Publié par
Kazuya Mishima San
c'était aussi une démarche dangereuse (langage international = risque d'aider la mondialisation, la disparition des nations, l'uniformisation des cultures, et de voir manipuler la structure même du langage) dont on ne peut que difficilement être triste qu'elle n'ait pas fonctionné.
Actuellement, la plupart des modèles et des recommandations vont dans le sens d'un "tout-à-l'anglais", parfois édulcoré d'un fond de plurilinguisme mais dont on sait que, sans mise en place de gardes fous nombreux et complexes, il ne pourra pas tenir.
Ne pas tenir compte de l'espéranto comme alternative, c'est accepter l'idée que l'anglais devienne rapidement la seule langue internationale (du moins européenne) officielle. Pour le coup, c'est donc approuver de fait qu'au sein même de l'Europe s'effectue un transfert financier et culturel excessivement fort en faveur du RU et des pays anglophones. Grin en dénombre 4 :
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Les marchés privilégiés : le fait qu'une domination de l'anglais bénéficient d’un avantage pour la vente de divers services (enseignement de la langue concernée ; traduction et interprétation vers celle-ci; édition et révision de textes dans cette langue ; fourniture à l’étranger de matériel pédagogique pour son enseignement). Il n'y a qu'à voir ce que rapport au RU le nombre de jeunes de toute l'europe qui viennent y suivre des stages de langues. L'estimation basse tourne à 6,75 milliards d'€ par an d'avantages, dont près d'1 milliard au dépends de la France. Certes, la France fournit pour l'instant elle aussi de ce type de services, mais cette part serait logiquement amener à se réduire encore plus considérablement dans un scénario de tout à l'anglais.
Dans le cas d'un scénario espérantiste, plus aucune inégalités de transferts.
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L’économie d’effort dans la communication : soit le fait que les anglophones n'aient pas à traduire ou faire traduire lors de communications, alors que tous les autres, si. On tourne, dans une hypothèse basse, à 2,2 Milliards d'€ d'économie pour les anglophones.
L'effort symétrique que nécessiterait l'espéranto fait de facto disparaitre toutes formes d'inégalités.
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L’économie d’effort dans l’enseignement des langues étrangères : Là, l'analyse est plus complexe, mais la France aurait un avantage de plus 4 Milliards d'€ par an à passer au scénario espérantiste
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Produit du réinvestissement dans l’éducation : Les sommes économisées par les anglophones peuvent être investies en R&D par exemple, et divers investissements, et génèrent une rente annuelle de l'ordre du demi millard d'euro.
Non seulement le scénario tout anglais est une réelle menace pour la plurilinguisme, mais surtout, c'est une aubaine monétaire (et symbolique aussi) impressionnante. Cela revient à dire que ce scénario vers lequel nous allons coûte aux pays non anglophones plusieurs milliards d'€ par an. Dans les estimations basses, ça tourne à 18 milliards d'€. Et encore, c'est sans tous les coûts non monétaires comme les avantages dans les situations de conflits et de négociation, etc. Où est la logique ?
Le scénario espérantiste permet d'équilibrer les dépenses équitablement entre chaque état, de réduire drastiquement les coûts totaux (une économie à l'échelle de l'Europe de l'ordre de 25 M d'€, en mettre en relation avec l’intégralité des
dépenses budgétées pour 2005 par l’Union Européenne qui était de 116,55 milliards d’Euros) et de supprimer tout avantage symbolique et non monétaire.
Le scénario multi-linguiste pourrait être une option, mais étant instable par nature, il nécessite un nombre de mesures assez conséquentes, et souvent difficilement réalisables. Autrement dit, il y a de grandes chances qu'il finisse par retomber dans le scénario tout à l'anglais (ou n'importe qu'elle langue prenant le statut de langue internationale)
Au final, on commence déjà à dresser une idée de pourquoi l'espéranto n'a pas pris. Quel pays, en faveur d'une telle domination hégémonique, accepterait de voir sa situation changer ?
Dans son numéro du 13 mai 1997, "Le Figaro" rapportait que Robin Cook, nouveau secrétaire au Foreign Office dans le gouvernement de Tony Blair, voyait grand : "Il veut non seulement rendre à la diplomatie britannique un lustre que l’administration tory avait, selon lui, terni, mais il souhaite aussi que, demain, la Grande-Bretagne mène le monde. Pacifiquement, cela va de soi. Par la seule force de son économie, de son génie créateur, de sa culture et de sa langue". Lors d’un discours prononcé aux États-Unis, Margaret Thatcher s’en est violemment pris à la France qui refuse de s’aligner docilement sur le modèle qu’elle a désigné ainsi : "Au XXIème siècle, le pouvoir dominant est l’Amérique, le langage dominant est l’anglais, le modèle économique dominant est le capitalisme anglo-saxon"
Édifiant, non ?
Je le rappelle, mais si la SDN qui était sur le point d'adopter l'espéranto ne l'a pas fait, c'est principalement par opposition de la France, qui craignait pour le statut de sa langue (et donc des avantages politiques et économiques associés)
Apprendre des langues différentes aide à en apprendre d'autre. Faire fonctionner son cerveau aide à faire fonctionner son cerveau. Un enfant apprenant plusieurs langues gagne des facilités à en apprendre d'autres. L'espéranto n'y est pour rien. Apprendre à jouer d'un instrument de musique est une aide à en apprendre un autre. Et ainsi de suite. Plus on fait d'efforts plus l'effort suivant est facile (dans certaines limites bien sur...).
Oui, mais dans ce cas, la logique veut de commencer par l'élément le plus facile, vu qu'il est marginalement le plus difficile. Pourquoi commencer par le russe ou le chinois, et ensuite une autre langue plus simple, si le fait de commencer par une langue plus simple permet de se simplifier la tache ensuite ?
J'ai un DEA en économie, et la première année, je commençais par des modèles extrêmement simplifié, pour ainsi dire débiles. Mais ça me permettait de comprendre les mécanismes de bases, et de comprendre ensuite les modèles complexes. L'inverse aurait aussi fonctionné, mais aurait pris beaucoup plus de temps.
Pour ce qui est de ce dont tu ne vois pas de quoi je parle et bien je me rend compte que le développer nous entraînerait sur de la politique, qu'on est sur la taverne, et que tu n'as certainement pas envie de voir ta présentation débordée. En plus c'est une belle présentation, tu y as sûrement mis du temps alors respect.

Merci pour ce paragraphe et pour ta volonté de ne pas faire trop dévier la conversation. Mais si l'envie t'en prend de continuer par MP ou de lancer un nouveau sujet sur la taverne, ce sera avec joie que je participerais
Et tout le monde parlait anglais sans problème...
Je suis pas défenseur de l'anglais (plutôt l'inverse) mais c'est vrai que ta description que tu fais de l'anglais m'étonne pas mal, et j'en rejoins Kor.
Il faut voir plusieurs choses : d'une part le public que tu rencontres à cette occasion est un public qui voyage, qui a de grande chance d'avoir donc déjà du développer son anglais pour se faire comprendre, en gros ton échantillon me semble biaisé, même si ça peut se discuter.
Ensuite, le niveau général est globalement suffisant pour discuter entre "amis", mais on est forcément pas à un niveau de maitrise suffisant pour exprimer des idées plus complexes. Imaginons une engueulade entre deux de ces gars : c'est en gros celui qui sera le plus à l'aise en anglais qui va dominer dans le conflit, car lui saura dire rapidement à l'autre des choses que ce dernier devra réfléchir pour sortir.
Et surtout, la différence est flagrante entre des natifs et des non natifs. Dans un festival où la plupart des gens qui parlent viennent de pays différents et non anglophone, on n'a pas "honte" de son niveau. Si par contre, tu te retrouves seul dans un cercle de natifs, tu vas vite comprendre ce que je veux dire : tu ne te sens pas super à l'aise, il te sera plus difficile qu'à eux de dire exactement ce que tu veux faire passer comme message. A l'échelle d'un groupe d'amis, ce n'est pas excessivement grave (encore que ça peut donner des situations très délicates), mais à l'échelle de discussions plus importantes, ça peut vite donner un avantage certains aux natifs.
Je ne dis pas que personne ne parle l'anglais. Je dis qu'on a tendance à croire que l'anglais est parlé par tout le monde, ce qui est une vraie connerie. Et quand il l'est, il l'est rarement à un niveau vraiment suffisant pour tenir des conversations profondes ou importantes avec un natif, ce qui peut être très problématique.
A la question "Parlez-vous anglais lors de vos séjours à l’étranger ?", lors d’un entretien accordé à "Mon Quotidien" (25 septembre 1997), journal destiné aux enfants de 10-15 ans, Jacques Chirac avait déjà répondu : "Oui, avec mes amis, mais jamais dans les discussions officielles, car je ne parle pas parfaitement cette langue et ce serait un handicap. Pour les sujets sérieux, il faut être sûr d’être bien compris".
A son retour du sommet de Kyoto, Dominique Voynet avait déclaré au "Journal du Dimanche" (JDD) : "Toutes les discussions techniques se sont déroulées en anglais, sans la moindre traduction, alors qu’il s’agissait d’une conférence des Nations unies. Trop de délégués ont été ainsi en situation d’infériorité, dans l’incapacité de répondre efficacement, de faire entendre leurs arguments".