ai bien aimé cette équipe malgré tout (mais j'aimais bien l'équipe de France 1994 ou 2010, à sa manière toutefois, alors mon avis compte peu). Mais à aucun moment, je n'ai senti que l'équipe pouvait être dangereuse ; les occasions n'arrivaient à se créer que sur une folle chevauchée de Sissokho ou Coman. Lorsqu'on est pas plus dominateur que ça, et qu'on a une possession de balle stérile, cela veut dire qu'on laisse son sort dépendre de la chance. Quelque part, la chance n'est que le nom laïc du destin. Ce n'est alors plus du foot, c'est une ordalie : on en appelle à une essence supérieure pour qu'elle fasse pencher la balance de notre côté. Ou pas. Et, là, clairement, les Dieux nous ont abandonné. Ils ont dû se lasser de tous les coups de pouce qu'ils nous ont donné, tout au long de cet Euro, du match d'ouverture contre la Roumanie à la demi-finale contre l'Allemagne (parce que le pénalty donné par Schweini, c'est quand même plus qu'un coup de pouce). Parce que le résultat tient souvent à pas grand chose. Le poteau de Gignac, et les têtes qui ratent de peu de Grizou, d'un côté ; le coup franc idéal et le carton français pour une faute de main portugaise, de l'autre... c'était autant de signes que le Destin avait fait son choix sur le vainqueur final.
Pour ce qui est du Portugal, ils ont beau être vainqueurs, ils le sont sans gloire. On a beaucoup invoqué la Grèce 2004. Ils me font plus penser à Argentine 1990. Une équipe avec quelques pointures, menée par un cador mondial. Qui fait pourtant de la daube. Qui sort difficilement de sa poule de quatre équipes (meilleur troisième, là encore). Et arrive néanmoins en finale avec un jeu dégueulasse (et qui aurait pu y gagner, sans un pénalty litigieux accordé à l'Allemagne). Et qui doit sa réussite à un gardien en feu. Malgré tout, une équipe qu'on arrive pas à apprécier, malgré sa réussite, à cause d'un anti-jeu lamentable, indigne du talent des joueurs en question.
On peut pas en vouloir au Portugal de jouer petit bras comme il l'a fait, de gagner de manière poussive et peu spectaculaire. L'amateur de football aime avoir le résultat et la manière. Mais, quand il faut choisir entre les deux, le pragmatique choisit le résultat, au détriment de la manière. Mais seul le voyou est prêt à sacrifier aussi l'honneur et le fair play pour le besoin du résultat. Or, à froid, le principal fait de jeu portugais dont je me souviens est la prise de catch de Quaresma. Après, les supporters portugais sont probablement émerveillés par leur équipe, d'une manière similaire à des parents aveuglés par leur amour pour un gosse "différent".
Mais, franchement, cette équipe de Portugal, c'est comme la coupe de cheveux de Quaresma, un truc qu'on espère ne pas revoir de sitôt sur les terrains (hors terrains de Ligue 1, évidemment, où là il faut se faire une raison).
Je suis content pour les Portugais, quand même. Si ce n'est sur cet Euro, ils méritent, au regard de leur histoire, d'avoir au moins une fois le sacre continental. J'imagine la belle fête que ce doit être là-bas.
Dommage par contre pour le Portugal qu'il ait de si mauvais ambassadeurs chez nous. J'habite le quartier portugais de ma ville (qui est de toute façon très métissée, vu que 50% de la population est d'origine immigrée). Les anciens, ceux nés au Portugal, ont le triomphe modeste. Et je suis contents pour eux, tant ils ont connu de revers en football avec leur équipe nationale. Les scènes de liesse sans retenue sont le fait de jeunes issus de la troisième génération d'immigration, qui ont autant de liens avec le Portugal que moi avec le Sénégal. Or, la liesse de la victoire a toujours quelque chose d'un peu ridicule, dans cette illusion qu'a le supporter que la victoire de son équipe est aussi un peu la sienne. Là, on a une double illusion : celle classique du supporter avec celle d'être Portugais. Et comme les ridicules aiment bien se retrouver entre eux, dans mon coin, le petit défilé de voitures avec drapeau portugais (bizarrement, moins que pour la victoire au tour précédent), était accompagné de deux voitures avec un drapeau algérien (désolé les gars, mais la CAN, c'est plus tard).
Sinon, l'image que je retiendrai de ce match, c'est la détresse et la joie de Ronaldo. A sa première fois à terre, j'ai cru qu'il simulait (préjugé, certes, mais dans son cas pas sans raison), afin de casser le rythme, alors que son équipe était prise à la gorge en début de match. A la deuxième fois, j'ai compris que c'était pas du pipeau, et qu'il souffrait réellement. J'imagine le crève-coeur que ce dut être pour lui, alors que cela fait 12 ans qu'il court après un titre avec son équipe nationale, de devoir sortir sur une civière. A ce moment, j'étais vraiment désolé pour lui, et sa détresse était aussi la mienne.
Et cette image du papillon qui est venu se poser au coin de son œil, alors qu'il pleurait de douleur, j'ai trouvé ça plein de poésie. C'était beau et tragique à la fois. Comme un air de fado, du Portugal tel que je l'aime.
Dernière modification par Caepolla ; 11/07/2016 à 13h08.
|