Heu les étudiants en médecine, comment dire... ?
Bah, disons que cette semaine, j'ai calculé que j'allais passer 90h à l'hosto : 6 fois 10h + 2 gardes de 15h, plus 15h de boulot à la maison "gratuit" pour préparer un staff... 105 h de travail médical donc en tout dans une semaine de 168h, si on rapporte ça à notre paye, ça fait 4,44 € de l'heure et si on rapporte ça à notre temps de sommeil, ça fait éventuellement 1h par jour pour prendre mon petit déj/faire les courses/dîner/me doucher.
J'en suis à Bac + 7, j'ai quotidiennement 13 enfants à la santé vacillante à m'occuper, dont 75 % ne verront jamais la tête d'un médecin thésé pendant leur séjour à l'hôpital. Je bouffe dans un internat, où rats et araignées se disputent nos restes. Je dors en garde dans des lits où 11 barres de sommiers sur 12 sont cassées, où les draps ne sont même pas faits quand j'arrive après avoir en bavé pendant 20h d'affilée. Je bouffe les plateaux repas que les patients ne veulent pas à 3h du matin. Je n'ai droit (bien sûr) à aucun RTT, on peut me demander parfois de rester à travailler après une nuit de garde (bien que ce ne soit pas légal, comment refuser quand tu sais que personne d'autre ne s'occupera de tes patients ?), 5 semaines de congés payés par an, non reportables d'une année sur l'autre et pas forcément prenables selon les exigences des services. On "oublie" de me payer 1 garde sur 2, il n'y a jamais de blouse de dispo pour en changer.
Voilà ce qu'est être interne (et encore je dois oublier certains points). Sans caricature. On ne signe pas de contrat de travail. Notre statut est inscrit dans la loi.
Alors, pour moi, les 6 années qui précèdent cette condition d'esclave, je me dis que rétrospectivement, il faut vraiment en profiter (ce que je n'ai fait qu'à moitié). Alors, oui, je suis pour le folklore, oui, je suis pour la déconnade à fond, oui, je suis pour le bourrage de gueule. Oui, parce que ça permet de penser à autre chose qu'à la dureté de notre formation. Ca permet de relever la tête de bouquins, où la somme de connaissances dont on exige de nous à l'heure actuelle nous ferait y rester pendant 6 heures par jour au minimum.
Il faut savoir que sur une promotion ayant passé la P1, seule la moitié au final sera réellement médecin (et par ça, j'entends aussi bien les cliniciens que les biologistes, les radiologues que les médecins-conseils). Le taux d'abandon moyen est de 5 à 10 % /an. Et en fin de cursus, nombreux sont ceux qui décident de ne pas exercer ce pourquoi ils sont formés (et je pense que ce sera mon cas).
Etre planqué (biologiste, médecin du travail, de santé publique) est probablement le meilleur calcul à faire dans ce métier, pour essayer de garder la tête bien structurée. Je ne l'ai pas fait, je le regrette amèrement en ce moment...