Publié par Lerrant
La 3ème ça me paraît tôt, mais dans l'idée, je suis d'accord. L'école doit former des employés performants, c'est de plus en plus une évidence. L'école doit aussi permettre à chacun d'accéder au savoir, à la culture, de forger sa réflexion.
C'est là que je ne suis pas d'accord : elle a vocation non pas à créer des employés, mais à diffuser des savoirs et des méthodes.
Dans la mesure où on a fait entrer le monde dans l'école pour cesser d'en faire un sanctuaire, alors oui, elle a eu à former aussi des employés.
Mais encore une fois, si elle peut légitimement avoir à jouer un rôle économique (après tout, pourquoi pas, on fait même de la prévention routière sur les heures de cours ... alors pourquoi pas) ça n'est pas son objectif premier.
Il faut comprendre qu'il y a deux logiques très différentes qui sont en jeu. Et j'admets là que mes positions sur la question sont très rigides (bah ouais

), et que je rejoins sur pas mal de points l'opinion de pas mal de collègues dits " de gauche ".
Pour moi, la logique de l'école n'est pas celle de l'entreprise, et encore moins celle du marché. Et je suis contre le fait de n'apprendre les langues que dans une logique utilitaire par exemple : la logique de l'école, ça n'est pas d'apprendre 250 mots d'anglais technique, mais d'apprendre la civilisation anglaise, la grammaire anglaise, le vocabulaire de la langue anglaise etc.
De même en Histoire, il ne s'agit pas uniquement de donner les grands repères communs (quoique ça fasse partie des consignes officielles), mais aussi d'ouvrir aux époques anciennes : les élèves adorent qu'on leur fasse un cours sur les mentalités religieuses à la Renaissance ou sur la pratique de la guerre dans l'Antiquité (et on peut déborder sur les guerres des Diadoques et les guerres romaines, dont la punique par exemple) ou au Moyen Age (essayer de leur faire imaginer une charge de chevalier est vraiment intéressant par exemple, essayer de les faire se mettre à la place d'un pauvre arbalétrier qui voit arriver sur lui une charge de chevaliers, ça provoque toujours un effet monstre).
Bref, si on ne se fout pas de la gueule des élèves, et si on leur propose des choses un peu hors- programme, même si c'est léger, même si tous ne comprendront pas, ça marche quand même, parce qu'ils sont curieux et demandeurs.
Et puis merde, ce sont des enfants et des ados, et le monde de l'entreprise est un monde d'adultes. Ca me terrifie de voir parfois des élèves qui font des choix d'orientation comme on ferait des choix de carrière (et en fait, c'est clairement un choix de carrière sur le long terme) : en un sens, tant mieux pour eux, mais en un autre, ça fait quand même un peu peur.
Sinon, ce qui est génial dans le discours des politiques, c'est qu'ils fondent toutes leurs promesses et leurs programmes sur un conditionnel majeur : écoutez bien ce qu'ils disent, et faites bien attention à la tournure presque systématique, qui consiste à dire "
SI la croissance est à tel ou tel taux / revient dans notre pays" alors "
nous ferons telle ou telle réforme / nous aurons telle ou telle action en faveur de blabla... " Bref : tout est au conditionnel, puisque tout repose sur la croissance, qui n'est pas prévisible avec précision. Donc : on construit sur du sable, et tout cela se résume à un blabla savant et parfois précieux, et à une joute oratoire souvent vide de contenu.