Publié par ministre-pantin
"Les professeurs conserveront leur statut de fonctionnaires et continueront à voir leurs traitements versés par l'Etat. Chaque université, cependant, pourra leur verser ou non des primes, en fonction de critères d'évaluation qu'elle fixera", explique la ministre.
Pour les postes de contractuels, "les établissements pourront proposer les salaires qu'ils souhaitent pour attirer les meilleurs".
Pour les postes de contractuels, ça sera les salaires qu'ils
peuvent en fonction de l'argent qu'ils réussissent à obtenir.
Un petit cadrage : depuis deux ans a été mis en place l'ANR, qui est une agence de moyens créée par siphonnage des sous des EPST pour financer des projets sur 3 ans (si vous voulez, je peux vous en parler plus longuement et évoquer les décisions criminelles de gestion de l'argent par le Ministère). Il est évident que les postes de contractuels seront des CDDs créés pour "coller" aux ANR, à charge pour le contractuel de tenter de se raccrocher au bout de trois ans comme il peut à un nouveau projet (ce qui est merveilleux pour la vie de famille, vu qu'il devra sans doute bouger d'un bout à l'autre de la France). Sur cette base, que pouvons-nous avoir ?
- cas idéal : un réel investissement massif , et des contrats à la mesure des CDI obtenables dans le privé (faut pas déconner, faire de la recherche en CDD faut des compensations). Mis à part le manque de projets à long terme (observatoires et autres), faut voir.
- cas réaliste : l'investissement est en partie mis dans les tâches urgentes, genre la réfection de locaux qui n'ont jamais été refaits par manque d'investissement (les chercheurs devraient être contents de faire ce qui leur plaît, et puis ils se sont voués à une vie d'ascèse genre respirer l'amiante à plein poumons, repeindre à leurs frais les couloirs ou nettoyer eux-même les toilettes). Ca fait soit peu d'embauches à des salaires intéressants, soit plus d'embauches à un salaire pas extraordinaire (mettons le salaire de base d'un MCF 1650 € / mois), ce qui est pas mal dans l'absolu (le chercheur, après tout, est peut-être réellement détaché des biens matériels du monde) mais comme CDD avec toutes les merdes qui vont à côté (difficultés à louer un appart, avoir des crédits, changer de boulot) devient moins intéressant lorsqu'on a un bac+8 en poche et que les universités étrangères proposent largement mieux
- worst case scenario : la décentralisation des carrières est une belle occasion pour l'Etat de sabrer sec dans les budgets, ce qui fait que les universités n'ont pas plus de sous qu'avant. Vu que ce n'est pas l'augmentation d'un facteur 10 qui peut aider, et étant donné la courte vue proverbiale des entreprises françaises et leur haute opinion des docteurs ("vous êtes docteur ? vous soignez quoi ? OLOL²²²PTDRIRL !!" - entendu dans un forum d'insertion professionnelle), ne reste ... que les entreprises étrangères. Et j'avoue que je n'en ai rien à battre d'avoir une chaire McDonalds qui va cautionner l'épidémie d'obésité, si je peux vivre décemment.
Deux scénarios sur trois vont provoquer un afflux supplémentaire de docteurs à l'étranger. Tiens, ne serait-ce pas un résultat inverse à celui espéré ? Mais, comment est-ce possible , ça marche super aux US !! Ben oui, aux US le gouvernement fédéral investit massivement en recherche, et les entreprises sont dirigés par des personnes sensées, forcément ça change. Enfin bon, on jugera sur pièces sur le budget 2008 ...
Concernant le cadre administratif de l'autonomie des universités : y'a des gens qui pensent sérieusement que renforcer le pouvoir du président (bon ça ok) ET lui donner automatiquement plus du tiers des votes (7 extérieurs sur 20 choisis par ses soins, qui voteront comme il le désire)
ET affaiblir toutes les autres instances qui n'ont plus de pouvoir de proposition mais uniquement de consultation (conseil scientifique) ET lui donner un pouvoir d'emporter la décision en cas d'égalité ET lui donner la maîtrise totale du recrutement via la disparition des commissions de spécialistes et la création d'un machin global, le tout dans un système non pas à l'anglo-saxonne (avec des gens intègres, mentalité protestante) mais un système où le népotisme, le copinage et les passe-droits font déjà des ravages, c'est une idée fantastique ? Félicitations, je suis honnêtement impressionné !
... ah, au fait, pour préciser, je suis furieusement contre tant qu'il n'y aura pas des capacités supplémentaires de contrôle ET des lois-cadre punissant sévèrement les copinages ET une obligation de nommer un président qui n'ait aucun lien avec l'université. Le système à la française est déjà bien pourri au niveau des commissions de spécialiste, pas la peine d'en remettre une couche locale bien épaisse.
Enfin, pour info : zéro embauche dans les EPST pour 2008. On n'aura connaissance des postes de MCF ouverts qu'au début 2008. Ca va bien aider les jeunes chercheurs à prendre leur décision ça.
Ah, dernier point : je m'en contrebranle des étudiants, je ne m'intéresse qu'à ma pomme et le moyen que je vais avoir en septembre prochain de gagner ma croûte et ne pas vivre sous les ponts, donc je n'ai pas d'opinion fixée sur la sélection au master. Ca, c'est dit.
@Mahorn : non ce n'est pas une réforme vide, au contraire : c'est une réforme qui met la charrue (cadre d'autonomisation) avant les boeufs (moyens réels débloqués). Et il n'est pas impossible qu'on oublie rapidement les boeufs, avec 15 milliards à trouver quelque part par ailleurs.