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Ouai de sauf que les estimations ont des ordres de grandeur suffisamment différent pour qu'on puisse avoir une idée fiable de l'importance relative des différents type des fraudes.
Les discours du type "de toute façon on ne peut rien savoir" ou "les chiffres on leur faire dire ce qu'on veut", ça va bien 2 minutes.
Dans la mesure où il n'y a jamais eu de volonté de détecter et poursuivre la fraude sociale, difficile de donner du crédit aux informations et même aux ordres de grandeur. C'est d'ailleurs la principale recommandation de la Cour des Comptes : commencer à mettre en place des procédures et outils de contrôle sur les fraudes aux prestations sociales.
J'avais écrit ce message au moment de la sortie du rapport de la Cour des Comptes :
Publié par Le Comte Estbon
La fraude aux prestations sociales c'est 1 milliard d'euros, une paille
Il y a d'ailleurs un rapport de la Cour des Comptes sorti cette semaine au sujet de la fraude sociale. La synthèse est très intéressante.
La fraude sociale, qu’elle concerne les recettes ou les dépenses, porte atteinte au principe de solidarité et au pacte républicain qui fondent depuis 1945 la sécurité sociale. Lutter contre celle-ci est un impératif d’efficacité économique et de justice sociale et le Conseil constitutionnel a reconnu à la « lutte contre la fraude » le caractère d’une exigence constitutionnelle.
En novembre 2019, dans une communication au Premier ministre consacrée à la fraude aux prélèvements obligatoires, la Cour a fait état d’une estimation par l’agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), à partir de contrôles aléatoires des Urssaf sur les cotisants, d’une fraude aux prélèvements sociaux qui serait comprise, pour 2018, entre 6,8 Md€ et 8,4 Md€. Elle a cependant indiqué que cette évaluation était sous-estimée.
À la demande de la commission des affaires sociales du Sénat, la Cour a réalisé la présente enquête sur la fraude aux prestations sociales, les actions engagées pour lutter contre ce phénomène et les résultats obtenus à ce titre.
L’enquête de la Cour couvre les branches du régime général de sécurité sociale (maladie et accidents du travail-maladies professionnelles, famille et vieillesse) et, sur plusieurs points déterminants d’appréciation, Pôle emploi et les retraites complémentaires des salariés AgircArrco, soit 521,4 Md€ de prestations légales et conventionnelles représentant 21,5 % du PIB. Pour sa réalisation, la Cour a mobilisé l’ensemble des sources d’information disponibles et a sollicité des informations supplémentaires. Ces travaux lui ont permis d’établir, en toute indépendance, des constats principalement inédits, appelés à contribuer au débat public.
Les fraudes constituent une partie des irrégularités de tous ordres qui affectent l’attribution, le calcul ou le versement des prestations dans le sens d’un excès de versement des prestations qui se traduit par des indus à détecter, à interrompre et à récupérer pour ceux versés. Si ces irrégularités ont un caractère volontaire, il s’agit de fraudes. Dans le cas contraire, il s’agit de simples erreurs. En pratique, cette distinction peut être difficile à opérer.
Une estimation de la fraude limitée aux seules prestations versées par les Caf
La Cour a pour mission d’apporter des informations et des analyses objectives, et c’est ce à quoi elle s’est attachée dans le cadre de cette enquête. Elle ne présente donc pas d’estimation globale du montant de la fraude aux prestations, les données disponibles ne permettant pas de parvenir à un chiffrage suffisamment fiable.
En effet, seule la branche famille procède à une estimation de la fraude aux prestations. Depuis 2010, elle effectue à cette fin des contrôles approfondis sur la situation d’un échantillon représentatif de foyers d’allocataires. L’évaluation annuelle qu’établit la Cnaf fournit une mesure de plus en plus pertinente de l’ampleur de ce phénomène, sans encore le retracer en totalité. Au titre des prestations versées en 2018, la Cnaf estime la fraude, détectée ou non, à 2,3 Md€, soit 3,2 % du montant des prestations versées. Cette fraude se concentre sur le RSA, la prime d’activité et les aides au logement, les prestations familiales étant moins touchées.
Pour sa part, l’assurance maladie n’évalue pas la fraude aux prestations, alors qu’elle pourrait y procéder, en redressant au plan statistique les résultats des programmes nationaux de contrôle définis par la Cnam et d’application obligatoire pour les CPAM et le service médical, qui ciblent des dossiers présentant des caractéristiques prédéterminées. La branche vieillesse pourrait elle aussi procéder à une estimation en partant des résultats redressés des contrôles sélectionnés par son outil de datamining. Pôle emploi a procédé en 2015 à une estimation de la fraude sur un champ partiel, mais ne l’a pas reconduite. À l’issue de l’enquête de la Cour, il s’est engagé à y procéder, selon une périodicité à définir, sur un champ élargi d’anomalies.
L’absence d’estimation du montant de la fraude pour la plupart des prestations prive l’action des pouvoirs publics et des organismes sociaux d’un indispensable instrument d’orientation des actions à mener pour mieux la prévenir, la détecter et la sanctionner. L’estimation du montant de la fraude n’est pas le seul domaine dans lequel la branche famille se distingue des autres branches du régime général et de Pôle emploi (voir infra).
La suite ici : https://www.ccomptes.fr/system/files...sociales_0.pdf
Pour ma part je retiens que si l'on a avancé très significativement sur la lutte contre la fraude fiscale ces dernières années, nous sommes encore au tout début en matière de lutte contre la fraude sociale. La CNAF a déjà mis en oeuvre un ensemble de pratiques qui permettent de détecter et de mieux mesurer la fraude sociale, mais les autres organismes audités (Pôle Emploi, les Caisses d'assurances vieillesses et l'Assurance maladie) ne font pour le moment presque rien.
Je retiens également que si l'on cherche on trouve, ce qui tend à prouver que les gisements de fraudes sociales sont conséquents.
En 2019, les principaux organismes sociaux ont détecté 1 Md€ de préjudices subis et évités dans le cadre de la lutte contre les fraudes. Ce montant connaît une augmentation continue, quoiqu’inégale entre organismes et dans le temps. La branche famille a identifié 324 M€ de préjudices subis au titre de fraudes, soit 3,6 fois plus qu’en 2010 ; l’assurance maladie 287 M€ de préjudices subis et évités au titre de fraudes et de fautes, soit 1,8 fois plus qu’en 2010 ; la branche vieillesse 160 M€ de préjudices subis et évités au titre de fraudes et de fautes, soit 2,2 fois plus qu’en 2013 ; Pôle emploi 212 M€ de préjudices subis et évités au titre de fraudes, soit 4,6 fois plus qu’en 2010.
Globalement, la Cour acte que si l'on ne cherche pas la fraude sociale, on ne risque pas de la trouver. C'est l'évidence même, mais le souligner est un aspect important du problème :
Un niveau de contrôle très en-deçà des risques de fraude
Les vérifications sur pièces de la stabilité de la résidence en France de bénéficiaires de droits à une prise de leurs frais de santé par l’assurance maladie portent sur une fraction réduite de ceux pour lesquels il existe un doute sur l’effectivité de cette résidence ; les vérifications approfondies de situation sont quant à elles presque inexistantes.
Un nombre significatif de professionnels libéraux de santé ont une activité anormalement élevée facturée à l’assurance maladie. S’agissant des infirmiers, profession pour laquelle les montants de fraude détectés sont les plus élevés, 4 % au plus sont contrôlés chaque année, de manière plus ou moins approfondie, à comparer à 8,5 % des infirmiers ayant perçu au moins 150 000 € d’honoraires en 2018, avec de fortes disparités territoriales. Dans les Bouches-duRhône, qui comptent 3 % de la population française, mais 7,2 % du total des honoraires facturés, moins de 1 % des infirmiers sont contrôlés chaque année.
L’assurance maladie contrôle au plus 0,7 % des séjours qui lui sont facturés par les établissements de santé publics ou privés.
Les contrôles sur place des Caf, les plus poussés (visite des contrôleurs au domicile des allocataires ou convocation physique de ces derniers à la caisse), sur la situation des allocataires du RSA, prestation la plus fraudée, ont porté en 2019 uniquement sur un allocataire sur 20.
Dans la branche vieillesse, les contrôles a posteriori sur des dossiers de retraités en cours de paiement sont très rares (en moyenne, un sur 1 900).
Les recommandations de la Cour semblent de bon sens :
Au total, la Cour formule 15 recommandations opérationnelles afin de lutter plus efficacement contre la fraude et les irrégularités liées aux données prises en compte pour les droits et les prestations, qui font subir des pertes à notre système de protection sociale :
- estimer le montant de la fraude aux prestations, non seulement pour la branche famille, mais aussi pour l’assurance maladie, la branche vieillesse et Pôle emploi ;
- sécuriser en amont le versement des prestations, en menant à bien trois chantiers : la réduction des risques d’usurpation d’identité ; la fiabilisation des salaires, des ressources et des situations professionnelles ; une gestion plus rigoureuse des droits et des facturations de frais de santé à l’assurance maladie ;
- renforcer en aval les contrôles sur les irrégularités les moins visibles, difficiles à déceler et permettre aux organismes sociaux de récupérer le plus largement possible les préjudices financiers subis du fait de fraudes détectées.
Afin d’assurer la réalisation de ces objectifs, les budgets informatiques des organismes sociaux devraient être augmentés. De fait, l’allongement des délais, pour les projets visant à sécuriser le versement des prestations déjà engagés, dénote l’insuffisance de ces budgets, alors que le retour sur investissement des évolutions informatiques à effectuer, serait, lui, très rapide, sous la forme de moindres dépenses injustifiées de prestations. Par ailleurs, le renforcement préconisé des contrôles en aval appelle la mobilisation de moyens humains supplémentaires.
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