Il est clair qu'Haremuir et moi sommes des grands machistes, comme nos nombreuses interventions dans le fil le laissent voir. Tu nous as bien eus.
C'est pas trop la question en fait.
De mon point de vue, le machisme n'est pas toujours un problème. Dans pas mal de cas, j'ai observé qu'il sert plus à l'homme à tourner en dérision le carcan de l'homme fort dans lequel la discrimination de genre place les homme. Dans ces cas-là, lutter contre le machisme, ça revient à retirer à certains hommes la défense qu'ils ont trouvée pour s'opposer à l'agression que la société a sur eux.
Du coup, vouloir d'un côté que les victimes femmes (de la discrimination de genre) trouve des solutions palliatives et les portent elles-mêmes tout en arguant que les hommes ne peuvent rien faire, ça ne me convient pas du tout. Les hommes peuvent faire quelque chose, parce que ce dont on parle, ce ne sont que des conséquences du problème du sexisme, des symptômes d'une maladie sourde qui gangrène la société.
Mon discours depuis le début tient en une phrase : les femmes ne sont pas seules concernées, les femmes ne sont pas seules victimes. Le féminisme des années 70 est mort et enterré, parce que l'égalité en droit est acquise, et que cette acquisition a causé des effets de bord qui sont dommageables à la société dans son ensemble.
J'espère qu'il est pour tout le monde inenvisageable de revenir sur l'égalité de droit. Néanmoins, dans le cas des indélicatesses de jeunes adolescents vis-à-vis de jeunes adolescents, on ne peut pas d'un côté arguer que les garçons sont paumés et en recherche de rupture et de l'autre demandé aux filles d'agir comme des adultes mûres et prêtes à faire un travail sur elles-mêmes. Si ce genre de situation est tellement difficile à vivre pour la fille, c'est qu'elle aussi, généralement, est en phase de profond questionnement sur son identité.
A mon avis, la vrai question est de se demander pourquoi, si on pense que les filles sont capables de faire ce travail sur elles-mêmes, on ne demande jamais aux garçons de le faire. La réponse, toujours de mon point de vue, est que personne ne donne au garçon concerné l'occasion de se rendre compte que ce qu'il fait n'est pas à faire.
La fatalité vis-à-vis du "il y aura toujours des cons" n'est pas une bonne solution, parce que si on symétrise, il y aura toujours des connes chez les féministes. Le cas Mar_Land est à mes yeux l'exact reflet de ces gamins paumés qu'on laisse faire en demandant aux autres de se démerder avec leur comportement.
Alors évidemment, dans un cas particulier, c'est fait et il faut réparer. Je ne reviens pas là-dessus. Mais la réparation est individuelle et personnelle, et nous (vous et moi) ne pouvons pas imposer aux jeunes filles qui veulent cosplayer en convention d'aller prendre des cours de Krav-Maga ou de Systema pour apprendre à réagir, parce que ça revient à leur demander de grandir plus vite qu'on ne le demande aux indélicats qui les importunent. Pourquoi pense-t-on que les filles sont plus capables que les garçons ?
Je pense que c'est parce que le statut de victime est plus facile à admettre que le statut de coupable, en plus du fait que depuis l'activisme des années 70, on a appris à reconnaître le statut de victime de la femme, alors qu'on n'a pas appris à reconnaître le statut de coupable de la société.
Les solutions individuelles au niveau des victimes sont des compensations, je maintiens cela. Ca ne signifie pas qu'il ne faut pas le faire, ça ne signifie pas que ça ne sert à rien, ça signifie que ça n'est pas suffisant.
Il est nécessaire, parallèlement, de tirer l'enseignement de cette reconstruction nécessaire des victimes pour éviter qu'il n'y ait de nouvelles victimes.
Ca, ça passe par l'éducation, des enfants comme des adultes.
Il y aura toujours des cons, oui. Il y aura toujours des mecs lourdauds, en tout cas dans les décennies à venir, oui. Mais de la même manière, il y aura toujours des mecs qui conduisent bourrés sur la route, ça n'empêche pas qu'on fait des campagnes de prévention contre l'alcool au volant et qu'on établit des lois et des règlements pour lutter contre. Pourquoi dans une situation à peu près similaire, ne le fait-on pas ?
Pourquoi l'inspection du travail me conseille de ne pas refuser une augmentation qui m'est proposée sous prétexte que je le mérite plus que mes collègues parce que bosser avec un mec humainement abject (et aussi bien avec les hommes que les femmes qui travaillent avec lui), c'est considéré comme d'autant plus dur parce que je suis une femme ? Dans ce cas là, où les victimes sont des hommes, que leur restent-ils pour se reconstruire ? Rien. Rien parce qu'on a inclus à la solution des éléments du problème, en considérant que la femme est seule victime du sexisme ordinaire, et en axant tout ce qui est mis en oeuvre sur le bien-être de la femme en laissant l'homme crever la bouche ouverte sur le bas-côté de la route.
Ils n'ont rien pour lutter contre cette injustice parce que l'homme n'est pas une victime dans notre conception des genres, et que le femme est une héroïne dès qu'elle réussit à faire ce que font d'autres citoyens au quotidien.
Si on part du principe que c'est à la femme de se démerder, ça invalide de fait le bénéfice des pionnières. Parce que dans la solution qui m'a été proposée par Esteal d'être une pionnière, je me retrouve finalement stigmatisée par le fait d'être une femme. C'est à mon avantage mais ça n'en n'est pas moins profondément injuste et dégueulasse.
Si on laisse les femmes porter la charge de la résolution du problème dans un mode de reconstruction, on leur accorde de facto un statut de victime, statut de victime qui aujourd'hui nuit aux hommes. Cette solution, si considérée comme la seule et l'unique possible, amène dans sa conception la plus extrême les féministes vindicatives telles que Mar_Land, Isabelle Alonso et d'autres castratrices moins célèbres.
Il ne faut pas exclure les hommes de la solution. Il ne faut surtout pas mettre en oeuvre une solution où on continuerait à considérer que la femme et l'homme ont des devoirs distincts (la question des droits ne se posant aujourd'hui plus).
Si les victimes doivent travailler sur elles-mêmes, elles le doivent parce que toutes les victimes le doivent. Dans de nombreux cas, on travaille aussi sur les agresseurs, bien ou mal, ça n'est pas trop la question. La question, c'est que dans le cadre de la lutte contre le sexisme, on laisse un peu trop facilement libre cours aux femmes, oubliant du même coup que les hommes aussi peuvent être victimes (et quand bien même les statistiques, dont on sait qu'elles sont fausses, les disent moins impactés, un problème qui impactent hommes et femmes ne peut pas être un problème de femmes) et prenant le risque que la solution ne conviennent qu'aux femmes, empirant un peu plus la discrimination de genre qui sous-tend à tout le merdier.
Les solutions imaginées par les femmes ne sont pas des bonnes solutions. Les solutions imaginées par des hommes ne sont pas des bonnes solutions. Un problème de société se résout ensemble, et on ne résoudra pas un problème de domination en essayant d'appliquer la domination inverse. La reconstruction ne peut se faire que sur la base des ruines du système précédent. Il faut à mon avis dépasser cette limite et construire du neuf sur une terre vierge, même si c'est difficile.
Si on part du principe qu'il y aura toujours des cons chez les hommes, on va réitérer les mêmes solutions que celles qu'on a appliquées depuis l'acquisition de l'égalité en droit. L'expérience montre que ça ne fonctionne pas.
Pourquoi persévérer dans ce qu'on sait être une erreur ?
Vous proposez aux femmes de gérer leurs agressions elle-même. Elles le font déjà, et elles sont pour ce faire bien plus aidées et entourées que les hommes. Pourquoi ? Pourquoi, dans une société qui voudrait que tous les citoyens y soient égaux, on continue de privilégier les femmes dès qu'il s'agit de sexisme ? Pourquoi reste-t-on aveugle aux effets réels et néfastes de la discrimination de genre sur les hommes ?
L'inégalité, elle est là. Elle est dans l'acceptation populaire que les violences conjugales ne concernent que les femmes. Elle est dans l'acceptation populaire que les hommes ne peuvent rien y faire.
On peut tous y faire quelque chose. Il y a de nombreux exemples dans l'Histoire où les oppressions se sont terminée par une prise de conscience des oppresseurs. Si dans la relation de domination entre les sexes que nous impose la discrimination de genre, les hommes ne prennent pas conscience du rôle qu'ils ont à jouer, la solution à cette domination sera une domination inverse, celles des revanchardes hystériques qui veulent castrer tous les homme pour les punir de crime qu'ils n'ont pas commis, et elles le veulent parce qu'elles non plus n'ont pas de solution à l'échelle de la société.
Vous êtes dans la même faille rhétorique que les féministes aigries que vous dénoncez.
Encore une fois, elles sont comme elles sont parce que vous êtes résignés. Et je ne demande à personne de s'engager dans la lutte féministe, juste de faire attention à ce que vous dîtes et à comment vous le dîtes.
Les compensations sont nécessaires, mais elles le sont pour gérer la situation le temps de trouver des solutions : elles ne le sont pas en tant que solution.
Pour lutter contre le sexisme, il est nécessaire de déconstruire ce qu'on nous a appris. Non, la femme n'est pas par défaut une victime. Non, l'homme n'est par défaut un coupable. Les gamins qui lancent des insanités aux cosplayeuses sont eux aussi des victimes, les féministes en colère qui voient en chaque homme une ennemi potentiel sont eux-aussi des victimes. Victimes d'un truc qui nous dépasse, mais il est temps de jeter des harpons dans le ciel pour ramener le problème à des proportions plus faciles à conceptualiser.
Le sexisme c'est aussi mon chef qui reproche à toute personne qui aurait une relation conflictuelle avec moi d'être sexiste. Le sexisme, c'est aussi de considérer que je mérite plus parce que j'en ai soi-disant chié pour en arriver où je suis. Le sexisme, c'est considérer que la mère est un parent plus important dans la construction de l'enfant que le père. Le sexisme, c'est une femme qui colle sa main sur le cul d'un mec dans la rue mais n'accepterait pas qu'on le lui fasse en retour.
On ne demande pas aux potentielles victimes de meurtre de se promener avec un gilet par balle dans la rue. Pourquoi demanderait-on alors aux potentielles victimes d'agressions (sexuelles ou pas) de se former à l'auto-défense ? Quelle est la logique ? Pourquoi est-ce différent ?