Publié par numero6
Historiquement parlant, la France s'est construite grâce aux guerres (il y a bien eu quelques mariages), il ne faut pas se voiler la face, notre pays est le fruit de plusieurs centaines d'années de guerre. Si il n'y avait pas eu ces guerres, le sud-est de la France serait Italien, l'est: allemand, la Normandie: scandinave ou anglaise, le nord : anglais ou allemand; le sud ouest: maghrébin ou espagnol.
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Tu fais un anachronisme en plaquant sur la période médiévale un sentiment national qui n'était alors pas encore constitué, et tu te sers de cette déformation pour dérouler des schémas historiques fantaisistes (La Normandie qui aurait été allemande, cela ne veut rien dire, c'est un calque abusif qui recours à une conception contemporaine de la guerre des nations)
Les guerres médiévales sont des guerres féodales, qui visent à assurer le respect des liens vassaliques qui unissent et hiérarchisent la noblesse; on ne lève pas alors d'armées en patriote pour protéger un territoire national, mais on a recours à l'ost royal afin de s'assurer de la fidélité des grands seigneurs et de l'attachement de leurs fiefs à la couronne. De même, ce n'est pas le patriotisme, la grandeur nationale, qui galvanisent "les chevaliers de ces armées: c'est un attachement à la personne du suzerain, un lien d'honneur, et le sentiment (à la limite c'est ce qui se rapproche le plus de la conception contemporaine du patriotisme) de se battre pour des valeurs incarnées par l'esprit chevaleresque et la noblesse de ses compagnons d'armes (les valeurs chrétiennes, face aux Infidèles, étant alors une forme particulière de patriotisme qui "râtisse" large)
Dire qu'historiquement la France n'aurait pas existé sans les armées patriotes du Moyen Age, c'est faire, plus qu'une simple imprécision, un contre sens historique; la France n'aurait pas existé sans la naissance de l'Etat Nation, sous l'égide du Monarque, mais il n'y a pas de patriotisme ni d'armée nationale, durant les guerres qui permettront au royaume de France de s'élargir et de rentrer dans les frontières approximatives qui sont pour nous celles où s'expriment notre sentiment national; jusqu'en 1254, le Roi en France est Roi des Francs (Rex Francorum) c'est à dire qu'il est le chef, le princeps d'une lignée, qu'il commande à ses sujets et vassaux en vertu des liens féodaux traditionnels; Philippe Auguste sera le premier souverain à être nommé "Rex Francie", c'est à dire de la France comme entité territoriale (et encore, si la France commence à prendre consistance, "se fait concept", c'est uniquement chez le Roi et ses proches, la piétaille n'a alors aucune exaltation nationale... Je ne sais pas si on peut reprocher aux vilains et aux manants d'être moyennement chauds à l'idée d'aller se faire étriper par des chevaliers lourds avec cheval caparaçonné, quand eux mêmes n'ont que des fourches à la main: d'autant plus qu'à l'époque, les seuls à être tués, ce sont justement les manants, parcequ'on ne se flingue pas entre nobles).
La France ne s'est pas constituée territorialement grâce à des guerres de patriotes, et le sang versé sur les champs de bataille, ce n'était justement pas celui des rares qui commencent à envisager la possibilité d'un territoire français, d'une Francia Tota; évitons de plaquer nos beaux modèles tout fait, parcequ'on a vu Braveheart récemment ou je ne sais quoi, sur une période qui n'a rien à voir avec le sentiment national. Interrogeons nous plutôt sur ce qu'implique la notion de patriotisme au sein d'un Etat qui se concoit comme une Nation fondée sur des valeurs communes; est-il nécessaire d'entretenir un "patriotisme fort" pour avoir une Nation française?
Ce symbolisme commémoratif permanent, cette tendance à exhalter la gloire des grandes figures françaises qui ont jalonné notre histoire, au risque justement, comme c'est le cas bien souvent ici, de se tromper retrospectivement sur leur réalité historique (j'ai beaucoup de mal avec Jeanne d'Arc, je dois l'avouer

) sont ils des nécessités intrinsèques à la préservation du sentiment national, le ciment irremplacable d'une communauté qui s'effondrerait sans son apport?
Je suis finalement assez d'accord à ce qui vient d'être dit par Enthy, et je me méfie de cette tendance galvanisatrice qui projette le sentiment national dans le cortège des symboles historiquement faussés, car envisagés d'un point de vue utilitaire direct, où selon une mythique nostalgique douteuse
Publié par Enthy
un certain nombre d'hommes politiques, soutenue par une partie de la population, cherche à maintenir les symboles de la France. C'est beau, mais ça ne sert quasiment à rien sauf si on considère la Nation comme un immense corps organique (auquel cas, c'est une porte ouverte vers le totalitarisme), où chacun se doit de rendre hommage à une identité idéale de la France.
"Identité idéale de la France" qui est certes un cadre confortable pour celui qui a besoin d'enracinement, de signification, mais qui me choque par l'amputation à laquelle elle soumet sciemment la vérité, et qui me fait peur par sa "prégnance sentimentale", si j'ose dire ainsi: l'auteur du post s'insurgeant contre la "profanation" des grands mythes de la geste nationale, est une figure de ce patriotisme identitaire que je n'arrive pas à comprendre; la nécessité de faire montre d'un tel conformisme pour ce qui est du choix de nos modèles d'évolution dans le cadre national, conformisme symbolique sans lequel il n'y aurait pas de réflexes communautaires me semble une monstruosité (an historique qui pis est), dangereuse, et réductrice.
S'il n'y a pas de Nation sans chair d'enseignement et sans cimetière, je me contenterais très bien d'une identité supranationale, voire ananationale (même si la lilation n'est pas heureuse :s)