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Ça fait plusieurs jours que je me retiens, mais là, sur ce point, stop. "Faire un album devrait être bénévole", "à mon avis, un artiste devrait gagner sa vie avec les concerts", "tout le monde torche une chanson en trois minutes, je vois pas pourquoi je devrais payer quoi que ce soit."
Comme ils sont éclairés, les avis, quand ça concerne un boulot qui n'est pas le sien !... Il est vrai, rien ne m'interdit entre deux mousses au comptoir de sortir des conneries sur des secteurs que je ne connais pas, comme "Je ne vois pas pourquoi je paierais un cuistot si son plat est dégueu", "le coiffeur, il donne deux coups de ciseaux près des oreilles, tout le monde peut le faire, je devrais le payer à la mèche, ou même pas du tout." Après tout c'est mes idées rien qu'à moi, et donc, forcément, elles sont vraies et justifieraient devant la loi mon refus de payer.
Je ne sais pas ce que tu écoutes, et franchement je préfère ne pas y penser... Mais pondre un album, pour les nombreuses personnes qui sont attachées à la pop culture, c'est un art, le but de toute une vie. La recherche du son, de la chanson, une quête perpétuelle, qui prend des mois, des années... Ce n'est pas coucher ses dernières compos sur Cubase en deux jours avant de repartir en tournée. A force de tout voir avec un point de vue aussi limité, aussi terre à terre, si peu porté vers le côté sacré de la chose, on se demande pourquoi les gens écoutent encore de la musique, si elle les transcende aussi peu, et on comprend mieux surtout pourquoi ça ne leur vient plus à l'idée de la payer. La musique n'est pas qu'un simple bien de consommation, elle l'est en partie, mais elle est bien plus que ça dans cadre pourtant étriqué — mi-pute, mi-déesse, c'est bien le paradoxe si fascinant de la chanson pop (telle qu'on l'entendait dans les 60s, disons.)
En tant que tel, je n'ai rien contre l'accès illimité à la culture avec le dl, même si je ne suis pas persuadé que ce soit aussi génial qu'on le prétend (le désir, l'attente, la recherche sont des éléments indispensables à la construction du goût et de la sensibilité, enfin je crois.) Je trouve bien ça un peu dommage de "consommer" la musique de façon industrielle, sans prendre le temps de la digérer, en se mettant soi-même en position de force grâce au piratage ("mon envie d'écouter est plus importante que tout") mais j'imagine que c'est un regret qui trouvera peu d'écho.
Heureusement que les vieux (ou morts) auteurs de Pet Sounds, Sergent Pepper, Forever Changes, Odessey and Oracles etc. n'ont pas fait ça "bénévolement, sans y penser, avant de sillonner les MJC"... Quelle régression. Des disques pharaoniques comme ça, 99% des artistes contemporains n'auront jamais les moyens de s'y frotter, ça coûterait les yeux de la tête (et il faudrait le talent qui suit derrière, d'autres schémas de société, bon, c'est un débat différent.) Beaucoup de gens enregistrent chez eux sur un micro-onde par manque de moyen, pour un son correct, certes, mais bon — comment voir un réel progrès là-dedans ? Comment peut-on saluer le fait que la norme ne soit plus Abbey Road, mais un multipistes dans son salon ?
Accumuler des tournées éreintantes au lieu de passer du temps sur un disque conçu comme une véritable oeuvre d'art, je n'appelle pas ça un progrès.
Alors évidemment, comme les majors sont pourries jusqu'à la moëlle, il ne suffirait pas d'acheter plein de disques pour les voir financer des projets plus ambitieux. Ce serait trop beau. Je ne les défends pas, hein, au contraire, et je ne vois pas trop quelle serait la solution, en fait. Je suis le débat avec intérêt sans parvenir à me forger un avis, mais je ne peux pas laisser passer des propos aussi crasseux que ceux que j'ai cités sans ronchonner un peu. Non, un album, ce n'est pas que ça.
Ca m'a toujours fait rire (ou pleurer, j'hésite) les mecs qui montent sur leurs grands chevaux en parlant de LA musique, alors qu'ils citent... de la pop.
Tu ne dois même pas savoir ce qu'est une gamme, et tu te prends pour un gros bonnet.
C'est un peu comme si un mec dissertait sur la littérature en citant Bernard Werber et Marc Lévy : du grand ridicule.
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