Cette nuit, 2h du matin. Je dors depuis minuit. J'entends un peu de bazar dans le couloir. Des gens qui frappent aux portes, je me dis dans mon demi-rêve qu'il s'agit sans doute des mecs bourrés. Ca frappe même chez moi, mais je me rendors dans la seconde.
Ca frappe à nouveau très fort, je me lève d'un bond, et j'entends : "y'a quelqu'un ?", une voix féminine. "Faut sortir" hurle à nouveau la voix. Je hurle "Oui", je sors sur le palier en caleçon. "Qu'est-ce qui se passe ?" je demande à une jeune femme que je n'ai jamais vue. "Il y a le feu, il faut sortir". Je rentre, je prends un pantalon, mes chaussures, ma veste, j'enfile tout comme je peux et je cours. Je ne comprends pas trop comment, mais je me retrouve dans la cour.
Là, la centaine d'habitants de la résidence erre, tous hagards et étrangement silencieux. Une odeur de fumée terrible, un mélange de pneu, d'huile, d'essence et un composant âcre que je n'identifie pas. Il y a les pompiers. Les policiers. Je vois une fumée noire qui sort du garage. On m'explique qu'une voiture est en feu dans le parking souterrain. Je cherche une cigarette, j'en demande une à un voisin. Je pense à Cloverfield. Je me rends compte que je ne connais que trois personnes.
Les pompiers mettent deux heures à localiser les sources de l'incendie, il y a deux voitures en feu en fait. La fumée est tellement noire qu'on la voit monter dans la nuit. Les pompiers ne voient rien, ils attendent du renfort et une caméra spéciale pour progresser. Il gèle, je grelotte et tousse. Je me dis que j'ai l'allure de ces réfugiés des Balkans que j'ai vus à la télé, veste habillée sur t-shirt troué, baskets usées. Je vois un grand-père agressif qui veut rentrer, il croit qu'on est l'après-midi et que nous faisons une fête qui ne l'intéresse pas. J'empêche deux vieilles dames de retourner à l'intérieur, j'ai l'impression de parler à des gosses.
On nous dit qu'on peut rentrer. Un pompier me dit qu'il va vérifier qu'aucun petit vieux n'est resté dans son appartement. Je pense à [Rec.]. Je le suis avec son détecteur de monoxyde de carbone, il avance vite et avec précision. Je suis fasciné par son assurance tranquille mais énergique. Aucun petit vieux n'est resté, donc, et le gaz invisible et mortel ne se trouve nulle part. "N'ouvrez pas la fenêtre", me dit le héros casqué, "on a mis le ventilateur pour évacuer la fumée, ça va dans votre direction". Je veux le remercier mais il a déjà tourné les talons.
Je suis seul sur le canapé, j'entends mes voisins qui rentrent sans parler. Je me mouche, la morve est noire comme du pétrole. Je fume une cigarette, je dois me lever dans une heure. Je dois aller au travail, pourtant. Je culpabilise d'être descendu si vite auparavant, sans regarder une seconde s'il y avait quelqu'un à aider.
Evidemment, je suis en retard de deux heures au travail. Foutus voisins.
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