Publié par Lugh
Parmi les communistes convaincus de ce forum, il y en a beaucoup qui ont vecu plusieurs annees dans un pays communiste?
Si oui, qu'en pensez-vous?
Sinon, pourquoi n'iriez-vous pas tester de visu les bienfaits de ce systeme?
Peut être parce que les pays communistes dont tu parles ne sont que des pays en plein capitalisme d'état ?
Il est assez évident que le marxisme n'a jamais eu, dans ces grands pays, l'occasion de réellement se mettre en place.
Qu'une minorité de personnes s'approprient un revenu en ponctionnant la valeur créée par la force de travail d'autres individus en détenant des actions (capitalisme), ou en le récupérant par la force (communisme vécu), ça ne fait pas grande différence. Si ce n'est que le premier cas, on le justifie par une théorie économique bancale, mais qu'on a l'avantage d'être en démocratie et libres, alors que dans l'autre, on le justifie par une idéologie et par une propagande assumée, mais qu'en plus on est dans un régime dictatorial afin d'assurer sa domination.
Dans tous les cas, rien ne change, il n'y a que le travail qui crée de la valeur, mais une mince partie de la population capte cette valeur. Juste que dans nos sociétés, on a réussi à nous faire croire que c'était normal.
Alors évidemment, à choisir entre les deux, autant prendre le capitalisme (privé donc) actuel : il offre au moins la liberté. Est-ce pour autant qu'il faille le garder et ne pas envisager autre chose ?
Il y a eu quelques apports intéressants, dans ce fil, notamment en ce qui concerne le contexte historique dans lequel Marx écrit. Et il faut quand même pas oublier que depuis, même s'ils travaillent loin de toute lumière médiatique, des théoriciens marxistes, néomarxistes, ou plus ou moins proches, continuent de travailler et de faire des apports fantastiques dans de nombreuses matières, à commencer par l'économie ou la sociologie. L'école de la régulation, en économie, pensée très hétérodoxe mais de plus en plus écoutée, car proposant des analyses très pertinentes, sont dans cette droite ligne.
Aujourd'hui, l'idée d'une révolution violente et d'une dictature prolétarienne sont bien moins présentes. On pense le communisme autrement.
D'ailleurs, il me semble avoir lu en début de sujet quelqu'un qui disait qu'une des erreurs de Marx concernait la lutte des classes, et cette personne semblait nier qu'elle eu jamais existé.
Or le nier est idiot : ce fut clairement quelque chose de tangible à son époque (même si Marx a sans doute par sa théorie contribué à le faire apparaitre plus évident en pratique, peut être a-t-il lui même donné la conscience de classe sans le savoir). Et leur persistence ou non aujourd'hui, reste un débat fort dans la sociologie moderne. Globalement, il en retourne que la moyennisation, dont on croyait qu'elle allait durer et mettre fin aux classes, s'essouffle que les polarisations recommencent de plus belles. On sait aussi qu'il est difficile de dire que les ouvriers ont disparu, alors qu'ils sont encore 25% de la population active française, et que les employés, souvent assimilables à des ouvriers du tertiaire (entre la chaine ou la caisse de supermarché, la différence est faible), sont à 30%. On a donc quasiment 60% de la population active française susceptible de faire partie d'une classe ouvrière, mais le manque total de présence médiatique (à ce sujet, lire Beaud et Pialoux, Retour sur la condition ouvrière) et les évolutions récentes du monde du travail (voulues ou pas par le patronat d'ailleurs) font que leur mobilisation est devenue de plus en plus difficile.
Mais à l'inverse, Pinçon et Pinçon-Charlot et leurs très nombreux ouvrages sur la bourgeoisie démontrent très clairement (et en dehors de toute subjectivité partisane, ce sont des travaux reconnus en sociologie) que la bourgeoisie reste une classe à part entière, mobilisée, consciente de ses intérêts.
Ainsi, l'affrontement prolétariat/bourgeoisie existerait toujours, mais la "victoire" actuelle de cette bourgeoisie le masquerait. Ce serait grosso modo comme dire qu'il n'existe plus aucune rivalité entre 2 équipes de foot, juste parce que l'une des deux aurait gagné un match.
De même, Darhendorf a montré quant à lui que l'erreur de Marx n'était pas d'avoir pensé la lutte des classes, mais pensé uniquement celle là, alors qu'en fait les luttes sont plus larges et nombreuses, et ne concernent pas uniquement deux classes, et le monde du travail.
Bref, tout ça pour dire que, non, effectivement, nous n'avons jamais connu le communisme, mais uniquement un capitalisme d'état, que la force du capitalisme (privé donc) actuel a été quand même de nous faire haïr le marxisme (et ses théories dérivées actuelles, toujours présentes) en le faisant passer pour ce qu'il n'est pas, qu'il continue son projet de marchandisation toujours plus poussée, seule condition à sa survie (et d'ailleurs, pour en revenir au post initial, le fait de vendre des t shirts CCCP et Che en est un parfait exemple : il marchandise une idéologie), mais qu'heureusement, de plus plus de voix s'élève contre cette exploitation croissante*, qu'on les appelle alter mondialistes, antilibéraux, ou que sais je encore.
*Exploitation croissante à la fois au niveau mondial, car la face cachée du capitalisme, c'est quand même de nous faire croitre en pressant un peu plus le citron sur les pauvres. C'est d'ailleurs logique : si les bourses peuvent rapporter autant, et croitre plus vite que la production mondiale, alors que seul le travail crée de la valeur, c'est qu'on augmente le taux d'exploitation sur les plus pauvres, il n'y a pas d'autres solutions. Mais exploitation croissante au niveau national aussi : depuis la fin des 30 glorieuses, la part des salaires dans la valeur ajoutée ne fait que diminuer, pour atteindre récemment un point bas historique. Cela signifie que la part des profits dans la VA augmente. Autrement dit que les gains de productivité servent à rémunérer en priorité le capital (les fameux 15% de ROE exigés par les actionnaires), et plus que pour les salaires, pourtant à l'origine de la valeur créée.
On trouvera ce graphique de la VA n'importe où sur le net, et particulièrement sur le site du bip40 (bip40.org)