L’avantage d’internet c’est qu’on peut savoir beaucoup de choses sur le mariage et sur le divorce en quelques clics. C’est déjà une chance inouïe par rapport à la génération qui n’a pas bénéficié de cet outil et qui se lançait ventre en avant dans le mariage en n’y connaissant rien ou très peu de choses.
Tu parles de lui offrir le symbole du mariage. Le mariage n’est pas un symbole, c’est une sacré contrainte. Tu dois prendre conscience qu’une fois pris dans le mariage tu deviens d’abord un époux avant d’être une personne, et tu donnes aux pouvoirs publics la possibilité d’intervenir dans tes affaires privées au-delà de ce que tu serais prêt à accepter. Les lois peuvent changer indépendamment de ta volonté mais tu seras contraint de les accepter quand bien-même tu aurais refusé de te marier si elles avaient été ainsi au moment de ton mariage. Avec le mariage tu ajoutes environ 90 articles du code civil sur les contraintes qui pèsent déjà sur tout individu.
En tant que citoyen tu dispose d’une liberté plus ou moins contrôlée. Avec le mariage cette liberté sera encore plus réduite. Quant à la législation du divorce que tu évoques, il ne faut pas t’y fier. Même si aujourd’hui tu domines le sujet elle peut changer. Or au divorce ce n’est pas la législation qui prévalait à la date du mariage qui s’appliquera mais celle qui sera en vigueur à ce moment-là. Je vais cependant t'exposer quelques éléments vus d'aujourd'hui.
D’après ce que tu décris de ta situation, le mariage représente pour toi un véritable suicide patrimonial, même si ta future femme ne s’arrête jamais de travailler. Donc le projet qui consiste à prévoir qu’elle s’arrêterait même temporairement est un suicide patrimonial au carré, cependant que pour elle la situation ne serait pas satisfaisante non plus, que ce soit financièrement ou socialement. Le travail est un facteur de socialisation de toute première importance dont on ne se rend compte que lorsqu’on n’en a pas.
Le régime légal dit « communauté réduite aux acquêt » est le pire qui soit. Dans un tel régime tu te contraint toi-même par avance et indéfiniment à tout partager à 50-50, tu te prives par avance de toute possibilité de choix, plus rien de ce que tu pourras acquérir ne sera complètement à toi. Tu cites un bien immobilier dont tu n’as pas fini de rembourser le crédit. Sache que dans un tel régime matrimonial ton salaire tombera dans la communauté dès la signature en mairie. De ce fait tous les remboursements que tu feras avec ce salaire seront réputés avoir été faits avec des deniers commun. Au moment de la liquidation du régime matrimonial tu seras alors redevable d’une « récompense » à la communauté car on considèrera que tu t’es enrichi en utilisant des deniers qui ne t’appartenaient pas entièrement. Cet enrichissement sera calculé comme la différence entre le prix de marché à ce moment là et le prix du bien au moment du mariage diminué du montant du crédit à rembourser. Tous compte faits tu devras donner à l’autre la moitié de cet enrichissement et selon toute probabilité il te faudra vendre le bien pour payer. Attention, il ne s’agit pas là de prestation compensatoire.
Le régime de séparation de biens te laissera plus de latitude pour choisir ce que voudras partager ou non et tu conserveras cette possibilité pendant tout le mariage.
Ne te laisses pas embarquer par la « participation aux acquêts » car c’est une régime qui revient à une communauté de biens à la fin du mariage.
Il existe aussi un aspect extrêmement important dont trop de jeunes qui se marient n’ont pas conscience : l’obligation alimentaire envers les beaux-parents qui découle du mariage. Attention, ce poids peut être colossal car certes on vit de plus en plus vieux mais dans quel état ! C’est là qu’arrive la problématique de l’EHPAD. Si tes beaux-parents deviennent dépendants avec l’âge mais n’ont pas les moyens de payer l’EHPAD c’est toi qui devras apporter le complément. Et attention, un EHPAD coûte entre 3000 et 5000 Euros selon le lieu. Donc s’il y a 2 EHPAD à payer – beau-père et belle-mère - je te laisse faire le calcul. Et si en plus tu dois assumer ceux de tes parents tu peux dire adieux à tes économies, surtout si cela se produit au moment où tu seras toi-même au début de ta retraite donc avec des revenus réduits. Les aides de l’Etat sont ridicules.
Enfin, quelque soit le régime matrimonial choisi, tu ne couperais pas (en plus du partage des biens communs) à lui payer une prestation compensatoire en cas de divorce. Et dans ton cas elle serait conséquente puisque vous envisagez qu’elle s’arrête de travailler. Quoi qu’il en soit tu dois prendre conscience que même si elle ne s’arrêtait jamais de travailler, compte tenu de vos différences de salaires - toi 9000 Euros elle 3000 Euros - tu pourrais quand-même être condamné à lui payer une prestation compensatoire.
La prestation compensatoire n’est pas barémisée. C’est la loterie. En cas de divorce sans juge vous pouvez chercher un terrain d’entente entre vous, mais comme il est rare que l’on divorce par amour, cela deviendra vite un enjeu conflictuel qui vous conduira très probablement devant le juge. Pourquoi n’est-elle pas barémisée ? Selon moi c’est parce que si elle l’était par la loi et cherchait à se caler sur les pratiques, elle se heurterait à un problème de constitutionnalité. Car en pratique la prestation compensatoire ne se limite pas à combler un état de besoin du créditeur, ni à compenser les sacrifices consentis pendant le mariage. Elle va au-delà. Or puisqu’elle payée avec les biens propres du débiteur, elle percute son droit de propriété lequel est protégé par l’article 17 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 inclus dans notre Constitution. De grosse difficulté surgiraient donc pour justifier un barème calé la pratique tout en restant conforme à la Constitution. Laisser le flou dans la loi permet de s’affranchir du problème moyennant l’acceptation d’un arbitraire.
Les méthodes de calculs que l’on trouve sur internet n’ont strictement aucune valeur légale. Ce sont des soupes numériques imaginées par des mathématiciens littéraires qui n’ont pas de fondement autre que celui qu’on veut bien leur accorder par la croyance. Elles cherchent à répondre à ce que l’on appelle en mathématiques « un problème mal posé ». Preuve en est l’extrême variabilité des résultats. D’ailleurs si on lit attentivement les articles 270 et 271 du code civil, on note une contraction entre les deux. En l’occurrence l’article 271 dit que le capital à payer doit être fonction des besoins du créditeur. Quant à vouloir ajuster les résultats d’une méthode de calcul sur un panel de jurisprudences, il faut savoir qu’en droit Français la jurisprudence ce n’est pas la loi, elle ne peut que constituer un argument de la défense.
La prestation compensatoire qui te pendrait au nez sera un capital déterminé non seulement en fonction des flux financiers respectifs mais aussi des stocks de capitaux propres de chacun de vous deux. Ces stocks comprennent tout ce que vous possédez donc les biens acquis avant le mariage dont ton appart, les héritages et même la nue-propriété des biens immobiliers. Les décisions de la Cour de Cassation disant qu’il ne doit pas être tenu compte de la répartition du produit de la liquidation d’un régime matrimonial égalitaire restent un mystère pour moi. Car il est évident que la situation de l’épouse n’est pas la même selon qu’elle lui attribue 1 million d’Euros ou 50.000 Euros. Il est facile de comprendre que le besoin restant à compenser n’est pas le même selon le cas, or l’article 271 du code civil dispose qu’il s’agit de compenser un besoin, et c’est bien l’article 271 qui définit comment on détermine la somme. Il y a là un raisonnement de la Cour de Cassation que je n’arrive pas à comprendre, mais pour résumer, soit le produit de la liquidation du régime matrimonial te permettra de payer, soit cela ne suffira pas et tu devra te défaire de biens supplémentaires pour payer le complément.
Sache que les capitaux propres de ta future ex-femme seront seulement pris en compte pour les flux financiers qu’ils génèrent à l’instant T et non pour leur valeur d’usage qui peut être considérable puisqu’une simple modification d’affectation, par l’achat de sa résidence principale, lui permettra de ne pas payer de loyer diminuant ainsi ses besoins. Or ce simple changement d’affectation ne suppose aucune perte en capital. En somme on va considérer que tes capitaux propres sont immédiatement mobilisables pour payer ton ex-épouse, mais que ceux de ton ex-épouse n’ont pas cette caractéristique quand bien-même ils seraient constitués de valeurs mobilières cotées, donc immédiatement disponibles. Cette dissymétrie de traitement est difficile à comprendre. Hélas les juges n’ont pas de formation en économie et peuvent prendre des décisions qui in fine feraient que tu te retrouverais dans une position plus défavorable que ton ex-épouse éventuellement remariée. Ainsi tu pourrais être amené à lui payer une prestation compensatoire quand bien même ses capitaux propres seraient supérieurs de 500.000 Euros aux tiens.
La vocation successorale n’est pas prise en compte car elle n’est pas considérée comme un avenir certain, par contre il est considéré comme un avenir certain que tes revenus du travail perdureront et que la valeur d’usage du capital dont tu seras privé n’obèrera pas ton avenir au-delà d’un acceptable subjectif.
Si le divorce survient à un âge avancé le principe d’une prestation compensatoire en capital sera extrêmement pénalisant pour toi. Tu sera dépouillé d’une partie de ton capital, mais à un âge avancé aucune banque n’acceptera de te prêter de l’argent pour acheter ta résidence principale. Donc tu pourrais être contraint de payer un loyer jusqu’à la fin de tes jours, ce qui amputera considérablement et définitivement ta capacité d’épargne. Il te sera difficile et coûteux d’emprunter pour acheter une voiture. Tu devras tout payer cash.
J’ai parlé de l’obligation aux aliments envers tes beaux-parents. Tu dois bien avoir en tête que si le divorce survenait pendant que tes beaux-parents seraient en EHPAD, ta future ex-épouse inclurait dans ses charges le financement des EHPAD ce qui augmenterait la prestation compensatoire que tu aurais à lui payer et reviendrait implicitement à te demander de continuer à financer leur EHPAD.
Les calculs que tu fais maintenant te donnent une base mais tu ne sais pas quelle sera ta situation patrimoniale dans 10 ou 20 ans au moment d’un éventuel divorce. Nul doute qu’elle sera extrêmement différente. Et tu ne sais pas non plus ce qu’elle sera si tu ne te maries pas. Donc se lancer dans des conjectures chiffrées mariage/pas mariage me semble inapproprié.
Le divorce n’est plus un événement exceptionnel. Grosso modo 1 mariage sur 2 se termine par un divorce avec tout le stress que cela engendre, le coût que tu devras supporter, l’impact sur ta vie d’après et l’amertume de subir une atteinte à ton droit de propriété par la prestation compensatoire si tu la trouvais injuste compte tenu des circonstances. C’est donc un élément qui doit être pris sérieusement en considération avant la décision de mariage, au même titre que tous les autres. Il peut être tellement coûteux qu’il n’existe aucune compagnie d’assurance au monde acceptant d’assurer la perte patrimoniale consécutive à un divorce.
Quand on aime on ne compte pas et l’on pense que l’accident n’arrivera qu’aux autres, mais la vie est longue. Dans le temps les femmes étaient veuves à 50 ans voire avant, les gens étaient morts avant de divorcer. Aujourd’hui le risque de divorce est de 50%, prendrais-tu l’avion si un vol sur deux s’écrasait au sol ?
Pour poursuivre sur la question financière liée aux enfants, il faut avoir conscience que la problématique des pensions alimentaires n’est pas liée au mariage. Les devoirs envers ceux-ci ne sont pas différents selon que l’on soit marié ou pas. La PA n’est pas vraiment calculée en fonction des besoins de l’enfant mais en fonction de tes revenus. A titre d’exemple je citerais le cas de Rachida Dati, elle a eu un enfant avec l’un de ses amants. C’était un homme d’affaires aisé, c’est ainsi qu’elle perçoit 6000 Euros/mois pour cet enfant. Un enfant ne coûte pas 6000 Euros/mois. Pour l’instant tu pourrais déduire la PA de ton revenu imposable, mais comme je te l’ai dit la loi peut changer à tout moment, et il se pourrait qu’un jour ce ne soit plus pas le cas. Mais alors il sera trop tard pour faire réviser le capital de prestation compensatoire en capital que tu auras payé, lequel aurait tenu compte de ce supplément de charge fiscale s’il avait été connu au moment du divorce.
Je vois des commentaires qui te recommandent d’attendre de voir si ce que tu envisages aurait des chances de tenir sur le long terme. Je ne pense pas que ce soit la bonne approche. La bonne méthode serait selon moi de savoir si tu serais capable d’accepter de te soumettre à ce cadre excessivement contraignant, quelles que soient les veuleries que pourraient te faire ta future épouse pendant les 50 voire les 60 prochaines années.
Aujourd’hui tu penses la connaître mais la vie est longue et les gens changent. Serais-tu capable d’admettre de lui payer une prestation compensatoire de 150.000 voire 200.000 Euros alors que tu l’aurais surprise, chez toi, jouir dans le lit conjugal nue dans les bras de son amant, ceci après avoir déjà partagé à 50-50 tous tes revenus pendant des années ? Etre contraint de vendre le bien immobilier que tu es en train d’acquérir, lequel aurait pu t‘appartenir en propre sans le mariage, pour lui en donner une bonne partie au titre de « récompense » si tu choisissais le régime de communauté de biens ? C’est aussi le genre de question que tu dois te poser, car les juges peuvent accorder des prestations compensatoires même en cas d’adultère. Tu pourrais lui demander des dommages et intérêts, sans aucune garantie de les obtenir, mais le montant serait ridicule par rapport à celui de la prestation compensatoire. Il faudrait te lancer dans un divorce pour faute dont la procédure est longue et coûteuse. En attendant le jugement tu pourrais fort bien être chassé du domicile conjugal par le juge, contraint de continuer à payer le crédit et de lui verser ce que l’on appelle un devoir de secours, alors même qu’elle continuerait à recevoir son amant dans ce qui était votre domicile conjugal, dans ce qui était ton lit. Peut-être même qu’elle serait autorisée à conserver la jouissance de ce domicile après le divorce jusqu’à la majorité des enfants.
A l’inverse si c’est toi qu’elle surprenait au lit avec ta maîtresse tu aurais des dommages et intérêts à lui payer dans un divorce pour faute, mais elle n’aurait pas de prestation compensatoire à te payer.
L'essentiel du mariage n’a pas été pensé pour ce qu’il est pendant sa durée, il l’a été pour constituer un cadre juridique dans lequel va se dérouler sa fin, par divorce ou par décès. On dit que l’on se marie pour le meilleur et pour le pire mais la réalité c’est que l’on ne se marie que pour le pire pour l’un, en l’occurrence toi, et le meilleur pour l’autre, en l’occurrence elle. Du strict point de vue de tes intérêts le mariage ne t’apportera rien, au contraire il te pénalisera. Même si ta femme n’arrête pas de travailler tu seras pénalisé sur absolument tous les aspects financiers or le mariage n’est rien d’autre qu’une affaire financière.
Au risque de me répéter, quel que soit le type de régime matrimonial que tu envisagerais et même si tu en restais à un PACS ou au concubinage, je pense qu’il est extrêmement risqué pour toi comme pour elle et encore plus pour tes enfants, qu’elle s’arrête de travailler.
Elle a un bon salaire, si aujourd’hui elle trouve que son horizon professionnel est bouché cela peut changer. Tout vient à point à qui sait attendre.
Mon texte est très long, mais tu gagnerais à prendre le temps de le lire.