Dans les autres démocraties parlementaires, le processus de désignation du gouvernement est, en général, plus clair. La nomination ou la désignation par le chef de l'Etat relève d'un acte formel. En France, avec le président de la République qui dispose de sa propre légitimité par l'élection au suffrage universel, le processus l'est beaucoup moins. On fait l'inverse de ce que font les démocraties parlementaires. On nomme le premier ministre et on lui demande de constituer son gouvernement et sa majorité, alors que dans les autres pays, il faut déjà disposer de sa majorité via des accords de gouvernement pour être nommé premier ministre.
En général, c'est les partis en tête qui sont invites à essayer de former un gouvernement, ce qui n'a pas été le cas en France en 2024. Peut-être qu'ils n'auraient pas réussi, probablement même, mais ils n'ont pas pu essayé.
La comparaison avec les régimes parlementaires me semble donc limitées, parce qu'eux procèdent réellement de discussions et de négociations entre les différents blocs, cimentés, en général, par un contrat de gouvernement.
Or on a rien de tout çà en France. Le président a choisi un proche politique sous la pression de celui-ci, sans laisser les partis arrivés en tête proposer un gouvernement et sans qu'il n'y ait eu de réelles négociations.
C'est aussi ce qui peut expliquer le sentiment d'un manque de légitimité démocratique du gouvernement.
Si comme dans les autres pays, il y avait un processus clair et une autorité plus neutre pour le mener, alors je ne pense pas que le gouvernement aurait bénéficié d'une légitimité plus forte. En l'état, vu notre constitution et l'interprétation qui est en faite qui laisse les coudées franches au président qui ne se contente pas de nommer mais de choisir son premier ministre (ce qui est différent), difficile de faire une comparaison avec les régimes parlementaires.
D'autant qu'à cela s'ajoute le fait qu'il est extrêmement fragile et ne dispose dans les faits d'aucune marge de manœuvre ou presque. C'est pas pour rien que Bayrou ne fait quasiment rien, ce qui agace d'ailleurs sa propre majorité.
Je suis tout à fait d'accord avec ce qui est exposé ici: la
manière dont le gouvernement est formé en France, avec cette prérogative présidentielle très forte qui peut donner l'impression de s'affranchir d'une logique de coalition clairement établie et négociée en amont (comme c'est plus souvent le cas dans les régimes parlementaires purs), peut effectivement nourrir un sentiment de déficit démocratique ou d'une légitimité perçue comme plus ténue. C'est la critique du
processus, de son application concrète et de l'interprétation de notre Constitution qui est en jeu, pas un simple "nommé donc pas légitime" (parce que dans la tête de n'importe qui, "pas élu" veut dire "pas démocratiquement légitime").
Et c'est là toute la différence avec les arguments des autres posteurs qui se focalisaient sur une opposition binaire "élu/nommé" pour contester l'expression "gouvernement démocratiquement élu" dans son sens large. Eux s'arrêtaient à une question de terminologie pour sous-entendre une illégitimité de principe. Ici, tu pointes du doigt des aspects spécifiques du fonctionnement de la Ve République et leurs conséquences sur la perception de la légitimité du gouvernement, ce qui est un débat bien plus profond et constructif sur nos institutions, et avec lequel je suis d'accord. Sauf que les institutions sont telles qu'elles sont, et le mode de sélection du gouvernement est tel qu'il est, pour le moment. Et le gouvernement actuel tire sa légitimité démocratique des élections présidentielles de 2022, et des élections législatives de 2024. C'est un fait, sinon il y'aurait motion de censure, comme il y a eu avec Barnier.
À aucun moment je conteste qu'un gouvernement peut être nommé ou qu'il ne peut pas agir dans ce contexte, je dis seulement qu'il n'est pas démocratiquement élu. Tu tentes de créer un cheminement logique de mon propos pour conforter ton biais de confirmation alors que je ne fais qu'exprimer un fait. Si on veut qu'un gouvernement soit démocratiquement élu (et tous les mots sont importants là), il faut pouvoir voter pour lui, c'est aussi simple ça, être élu signifie qu'il y a eu une élection, point.
Anthodev, tu continues de t'enfermer dans ta définition ultra-littérale de "élu", comme si c'était la seule et unique vérité révélée, et que le langage n'avait pas d'autres nuances.
Oui, si "être élu" signifie
exclusivement et
uniquement "avoir son nom coché sur un bulletin de vote pour ce poste précis", alors, dans ce sens ultra-restrictif que tu es le seul à défendre ici, le gouvernement (en tant que collège de ministres) n'est pas "élu". On est d'accord sur cette tautologie.
" Si on veut qu'un gouvernement soit démocratiquement élu (et tous les mots sont importants là), il faut pouvoir voter pour lui, c'est aussi simple ça, être élu signifie qu'il y a eu une élection, point."
L'erreur logique ici, c'est de réduire l'expression entière "gouvernement DÉMOCRATIQUEMENT élu" au seul sens technique et ultra-littéral du mot "élu" comme s'il s'appliquait isolément à chaque ministre.
Tu fais comme si l'adverbe "démocratiquement" n'apportait aucune nuance et que la seule façon pour un gouvernement d'être "démocratiquement élu" était un vote populaire direct pour chacun de ses membres. Tu ignores (ou choisis d'ignorer) que, dans le langage courant et politique, cet adverbe qualifie la
source de légitimité globale du gouvernement : il est issu d'élections générales (présidentielle, législatives), il est responsable devant des élus, et donc il tire sa légitimité du processus démocratique dans son ensemble: encore mieux, il la tire de deux élections distinctes. Ce n'est pas juste une question de voter pour une personne spécifique pour un poste spécifique.
En gros, tu prends un mot ("élu"), tu lui donnes sa définition la plus étroite et la plus procédurale possible, et tu refuses de voir que, lorsqu'il est combiné avec "démocratiquement" et appliqué à "gouvernement", l'expression prend un sens plus large, celui d'une légitimité politique issue des urnes. Ce n'est pas "aussi simple que ça", parce que le langage, surtout en politique, a des niveaux de signification qui dépassent le littéralisme pur. Tu ignores le sens
usuel et reconnu de l'expression complète au profit d'une décomposition mot à mot qui la vide de sa substance.
Quand tu dis "je ne fais qu'exprimer un fait", tu ignores volontairement ce sens usuel et bien plus pertinent dans une discussion politique. C'est comme si tu disais que l'expression "le soleil se lève" est "factuellement fausse" parce que c'est la Terre qui tourne. Techniquement oui, mais le sens commun est autre.
Et si, le cheminement logique que je souligne est valide : si ta définition était la seule valable, alors l'expression "gouvernement démocratiquement élu" serait impropre pour la quasi-totalité des démocraties parlementaires, voire des démocraties tout court. Ce n'est pas un "biais de confirmation" de ma part, c'est la conséquence logique de ta propre rigidité sémantique. Tu t'accroches au mot, en oubliant le concept qu'il véhicule pour la majorité des gens.