On est pas loin du discours idéologique de B. Hamon qui considère le travail comme une maladie, mais que tu cites Nietzsche pour appuyer ton propos est assez drôle...
Nietzsche est un aristocrate il ne faut pas l'oublier et pour lui le travail n'est qu'un moyen pour assouvir ses bas instincts, il parle avant tout du travail dans ce qu'il a de plus abrutissant...une vision caricaturale et très loin de la réalité. Car désormais travailler ne correspond plus seulement à remplir son frigo mais aussi à évoluer dans la société et à s'élever d'une certaine façon.
Aujourd'hui si tu ne travailles pas, tu es aliéné par l'Etat providence qui te verse des allocations et brise ta volonté, elle est là la déshumanisation de l'être humain.
Bien sûr, la liberté et l'émancipation au travail, à retourner des steaks, à être hotlineur, travailler à la chaîne, à se péter la santé en Ehpad, tâcheronner en abattoir, les nouveaux livreurs uberisé etc, des métiers pleins de sens, surtout celui du sacrifice! Sachant que plus de la moitié de la population ne la voit pas ton émancipation & ton ascension, couplé à la liberté du sacro-saint travail, à mettre en parallèle avec les sources sur l'évolution de la condition sociale des ouvriers et la machine scolaire à reproduire les inégalités.
Le discours, plutôt la propagande, est sympa encore quelle dénote d'une méconnaissance du personnage et du sujet assez importante, mais elle ne résiste pas à l’épreuve des faits.
Le travail reste une aliénation pour beaucoup, pour rappel le travail est aliéné quand il n'est pas la satisfaction d'un besoin, mais la satisfaction d'un besoin en dehors du travail lié à des contingents d'ordre matériel, d'un besoin vital, ce qui est aux dernières nouvelles le cas pour beaucoup, surtout au vu de la recrudescence de la précarité.
Cette chance de travailler dans un domaine que l'on aime, ce n'est clairement pas le cas de la majorité, mais on a besoin d'un discours comme le tien pour maintenir l'espoir & l'illusion, qui n'arrivera d'ailleurs que trop peu, de toute façon.
Le travail rend libre est aussi l'expression d'un oxymore, en plus d'être le message de bienvenue des camps de concentration. Il est aussi amusant de constater que l'étymologique du mot travail vient d'un instrument de torture, Le nom travailleur qui donnera travailleur ne signifiait d'ailleurs pas à l'origine l'ouvrier ou l'artisan, mais le tourmenteur ou le tortionnaire, celui qui "travaillait" les membres du condamné.
Concernant la liberté, encore faudrait-il cependant que la liberté fût bien ce que j'ai jusqu'ici présupposé qu'elle était : pouvoir faire ce qu'on désire, c'est à dire finalement faire ce qui nous plaît, sans obstacles ni limites. A te lire, il me semble clair qu'on a pas du tout la même définition.
L'émancipation me fait aussi sourire, sachant qu'au travail, quand t'es lié à une entreprise tu dois mettre ta personnalité au placard, tes idées quelles qu'elles soient aussi, comment l'émancipation serait possible dans ces conditions? Quand on nie ce qui fait l'homme, l'humanité même.
Après je suppose que tu parles d'émancipation matérielle, mais là encore une fois on ne sera pas d'accord. L'émancipation matérielle n'est qu'une illusion, et pour le coup la possession assouvi des instincts primaires, l'émancipation personnelle pour s'élever, lié à des lectures, des visionnages etc est le but à atteindre, mais il est clair que c'est moins glamour que d'avoir le dernier gadget à la mode ou la dernière berline.
Assez dingue de voir a quel point une idéologie peut amener à changer en profondeur le sens premier des mots. Ici la liberté, l'émancipation par exemple.
Par contre il y a bien une chose que je concède, l'élévation dans nos sociétés ne passe que par le travail, pas d'autres choix, mais ça n'en atténue pas moins le fait que pour le plupart ça ne sera jamais qu'autre chose que de l'aliénation, de l'asservissement et un piétinement de l'humain, pur & simple.
Hegel en parle mieux que moi
C'est par la médiation du travail que la conscience vient à soi-même. Dans le moment qui correspond au désir dans la conscience du maître, ce qui parait échoir à la conscience servante, c'est le côté du rapport inessentiel à la chose, puisque la chose dans ce rapport maintient son indépendance. Le désir s'est réservé à lui-même la pure négation de l'objet, et ainsi le sentiment .sans mélange de soi-même.
Mais c'est justement pourquoi cette satisfaction est elle-même uniquement un état disparaissant, car il lui manque le côté objectif ou la subsistance. Le travail, au contraire, est désir réfréné, disparition retardée : le travail forme. Le rapport négatif à l'objet devient forme de cet objet même, il devient quelque chose de permanent, puisque justement, à l'égard du travailleur, l'objet a une indépendance.
Ce moyen négatif, où l'opération formatrice, est en même temps la singularité ou le pur être-pour-soi de la conscience. Cet être-pour-soi, dans le travail, s'extériorise lui-même et passe dans l'élément de la permanence la conscience travaillante en vient ainsi à l'intuition de l'être indépendant, comme intuition de soi-même.
La phénoménologie de l'Esprit, G.W Friedrich Hegel