@Hark
L'extrême gauche la première fois que j'ai su que ça existait j'arrivais sur Paris dans le 18 ième, venant de province, d'une famille ouvrière, j'avais conscience de rien, ni de ma condition, ni des possibilités d'émancipation.
Mon premier contact avec eux a été dans une bibliothèque, un signe, il y avait des ateliers lecture, j'y suis tombé par hasard en cherchant de la doc sur un métier arrivé ici sur les conseils de la mission locale, j'étais un jeune branleur, je ne savais pas d'ou je venais, qui j'étais et ce qui était possible.
J'ai assisté à une séance, l’accueil était chaleureux et vu que j'habitais a coté et que je ne connaissais personne, j'y suis revenu, on lisait de la philo, de la littérature, de la poésie, ça discutait liberté, condition ouvrière, mais surtout émancipation, il y avait des anarchistes, des communistes et d'autres, pas le genre à casser des abris bus, mais livre sous la main, à donner de leur temps pour accompagner et aider d'autres personnes à voir, leur montrer ce qu'ils sont, leur potentiel et ce qu'il pouvait être. Il disait que la bibliothèque c'est l'église et que c'est ici qu'on pourrait trouver notre salut, on a refait le monde, ils m'ont aidés à comprendre mon environnement, à trouver ma voie, chose que l'école n'a pas su faire.
Il ne cherchait pas à me convaincre que leurs idées étaient meilleures, mais au contraire, à être actif et acteur de sa propre vie, faire mon propre cheminement, à être critique et remettre constamment en cause mes idées et positions. Il n'y avait rien de manichéen et aucun idéalisme néfaste, on analysait avec lucidité tout ce qui nous passait sous la main.
Aujourd'hui la liberté dans cette mouvance n'existe plus, il faut adhérer au dogme, sans cela t'es un social traître, les bibliothèques ne sont plus les églises, l’émancipation a disparue, on préfère promouvoir la société de consommation en distribuant des biftons en guise de pansement, l'idéalisme néfaste a prit le dessus, on y cherche des ennemis plus que des amis, la zone grise est reléguée aux oubliettes, l'individu et son altérité s'efface dans le collectif, la nouvelle génération est frustrée et intransigeante, beaucoup moins lucide que pouvait l'être l'ancienne, l'intersectionnalité importé des US défendant des minorités éparses espérant par ce biais fédérer ne fonctionne pas et n'a fait que désorienter le cœur même de l'extrême gauche qui a depuis déserté, endommageant par la même occasion son ADN.
Il y a maintenant autant de combats que de groupes à défendre, ça tourne en vase clos, en amphi ou ailleurs, ça vocifère, ou l'ouvrier n'a plus sa place et de toute façon, il n'y trouverait rien pour s'émanciper et comprendre que sa condition n'est pas une fatalité. Ce n'est tout simplement plus d'actualité.
L'extrême gauche a laisser tomber les classes populaires pour un autre combat, qu'elle ne gagnera pas.
Elle a perdue vu sa capacité d'analyse, sa lucidité, sa bienveillance, son ouverture d'esprit, sa liberté, son humour, et cette capacité à parler aux laissés pour compte et leur montrer la voie, pas celle que la société nous dicte, mais celle qui permet de nous accomplir en ayant conscience ce qui nous entoure et de nous même.
Aujourd'hui elle promeut l'entre soi, le communautarisme, le silence, le dogmatisme, avant on luttait contre les dogmes, religieux ou idéologiques, même le notre! Maintenant on laisse pousser des espaces communautaire pour garantir une adhésion fantôme, alors qu'on devrait y ériger des bibliothèques qui seraient déjà plus effectif.
Dans ma biblio du 18 ième, il y avait de tout, une lesbienne, un bourgeois, un ouvrier, un immigré etc on partageait et discutait sans distinction sur des thèmes universels, comme la liberté, des choses qui nous parlait bien au delà de nos différences, c'était rassembleur. On était un tout.
Aujourd'hui elle a fermé, et maintenant la lesbienne ne discute qu'avec d'autres lesbiennes dans un amphi de truc et d'autres en rapport avec sa communauté, l'immigré idem, et l’ouvrier, bah lui il reste là, il n'a tout simplement plus conscience de ce qui se passe.
J'ai revu un vieux coco à moustache y'a pas longtemps, ce mec, sa place est dans un musée, et ça me fait mal de le dire. Je me rappelle des cocos qui ont ramené le théâtre en banlieue (c'est d'ailleurs à eux que l'on doit l'offre théâtrale décentralisé en France!), aujourd'hui ça ramène des boutiques halal...merci l’efficacité. Après je m'en branle pas mal que l'on bouffe halal ou pas, mais ça montre que les priorités de l'extrême gauche ont subit un putain de shift, et c'est désolant.