Ethann F.: Je ne suis pas sûr de bien comprendre le sens de ta remarque, mais je vais essayer de compléter ce que j'ai écris pour y répondre.
Je souligne effectivement une analogie entre les conclusions que chacun peut avoir le loisir de tirer de l'expérience de Milgram et la présence au sein de chaque foyer d'un appareil transmettant des prescriptions de comportement de natures diverses auprès du public.
Il a déjà été démontré par le passé qu'il est presque impossible de décortiquer les mécanismes de fonctionnement de la télévision dans le cadre d'une émission de télévision (travaux de P. Bourdieu).
Ce reportage n'a donc très probablement pas de valeur scientifique en lui-même mais il a à priori plusieurs mérites selon moi:
D'abord le thème qu'il décide de traiter n'est pas facile, on pourrait éventuellement le taxer de racoleur, mais je présume que ce serait tirer sur ambulance (reste à voir jusqu'à quel point le montage final jouera sur le sensationnalisme).
J'étayerais ce point de vue en disant que si tu désire brosser le téléspectateur dans le sens du poil, tu ne va sans doute pas chercher à lui renvoyer une image dégradée de lui-même: celle d'un tortionnaire potentiel soumis à n'importe quelle injonction émanent d'une source d'autorité.
Adapter l'expérience de Milgram est donc en ce sens un choix rédactionnel assez courageux pour être salué.
Ensuite ce reportage est produit par le service public et est doté de moyens conséquents (ce qui est visiblement assez inhabituel), la volonté qualitative semble donc faire partie du projet dès le départ.
La présence d'une équipe de chercheurs en sciences sociales pour encadrer la réalisation semble conforter cette impression.
Ayant lu les travaux de Milgram sur la soumission à l'autorité je suis vivement curieux de voir le résultat final.
Je considère à titre personnel que nous vivons actuellement dans une société où un contrôle social extrêmement fort est exercé sur nous, sans pour autant que sa nature violente et dominatrice n'apparaisse clairement à nos yeux.
Avec son taux d'implantation dans les foyers qui frise les 100% et sa nature intrinsèquement unilatérale dans la diffusion du contenu, la télévision joue, je le pense, un rôle majeur dans l'exercice de ce contrôle (aucun autre média ne tient la comparaison avec l'impact télévisuel).
L'expérience de Milgram nous expliquait déjà a quel point sous la façade démocratique policée de nos civilisations occidentales existaient encore de larges possibilités de résurrection de la barbarie la plus brutale.
Ce reportage semble parti pour mettre en avant que le mode d'existence de la télévision actuelle, loin de propager une émancipation toute culturelle comme le prétendent les défenseurs de ce média, condense et désinhibe sous une forme pervertie la violence qui existe en chacun de nous (la télé-réalité est la forme la plus aboutie de ce processus).
J'ai bien conscience d'écrire quelque chose de relativement difficile à appréhender d'une manière modérée:
Les programmes télévisuels fabriquent des individus majoritairement prêts à répondre favorablement (par des actes) à n'importe quelle sollicitation arbitraire à partir du moment où elle émane d'une autorité qu'ils peuvent reconnaître et identifier...
Peu de gens seront prêts à admettre cet état de fait, mais de la même manière aucune personne ne se sentait l'âme d'un tortionnaire avant de participer aux travaux de Milgram: que penser alors ?
Je ne veux pas d'une société de type "bisounours", la violence fait partie de la vie sous différentes formes, mais l'idée que les choix, les opinions et les actes des individus ne leur appartiennent plus me perturbe profondément.
Assez pour que je prenne la peine de partager ces quelques idées avec vous ici.
Maly.
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