Vous avez sans doute entendu parlé de la première xenogreffe cardiaque couronnée de succès.
Ma première réaction fut de l'ordre du "cool, la génétique fait des progrès extraordinaires". Et comme il se passe plein de trucs passionnant ou inquiétant en ce moment, ma seule autre réaction fut un profond soupir quand, bien entendu, les premières remarques antisémites/islamophobes/veganophobes ont commencé à émerger sous la forme de vannes nulles.
Bref, je n'avais pas plus que ça réfléchit aux implications. Sauf qu'il y en a plein, comme l'explique ce très bon youtoubeur anglais :
Alors, en vrac, et j'en oublie certainement :
1) le gros risque de xénogreffe, c'est qu'un rétrovirus porcin s'infiltre dans un organisme humain. Et manque de chance, le patient subira par définition un traitement antirejet offrant toutes les possibilités à ce virus enfoui dans l'ADN du cochon de s'exprimer. Voire de devenir contagieux. Il est prévu que le sujet d'une xénogreffe fasse l'objet d'un suivi médical permanent, et qu'au cas où il manifesterait les signes d'une zoonose, il passe le reste de sa vie en quarantaine, pour éviter de déclencher une nouvelle pandémie. Là, ça calme.
2) pour rendre ces organes plus compatibles et éviter le rejet, les porcs sont modifiés génétiquement. Pour l'instant, on a surtout retiré des gènes. Mais la tentation d'ajouter des gènes humains risque d'être grande. Ou celle d'utiliser les porcs pour porter des cellules souches humaines qui se développeraient dans des organes génétiquement identique à ceux du bénéficiaire de la greffe. Au RU si j'ai bien compris, tant qu'on n'atteint pas 50% de gènes humain, l'animal est considéré comme un animal. Sauf que les expériences ont montré que :
- des porcs incorporant des gènes humains étaient plus intelligents et jouaient mieux à des jeux vidéos (adaptés) que leurs cousins non-modifiés
- des souris avec des cellules gliales humaines étaient plus performantes dans le test du labyrinthe et avaient une mémoire 4 fois plus développées que des souris normales.
Vous voyez venir les gros dilemmes éthiques ? Ou les gros cauchemars dystopiques ?
3) ces animaux destinés aux xenogreffes ne seront pas des animaux d'élevage ordinaire, mais devront grandir isolé, dans un environnement stérile. Plusieurs années pour un porc. Alors ce ne sera pas forcément pire que les élevages industriels en terme d'horreur, mais, pour peu que leur psychée/intelligence (qui est déjà très élevée de base chez les porcs) soit plus forte encore...
4) si on peut faire un coeur, on peut faire n'importe quel autre organe et le transplanter : cornée, pancréas, reins, poumon... Cool ! Mais qui aura accès à ces organes ? Combien ça va coûter ?
5) Sauf erreur de ma part, l'UE et les USA autorisent de breveter le vivant. Les modifications génétiques de ces donneurs animaux seront très certainement brevetées. Si vous recevez un coeur avec un ADN appartenant à Pentex BioHealth Corporation, est-ce que votre coeur sera à vous ?
6) Avant ce coeur, la première xenogreffe réussie d'un organe complet a été celle d'un rein sur une patiente en état de mort cérébrale mais qui avait souhaité offrir son corps à la science. Sa famille a accepté qu'elle reçoive cette greffe "test", mais elle n'avait jamais donné son consentement pour ça.
7) Il y aura forcément coexistence des greffes "à l'ancienne" et des xénogreffes. Qui bénéficiera des unes et des autres ? Quel choix les patients pourront faire ?
8) Ah, et pour placer tout ça dans son contexte : il y a des dizaines (centaines) de milliers de personnes qui meurent faute de greffe ou dont les conditions de vie sont pas glop. Sans parler des trafics d'organes et des assassinats d'êtres humains dont certaines mafias et gouvernements peu scrupuleux se sont fait la spécialité.
Bref, je recommande la vidéo, et les questions qu'elle pose me semblent pertinentes. Je précise du coup que je n'ai pas de positionnement ou d'avis tranché sur la question, si ce n'est désormais un "
ouh, c'est compliqué, va falloir réfléchir et faire attention".