D'un côté c'est salutaire. S'ils se mettaient tous à annoncer dans leurs programmes leurs véritables intentions et des projets réalistes et réalisables au lieu de promettre du soleil toute l'année les électeurs y verraient plus clair.
Pitié.
Je dis pas le contraire, maintenant je serais surpris que tu puisses être élu sans vendre un peu de rêve, après on peut s'en prendre qu'à nous même.
Alors pas tout à fait. C'est pas du rêve que tu dois vendre pour être élu : c'est une vision. C'est ce que fait Juppé d'ailleurs - maladroitement, certes-, mais c'est ce qu'il fait.
Parce qu'au fond, son programme c'est blindé en promesses, qui plus est, pas des plus réalistes sur le marché (1/2 millions de fonctionnaires en moins \o/). Non pour tout ceux qui savent lire, son programme est assez simple : on a fusionné Merkel et Tatcher, et on a grossi les chiffres quand y en avait. Du coup côté vision c'est assez clair. Je pense par contre qu'il va falloir parler chiffre.
Non pas commenter le programme de Juppé là-dessus parce que ça se passe de commentaires. Mais sur les chiffres en général (puisqu'il n'y a que ça qui fait juter apparemment). Parce qu'on pourrait croire puisque l'important pour un politicien est de défendre une vision globale balancer des promesses chiffrées serait stupide - par essence ils ne contribuent pas à définir une vision et les chiffres de toute politique seront de toute manière subordonnés à l'orientation de cette dernière. S'ils sont prédéterminés avant toute mise en oeuvre alors cela devient un handicap, et peut révéler un éventuel caractère dogmatique du chiffre et de la politique à laquelle il se ratache.
Mais c'est pas l'unique problème. Le problème de départ c'est comment l'électorat le reçoit. Comment ça marche en terme de campagne. Et ça marche à peu près comme ça :
-Plus un chiffre est réaliste, plus il aura l'air irréaliste et abstrait.
-Plus un chiffre est irréaliste, et plus il donnera du sens et de la perspective au programme du candidat. En un mot : une vision.
Le pire, c'est que ce n'est pas déconnant. Absurde, sans doute, mais pas déconnant.
Je m'explique; Et pour cela je vais revenir à l'analyse précédente : les chiffres prédéterminés deviennent un cadre pour la politique auquel ils sont rattachés; Ils en limitent la vision et possiblement la portée; Mais ce n'est pas le plus important d'un point de vue électoral : Cela risque de perdre les électeurs en détournant leur attention de l'ensemble et en la focalisant sur le détail, sans qu'ils puissent évaluer la pertinence du-dit détail ou la validité des chiffres qu'on lui donne.
Mais quand les chiffres quittent le sol pour entrer dans la déconosphère (les exemples ne manquent pas dans le programme de Juppé), alors ils cessent d'être un détail limitant pour devenir la vision elle-même, et deviennent éloquents sur les intentions du programme. Pour reprendre l'exemple des fonctionnaire : on va réduire l'état. On va réduire l'état sans regarder où ni comment. On va le réduire tant qu'on peut et il n'y a virtuellement pas d'autre limites que "autant qu'on peut".
Et ça marche. Si tu veux la preuve, t'as qu'a regarder tout les mecs qui te disent que c'est les chiffres les plus réalistes jamais balancés dans un programme. En terme de paradoxe, je préfère ceux qui viennent de sortir Stellaris, parce qu'ils font moins mal au cul.
Conclusion :
Donc dans un sens, tu as raison. Il faut envoyer du rêve (enfin, pour certains candidats, je ne sais pas dans quel mesure on peut parler de rêve, mais je pense qu'on comprend l'idée).