Une vie de chien :
Quand j'étais jeune chiot, au chenil (et oui je suis un chien des rues), une jolie chienne me plaisait beaucoup. Une jolie frimousse, elle déambulait dans l'espace comme aucune autre. Très fraîche, elle avait ce côté désinvolte et insouciante que n'ont plus les vielles chiennes aigries qui se sont embourgeoisées avec de riches maîtres.
C'est horrible de vous dire ça pour moi, mais elle avait presque un petit côté félin que je trouvais absolument captivant et attirant (un comble je sais bien, saletés de félins brrr).
Toujours est-il que mes copains de l'époque, des jeunes bâtards sans aucun pedigree, m'ont incité à lui déclarer ma flamme. Comme en plus d'être jeune, j'étais plutôt petit cabot que gros clébard, j'ai tenté une approche un peu désuète. Au lieu de lui renifler le derrière comme l'aurait fait n'importe quel mâle digne de mon espèce, je lui ait conté fleurette. A l'ancienne et en chanson.
Évidement, la belle n'était pas attirée par ce genre de niaiseries et m'a gentiment fait comprendre que je n'étais pas son genre. Devant tout le chenil bien sûr. Tous les mâles se sont mit à glousser comme des otaries et se moquaient bien de moi. La jolie femelle, déçue de m'avoir ridiculisé involontairement devant tout le monde a fait cesser l'hilarité générale, en imposant sa petite personne et de dire ensuite :
- Ne riez pas ! Pour l'instant c'est un jeune chiot plutôt quelconque Mais lorsqu'il aura un peu plus de 3 ans (donc pour vous, en années humaines, ça fait dans les 25 ans), il sera un beau clébard qui plaira beaucoup aux femelles de tous poils.
Étrangement, plus personne n'a rit. Car elle semblait très sérieuse et convaincue par ses propres propos. J'ai donc continué à enchaîner les traumatismes amoureux, jusqu'à ces fatidiques 3 ans et des poussières de croquettes. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que cette jeune femelle disait vrai. Je n'avais pas l'impression d'avoir changé pour autant, mais le regard des autres changea indubitablement. J'ai pu courtiser des femelles que je n'aurais jamais osé imaginer disponibles pour un sale cabot comme moi. J'ai pu rendre hommage à leur infinie beauté, tout en Doggy Stylant. J'aurais sans doute même pu inverser la tendance avec la jolie femelle dont je vous parlais au début.
Je l'ai d'ailleurs recroisée un jour, au détour d'une promenade. Elle m'a aussitôt reconnu et appelé par mon nom. Mais quelle ne fut pas ma surprise de constater que la flamme qui animait ses jolis yeux était éteinte et que la belle fleur semblait s'être fanée avec le temps. Je la reconnaissais à peine. Nous avons continué nos routes et je ne l'ai jamais revue depuis.
Mais je n'oublierai jamais ce qu'elle avait dit devant tout le chenil ce jour là. Car ce qu'elle avait prédit, s'est produit comme elle l'avait dit, exactement au moment où elle l'avait prévu.
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