Faut vous détendre, Assad massacre depuis 16 mois et une puissance occidentale commence à se demander si, éventuellement, avec consensus, on pourrait peut-être mettre à l'étude, l'éventualité d'un hypothétique recours à la force. Waouh, violent l'impérialisme.
Pendant ce temps la Russie fournit des armes au régime et l'Iran envoie ses supplétifs mais là c'est pas de l'impérialisme, c'est de la philanthropie.

Qu'il y ait un impérialisme russe (encore aujourd'hui), je ne le nie pas. Mais là, en l'occurrence, je ne pense pas que ça soit le cas (la Russie n'est pas, à proprement parler, dans une logique de domination et d'expansion, qui ne correspond d'ailleurs ni à sa réalité, ni à ses possibilités : elle est dans une politique de refondation, de consolidation et de protection de ses positions par rapport aux Etats- Unis). Si le lieu d'affrontement était les Balkans ou l'Europe centrale, là, oui, je pense qu'on pourrait faire référence à l'impérialisme russe (on l'a vu dans le cas du conflit avec l'Ukraine ces deux dernières décennies par exemple), mais pas dans le cas de la Syrie (et je pense que la Chine est dans la même logique). D'impérialisme donc, je n'en vois qu'un seul dans le cas qui nous préoccupe, et il est clairement américain. Si Assad est toujours en vie, il le doit clairement aux blocages russes et chinois à l'ONU : cette absence de blocages a causé la mort de Khadafi dans un passé très proche.
Je pense que Russie et Chine, sur la question de la Syrie, s'opposent au plus grand redéploiement des forces américaines sur l'échiquier mondial depuis la fin de la Guerre Froide et en préparation de la nouvelle (Etats- Unis versus Chine et Russie).
Dès lors, le problème n'est pas la Syrie. Pas plus que l'Iran demain. Le problème c'est le passage de la bipolarité à la multipolarité, après une période brève d'unipolarité, et le rôle que les Etats- Unis entendent jouer dans le monde multipolare de demain, qui se forme aujourd'hui sous nos yeux (la Libye, la Syrie, l'Iran ne sont que des enjeux de ce processus, comme Israël, les pétromonarchies du Golfe ou l'OTAN) et le fait que certains pays sont des pions importants dans le contexte de ce redéploiement des forces mondiales. La Syrie, c'est la clé de l'Iran, et l'Iran c'est la clé qui permettrait le verrouillage de la région aux intérêts russes et chinois au profit des Etats- Unis et de leurs alliés.
L'enjeu, ça va être le retour aux fondamentaux de la puissance après un siècle de virtualité : les pays puissants seront ceux qui domineront les ressources (énergies fossiles, denrées agricoles, matières premières industrielles, eau...) et qui les points de passages pour les échanges de ressources (détroits, îles, montagnes...). Comme jadis en fait... Comme toujours... Comme au temps où l'Europe était la puissance dominante avant le grand et stupide suicide du XXème siècle, sans lequel la puissance américaine n'aurait tout simplement jamais pu voir le jour à un tel degré (l'hyperpuissance américaine est une anomalie historique, qui ne s'explique que par l'autodestruction de l'Europe, dès lors incapable de la limiter).
La stratégie, c'est de se positionner le plus vite possible sur les ressources stratégiques qui permettront la domination mondiale, mais une domination qui sera forcément partagée (et il me semble que les Etats- Unis ont tout simplement admis la multipolarité, mais qu'ils tentent juste de rester en position dominante : sinon, ça serait tout simplement la guerre à court terme... là, on a peut- être une succession de crises armées et grave pour éviter une réelle montée en tension qui pousserait à une conflagration directe, à laquelle personne n'a intérêt). S'ils peuvent le faire rapidement et par la force, ils le feront : c'est ce qu'ils ont fait en Libye par exemple, et c'est ce qu'ils tentent de faire en Syrie et en Iran depuis des mois. Mais si ça ne marche pas, ils le feront par d'autres voies, plus indirectes, plus négociées.
La question est : comment gérer leurs intérêts (qui priment sur tout le reste) et intégrer à leur projet leurs alliés (qui ont leurs intérêts propres à faire valoir et à défendre). Et là, un Israël belliqueux sur la question iranienne est pour eux un authentique problème, qui peut provoquer des retournements d'alliances plus ou moins brutaux (alors qu'Israël ne peut pas vivre sans l'alliance américaine : c'est aussi simple que cela). De même, une Arabie Saoudite qui commencerait à un peu trop faire les yeux doux aux Chinois (et c'est le cas) est aussi un épineux problème, puisque l'Arabie est le pivot du système monétaire mondial (principe du pétrodollar). Si Israël pousse à la guerre contre l'Iran, et fait cavalier seul, il y a risque d'embrasement majeur. Si l'Arabie tourne le dos aux Etats- Unis, alors le dollar risque de s'effondrer du fait du problème de la dette souveraine américaine et de la fin d'un système monétaire dominant mais en fait totalement virtuel (qui ne repose que sur la planche à billet), et là, il y aura risque de guerre mondiale et d'effondrement économique mondial. Dominer l'Iran en passant par l'éclatement et la soumission de la Syrie, c'est donc tenter de se prémunir de conflits qu'ils ne pourront pas dominer pleinement.
D'un certain point de vue, pour nous, en Europe, la stratégie américaine va plutôt dans notre sens. A condition d'admettre que nous sommes soumis et que nous suivons, et à condition d'admettre que le vernis moral n'a en fait rien à voir avec les enjeux réels... Bref, exigeons un discours de vérité. Mais là... on se rendra bien vite compte de l'illusion démocratique...
Après si le fait qu'un pays défende ses intérêts, son territoire et son peuple t'étonne, je me demande juste dans quel monde tu vis.