Pour l'épanouissement pro et perso...
Depuis 15 ans, j'ai tout donné à mes études, à mon métier, avec passion, j'ai monté 2 cabinets libéraux assez spécialisés avec une patientèle très particulière, je tournais à plein, avec des horaires de type 8-9h-21h voire 22h les 2-3 premières années. Pendant ces 6 années de libéral, je n'ai vécu que par le prisme de mon métier. Ma vie perso, mes loisirs, mes passions et ma santé en ont pris un coup. Je vivais ortho, je rêvais ortho, je ne faisais que ça le soir et les week-end, pour la compta, les CR, et l'administratif. Je ne prenais que peu de vacances (mois de 3 semaines chaque année), et je me suis épuisée, en ne gagnant finalement pas franchement ma vie, vu comment la sécu nous contraint quand conventionnement obligatoire.
Ma vie perso pendant ce temps a pris un tour inattendu qui m'a foutu par terre. J'ai tout vendu, cabinet, maison, et je suis partie à l'aventure pour changer d'air, et redémarrer ma carrière sur les choses que je voulais faire à la base. Donc j'ai déménagé en Chine, mais ma santé en a repris un sacré coup... Retour maison au bout d'un an (et quand je vois ce qui me rendait ouf là-bas à l'époque et comment ça évolue en ce moment, je ne regrette plus franchement d'avoir dû rentrer pour raison de santé).
Passage en salariat, pour tenter l'approche "je prends soin de moi, je me préserve, et je profite de la vie pour mes loisirs et non pour mon travail". C'était beaucoup plus "tranquille" que le libéral, à 40h semaine au lieu de près de 70, avec 38 patients/semaine au lieu de près de 80, avec des fins de journée à 18h et 12 semaines de vacances. J'ai profité pendant 4 ans, en claquant la porte du job le soir et en posant les valises des patients à la sortie. C'était un peu plus vivable, même si de 8h à 18h, c'était les 12 travaux d'Astérix remasterisé en version médico-social.
Mais le médico-social est ce qu'il est, en 4 ans, à coup de réformes pourrites et déshumanisées, le métier a changé, le public a changé, l'ambiance de travail aussi, un DG fou qui part, un DG manager/financeur/applicateur de réformes rentabilisatrices de la santé qui arrivent. Des décisions aberrantes sont prises au vu du public accueilli... Je m'y retrouve de moins en moins, ça me pèse, rien n'avance pour les patients, rien ne bouge, l'impression de vivre le jour de la marmotte encore et encore au boulot, avec des réunions à n'en plus finir où des collègues rabâchent les mêmes plaintes encore et encore et où les solutions proposées sont balayées d'un revers de main avec des arguments tout pourris du genre "pas le temps d'imprimer tes pictos/"Chépô faire/on n'est pas formé à l'autisme", et quand tu leur mâche tout le travail, ils trouvent encore pas les moyens de l'appliquer, parce que "c'est trop contraignant d'individualiser pour chacun en fonction de ses besoins" /facepalm. Le pétage de plomb assuré, ya des jours ça me donnait envie de me taper la tête contre les murs ou sortir faire des tours de cour en hurlant tellement ça me donnait l'impression d'être enlisée dans des sables mouvants.
On rajoute sur ça une année perso catastrophique à coup de 3 accidents de voiture en 8 mois, avec 9 mois d'arrêt de travail, 5 mois de béquilles, 3 séances de kiné par semaine, 12 mois d'arrêt du sport, des douleurs persistantes et des séquelles classées sous un petit pourcentage d'"invalidité" par le médecin expert, et le moral qui flanche encore plus sévèrement au retour avec des collègues qui te reprochent ton absence et de t'être fait renversée par une voiture...
Pi quand 5 mois après ton retour, le COVID arrive là-dessus, avec une gestion de crise catastrophique, le retour des injonctions paradoxales de l'ARS, du gouvernement, qui puduku sévèrement sur le terrain, des "managers" (ouais, ils se font appeler comme ça maintenant, "chefs de service" c'est plus assez à la mode pour l'ARS) en panique qui découvrent le télétravail et perdent toute confiance en leurs équipes, passent en mode flicage total avec emploi du temps à 15 min près, rapports quotidiens, 17h de réunions par semaine, ordre d'ouvrir une unité d'hébergement d'urgence pour une seule gamine (pour laquelle ça fait 4 ans qu'on demande une IP et un placement, mais qu'on nous envoie chier), et besoin de mobiliser près de 10 personnes par 24h, H24 7jours sur 7, pour garde-chiourmer la môme. ça part en cahuète total, courriers frôlant le harcèlement pour recruter pour l'unité d'urgence, délations entre collègues à base de "oui untel il fait pas ses heures"/"machin-chose elle appelle aucun patient alors que moi j'enchaîne", réunions CSE qui duuuuuuuurent des aprems entières (parce que j'avais eu la mauvaise idée de m'implique en plus dans la délégation du personnel)...
ça m'a achevé cette ambiance de cour de maternelle décérébrée, mon médecin m'a recollé 2 mois en arrêt en voyant ça (pour m'éviter le terrain vu que "personne sensible" et que le taff voulait m'y contraindre sous la menace), mon compagnon m'a dit "franchement, je veux plus te voir te rendre malade comme ça pour un taff".
Claque. Et réalisation que non en fait, ça ne va vraiment plus dans mon métier, et ça me pourri la vie, donc qu'il faut VRAIMENT faire quelque chose, parce que ça me pèse, et ça lui pèse de me voir comme ça. Réflexion et discussions poussées pendant ces 2 mois et une conclusion : faut tout changer professionnellement.
Donc décision drastique et radicale après 10 ans de métier dans la santé prise sous la poussée de mon compagnon : je rends mon tablier et je démissionne, j'arrête et je change de métier, afin de me préserver et d'éviter la dépression.
Heureusement, j'avais repris des études pour le plaisir ya quelques années (et aussi pour me ménager une issue de secours au cas où, vu que ça fait des années quand même que ça bouillonne ce mal-être au travail), et grâce à ça, j'ai décroché un contrat d'auteur pour une maison d'édition, plus quelques portes ouvertes et quelques contacts bien placés pour trouver du travail dans ce domaine de reconversion...
Du coup, à l'heure actuelle, je suis en phase de totale remise en question de ma vie pro au bénéfice de ma vie perso, je prépare ma démission, jvais passer quelques temps au chômage si j'y ai droit en attendant de trouver un taff dans le secteur de niche où je me suis reconvertie, et vivre grâce à mon compagnon en gros, + lancer une micro-entreprise à côté pour voir ce que ça donne (mon expérience du libéral n'a pas dû me dégoûter assez fait croire

), finir de me consacrer au projet de livre commandé par la maison d'édition, et puis me consacrer à nos projets perso, et à ce qui nous plaît plutôt que me rendre malade pour un boulot qui sur le terrain, est de plus en plus en totale contradiction avec mes valeurs et idéaux.
Vie perso > vie pro. "travailler pour vivre et non plus vivre pour travailler" comme on dit.
Je serai "femme de" pendant quelques temps, pi tant pis. Si on avait pas pris cette décision là ya 2 mois, c'était lui qui fermait son entreprise et devait vivre à mes crochets pendant ~1 an le temps de la reconversion. Donc on inverse juste la tendance.
Brayf, pose-toi les bonnes questions, ose, parles-en franchement avec ta copine, voyez ce que vous êtes prêts à accepter comme conditions de vie à court, moyen et long terme, et fais ce qui te rendra heureux, parce que sinon, ce sera certainement la crise assurée à un moment où à un autre dans ta vie, sur le plan pro comme perso.