Pour abonder dans le sens d'Ebe, du haut de ma petite experience dans le domaine du MMO (j'ai participé de près au fiasco WAR quand même !) :
Il y a, à mon avis, confusion entre différents concepts. Il faut bien voir qu'à la base, dès qu'un jeu implique des interactions entre êtres humains, on est face à un jeu de société. C'est le point le plus capital, celui à ne jamais oublier et la raison pour laquelle WoW remporte un tel succès : ses développeurs ont parfaitement compris cet aspect et il est intégré à tous les niveaux.
Vous voulez bâtir un monde ? Alors bâtissez une société. Personne n'aime jouer Robinson Crusoë.
Donc, on a un aspect social.
Mais ce n'est pas suffisant. Il faut aussi faire rêver, impressionner, captiver. C'est la méthode Tolkien. Quoique vous mettiez dans votre jeu, ça ne doit pas être gratuit : cela doit avoir une raison d'y être et avoir un but (jouabilité, social, tradition...), le tout étant de tout emballer dans un manteau de cohérence. On y reviendra (un jour).
Ensuite, il y a l'immersion. Se promener dans Leth Nurae ou New Targonor dans Vanguard, c'est sympa, c'est beau mais... les portes sont fermées, il ne s'y passe rien. L'immersion, c'est pouvoir ramasser des pommes sur un arbre, c'est pouvoir prendre la peau, les os et la viande la bestiole qu'on vient de tuer, c'est pouvoir prendre de l'eau dans une rivière, y pécher des poissons, se servir des arbres pour construire un bateau, être pourchassé par la garde quand on tue un commerçant... c'est pouvoir interagir avec le monde. Après, la richesse du jeu, la quantité d'interactions possibles va conditionner sa durée de vie. C'est ce qui a fait le succès d'Everquest, WoW ou Eve.
Social, immersion, interaction. Après, c'est la jouabilité. Mais vous pouvez avoir la meilleurs jouabilité du monde, si les 3 aspects précédents sont ratés, vous ferez un four. Quelqu'un a dit "Vanguard" ?
La jouabilité et l'interaction, c'est ce qui va faire rester les joueurs. Le social et l'immersion c'est ce qui va les attirer. Comme toutes ces composantes sont liées, ça reste un exercice très difficile.
En aucun cas, vous ne pouvez mettre le succès d'un jeu sur le compte de sa licence, de son univers ou de certaines caractéristiques. Un MMO est un tout, on ne peut pas le réduire à une de ses composantes.
Maintenant, pour ce qui est des univers inexploités... soyons clairs, ce n'est pas un univers inexploité qui va sortir le mmo de son marasme. C'est un développeur indépendant à qui les investisseurs vont foutre la paix. Il faut qu'il soit iconoclaste et ambitieux. Et ça, Zenimax studios semble être bien parti pour le faire.
Parlons un peu de WAR. Quand je bossais pour Goa, j'ai été aux première loges. Dès le départ, ce que nous voyions dans la beta nous laissait dubitatifs. Goa a fait pas mal de retours à Mythic mais ça n'a pas servi à grand chose. La machine était lancée à pleine vitesse.
Le résultat, ça a été qu'un licence fabuleuse, dantesque, folle, faite pour l'intrigue, les hauts faits et une lutte acharnée s'est retrouvée tranformée en une espèce de lounge édulcoré, accouplée à des salles de counter-strike med-fan. On ne peut rien y faire : pas d'artisanat autre que des accessoires car "ça éloigne le joueur du combat", pas de placement libre de machines de siège "car on ne sait pas faire ça sans bug", des forts playskool avec des modes d'attaque limités "car c'est plus facile à équilibrer", rien, aucune liberté. Même le look des personnages est standardisé pour la lisibilité à l'écran, les quêtes sont à crever de rire tellement elles sont ridicules (fedex et massacre de mobs)... et j'en passe.
La raison ? Games Worshop voulait un max de clients. On a donc nivelé par le bas et au lieu de faire un bon jeu, on a fait un jeu auquel madame Michue peut jouer avec Kévin, son petit-fils de 11 ans. Et ça, ça donne invariablement de la merde. Aucun effort n'a été fait pour promouvoir le social => Les quêtes publiques sont des événements de groupe, longs et parfois techniques qui ne donnent de récompense valable qu'à deux joueurs par succès, alors que pour certaines il faut être deux groupes pendant 30 minutes. Trop bien ! On la sent bien la mise en valeur de l'effort par la récompense, indispensable dans les jeux de ce type (à savoir, hack'n'lash bourrin".
Mal équilibré, pensé pour jouer en solo au milieu d'une masse sauf à certains endroits ou le groupe est indispensable, claquemuré par des cloisons rigides, pensé comme un couloir. La recette du désastre. La jouabilité sauve un peu les meubles, même si l'équilibrage est déjà une plaie.
Clair, j'ai trop hâte de voir "le trône de fer", "Waylander", "Narnia", "Dune" ou d'autres licences massacrées de la sorte par des gestionnaires de fonds d'investissements désireux de faire de belles plus values.
Le problème n'est pas dans les mondes mais dans la mentalité des gens qui président au développement de ces jeux.
Là où Ebe a, à mon avis, mis le doigt sur un point capital, c'est qu'un jeu ne peut pas plaire à tout le monde. On peut séduire beaucoup de gens, mais il convient de cibler un public et de construire un jeu pour ce public. S'il est bien fait, le public viendra, et s'il est très bien fait, il provoquera l'extension de ce public. Mais vouloir de base toucher tout le monde, c'est se tirer une balle dans le pied.
|