Jean-Michel Aphatie : Bonjour, Eric Woerth.
Eric Woerth :Bonjour.
Avant de parler du rapport de la Cour des Comptes, nous avons appris, à RTL, que la Ville de Paris, après les départements de Saône-et-Loire et de Seine-Saint-Denis - qui ont obtenu d'ailleurs gain de cause devant les tribunaux -, a déposé plainte contre l'Etat. La Ville de Paris reproche à l'Etat de ne pas compenser les dépenses de l'aide à l'enfance comme il s'y était engagé dans la loi du 5 mars 2007. Ces plaintes qui se multiplient de la part des collectivités locales, cela vous inquiète-t-il, Eric Woerth ?
Il n'y a pas de compensations dans ce domaine-là à avoir. C'est une loi qui a été votée qui transfère, en réalité, un réseau de surveillance, etc ... sur l'enfance. La compétence avait déjà été transférée et déjà été compensée. Donc c'est un sujet technique, ce n'est pas un sujet politique.
"L'Etat nous doit 4,5 millions d'euros", a déclaré au Conseil de Paris, l'adjointe de Bertrand Delanoë.
Et le décret qui devait être pris en application de cette loi, au fond, n'a pas été pris. Il devait créer un fonds qui doit être abondé, en réalité, par le régime de Sécurité sociale. Les régimes de sécurité sociaux, d'ailleurs, ont provisionné cette somme et le décret n'ayant pas été pris, le fonds n'a pas été créé, donc voilà.
Mais pourquoi le décret n'est pas pris ?
Ecoutez, parce que parfois, j'imagine les décrets prennent un peu de temps pour sortir. Et puis il y a des décrets...
Il va être pris le décret ?
Oui, oui, bien sûr, le décret va être pris.
Un jour ?
Non, non, pas un jour. Il va être pris éminemment et sous peu ; et donc le problème sera réglé.
La multiplication de ces plaintes, ça vous inquiète ?
Ce n'est pas un problème.
La Saône-et-Loire, par exemple...
Enfin, monsieur Montebourg, il fait de la politique.
Enfin il a remporté ?
Il a remporté, il fait totalement de la politique... Là-dessus, oui sur ce sujet-là, sur un sujet de forme, pas sur un sujet de fond. Il n'y a pas de dettes de l'Etat vis-à-vis des collectivités locales. Il y a un débat sur ce qu'est un transfert de compétences. On ne peut pas vouloir l'autonomie d'une collectivité locale et dire en même temps à l'Etat qu'il doit compenser, en réalité, les charges de cette autonomie. D'ailleurs, dans la conférence sur le déficit public, le chef de l'Etat a demandé -et il a bien raison- qu'il y ait un travail sur le rapport entre l'Etat et les collectivités locales. C'est un travail, d'ailleurs, moi sur lequel je me suis déjà beaucoup engagé pour essayer de purger au fond tous ces débats dans lesquels je trouve qu'il y a une dimension politique bien plus qu'une dimension financière.
Vous êtes ministre du Budget, des Comptes publics, Eric Woerth. Est-ce que ça fait mal quand on est mis en cause publiquement comme vous l'avez été, mardi, par le rapport de la Cour des Comptes : argent public gaspillé, comptes publics peut-être mal tenus ?
Ah je ne me sens pas du tout visé par le rapport de la Cour des Comptes. Il y a un rapport annuel. Il y a un rapport de la Cour des Comptes qui paraît annuellement et qui tous les ans, dénonce tel ou tel point, critique tel ou tel point. Il n'y a pas de polémique, d'ailleurs avec la Cour des Comptes.
La Cour des Comptes a raison ?
La Cour des Comptes, elle a raison, à mon sens, en tout cas en ce qui concerne les comptes de l'Etat, la première partie parce qu'il y a beaucoup de choses dans son rapport.
Oui, il y a beaucoup de choses...
Elle dit, et c'est là-dessus qu'il y a eu discussion ; elle dit : 90% du déficit, du supplément de déficit des comptes publics est dû à la crise. Nous, on dit, le gouvernement dit, je dis et j'assume que 100% de l'augmentation du déficit est due à la crise. Il y a 10% d'écart et c'est un débat avec la Cour, c'est un débat méthodologique. Maintenant après que la Cour dise qu'il y a trop de dettes, que la Cour dise qu'il y a des déficits qui se sont accrus, le gouvernement l'avait déjà évidemment remarqués. La question n'est pas là, au fond.
La Cour dit que la dette s'emballe...
Mais la question n'est pas là. Moi je ne suis pas à la recherche, si vous voulez...
... et que vous la maîtrisez mal. Ce qui est une mise en cause au fond de l'action politique que vous menez, Eric Woerth.
Non, non, non ce n'est pas du tout une mise en cause. La Cour dit qu'il y a trop de dettes. Je n'aime pas la dette. Je n'aime pas non plus les déficits publics pour tout vous dire. La Cour dit aussi que nous maîtrisons les dépenses de l'Etat et que sur d'autres dépenses, les choses vont évidemment trop vite. Les dépenses de l'Etat entre 2008 et 2009 ont diminué, entre le Budget qui a été voté et puis l'exécution budgétaire, c'est-à-dire la réalisation , c'est moins 2 milliards d'euros ; de mémoire de budgétaire, on n'avait jamais vu ça. Donc, on maîtrise bien la dépense publique. La Cour le dit au détour d'une phrase ; et en même temps ce qui augmente c'est les régimes sociaux. Les retraites ont augmenté de 4%, l'assurance maladie a augmenté de 3% ou 3,5% ; donc, cela fait que les dépenses globalement ont un peu plus augmenté qu'auparavant durant l'année 2009 dû notamment d'ailleurs au fait qu'il y a eu assez peu d'inflation.
La Cour des Comptes écrit aussi notamment : "La dégradation des comptes notamment dans le domaine social est toutefois telle qu'il faudra augmenter le produit des prélèvements". C'est catégorique ça comme affirmation ?
Attendez, c'est du diagnostic. Le diagnostic, nous l'avons fait. Je n'ai rien appris dans le rapport de la Cour des Comptes, d'ailleurs je leur ai dit d'ailleurs ma réponse.
Vous convenez qu'il faudra augmenter le produit des prélèvements ?
Ma réponse est dans ce rapport. Non je ne crois pas qu'il faille augmenter les prélèvements. Je pense que, par exemple, sur les retraites, il faut augmenter à un moment donné les cotisations retraite mais il faut baisser les cotisations chômage. Ca a été prévu en 2003 ; ça n'a pas pu être fait...
Oui, au moment où on pensait que le chômage diminuait ! Ce n'est pas le cas !
Il y a un an, le chômage était à 7,5 %, le chômage était en pleine diminution...
Mais la vie augmente maintenant !
Parce qu'il y a une crise, monsieur Aphatie, il ne faut pas l'oublier.
Ca ne nous échappe pas.
Et la Cour des Comptes ne doit pas oublier, à un moment donné, qu'il y ait une crise. Nous, on dit simplement 100% ...
La Cour dit : "Il faudra augmenter le produit des prélèvements".
Non, il ne faut pas augmenter, en France, le produit des prélèvements. J'assume le fait qu'il ne faut pas augmenter les impôts. La voie est beaucoup plus difficile parce que la voie, c'est par le biais de la réduction de l'indépendance et par l'augmentation de la croissance. Les réformes structurelles qu'on fait c'est pour augmenter la croissance. La croissance de la France, elle doit dépasser 2%. Si elle ne dépasse pas 2%, alors notre modèle économique et social, on a du mal à le financer. Et nous devons le faire.
Chaque fois qu'on augmente une dépense, en réalité, on creuse un déficit ; et on doit encore mieux contrôler nos dépenses. Je l'ai fait d'une façon, je pense, assez sérieuse depuis maintenant ces trois dernières années et nous devons continuer à le faire. On a jamais aussi peu augmenté les dépenses d'assurance maladie. On a baissé les dépenses de l'Etat. C'est bien de cela dont il s'agit.
A quel moment sera nommé un nouveau président à la Cour des Comptes ? Il n'y a pas d'information ?
Ca, il faut le demander au Président de la République. Je n'ai pas du tout d'information là-dessus. Je n'ai pas du tout d'information. Mais il n'y a pas de polémique avec la Cour des Comptes si vous voulez revenir là-dessus. Il n'y a aucune polémique.
Vous avez dit, vous, à l'Assemblée nationale qu'il y avait un problème de méthode avec la Cour des Comptes.
Oui, j'ai dit qu'il y a un problème de méthode et j'ai dit que la méthode du gouvernement, elle n'est pas fausse parce que c'est le gouvernement et la méthode de la Cour elle n'est pas juste parce que c'est la Cour.
En gros, vous dites : ils ne sont pas très compétents, quoi !
Non, je n'ai jamais dit ça. Comment pourrais-je me permettre de dire ça.
Ah si c'est ce que vous dites. C'est ce que vous pensez alors ?
Non, mais ça c'est une interprétation extensible de Jean-Michel Aphatie.
Oui. Et elle est fausse ?
Bien sûr qu'elle est fausse.
Quand on dit publiquement qu'il y a un problème de méthode... qui n'utilise pas la bonne méthode !
On a heureusement le droit de parler, je veux dire on a le droit de commenter. D'ailleurs, je fais tellement de commentaires que dans le rapport de la Cour est joint le commentaire du ministère du budget, du ministère de l'économie, remarque de la Cour. Et ce que j'ai dit par écrit, je le dis également, il n'y a pas de polémique. Sur 90% des conclusions, on est d'accord, on a le droit sur 10% de discuter. Heureusement, nous sommes dans une démocratie vous savez ; et on fait un effort absolument considérable sur les finances publiques comme on fait un effort sur l'économie.
A ce propos, on a noté dans "Le Canard Enchaîné" qui raconte la réunion qui s'est tenue lundi à Matignon sur l'identité nationale, que vous auriez dit ceci, Eric Woerth : "Quand on parle d'identité nationale, je pense que la constance de nos déficits en est un élément structurant."
Oui je l'ai dit. Bien sûr, je l'ai dit. Bien sûr, je ne vais pas nier ce que j'ai dit. Mais c'était une forme de boutade et en même temps, c'est vrai. C'est vrai que nous connaissons un déficit de nos comptes publics depuis trente ans. Donc c'est vrai que c'est constitutif aussi d'une habitude. Il faut rompre avec cette habitude. Nous sommes en train de le faire. La conférence des déficits publics qui a été convoquée par le chef de l'Etat, la réforme des retraites, la diminution des dépenses, enfin tout cela ; aucun gouvernement n'a autant bougé que nous sur les finances publiques sauf qu'il y a une crise majeure. C'est celle-là qui a affecté.
François Bayrou, à votre place hier, a dit : Je crois que la France pourrait connaître prochainement les mêmes problèmes que la Grèce", c'est-à-dire avoir du mal à emprunter sur les marchés financiers.
François Bayrou a bien tort de dire cela.
Vous pensez qu'on est à l'abri de quelque chose comme ça, avec le niveau d'endettement qu'il y a ?
François Bayrou, son truc c'est de gérer l'inquiétude, l'angoisse et c'est de créer cela. C'est probablement le cas de toute personne étant dans l'opposition ; mais la question n'est pas là. Enfin, la situation de la France n'a rien à voir avec la situation de la Grèce, mais vraiment strictement rien à voir.
Mais vous pensez qu'on n'aura pas dans les prochains mois du mal à trouver de nouveaux emprunts ?
Ecoutez, aujourd'hui, en tout cas, chaque fois que la France emprunte, il y a beaucoup plus de prêteurs que d'emprunts à réaliser. On a les meilleures notations. Nous avons une politique de réduction et d'assainissement de nos finances publiques. On a un rebond de croissance qui est plus important que celui de la zone Eeuro. Enfin, il y a quand même beaucoup d'éléments qui font qu'aujourd'hui la France comme l'Allemagne d'ailleurs, sont en Europe les pays qui se portent le mieux. On doit cultiver cette différence.
La crise grecque est terminée, d'après vous ?
La crise grecque... Hier, les chefs d'Etat se sont réunis là-dessus. La Grèce n'a rien demandé. La Grèce est soumise aujourd'hui...
Et on va rien donner ?
... à un plan très fort de réduction de ses déficits ; j'imagine qu'elle le respectera. En tout cas, elle est mise sous surveillance. Tous les mois, la surveillance se fera en accord avec la Communauté internationale et l'Europe évidemment. Surtout l'Europe pour plus d'Europe.
Eric Woerth pour qui nos déficits sont un élément structurant de notre identité nationale, était l'invité de RTL ce matin.