La Symphonie pathétique de Klaus Mann.
Aux éditions Grasset, 10€26.
Commençons par l'auteur : il s'agit du fils du plus célèbre Thomas Mann, romancier allemand du début du XXè siècle, auteur de
Mort à Venise ou de
La Montagne Magique. Si le père a toujours eu cet esprit sérieux et perçant qui lui permit hélas un constat prophétique sur la nature du nazisme, il était apolitique, européen, intellectuel grand bourgeois.
Son fils a quelque chose de l'exact opposé : jeune et dandy, élevé dans la société bourgeoise mais très cultivée de son père, porté sa jeunesse durant par un mal de vivre propre à cette Allemagne anéantie par la guerre. Les liens très profonds d'avec sa sœur sont tentés d'un inceste incertain. Le nazisme le choquera profondément : sentant l'imminence du danger, il s'engagera radicalement dans
Méphisto contre le régime. Exilé, il finira par se suicider.
Le livre.
La Symphonie pathétique raconte la vie romancée de Tchaikovsky, compositeur et chef d'orchestre russe que tout le monde connaît ; l'œuvre de Mann n'est pourtant pas une biographie ; beaucoup de première personne, de dialogues visiblement inventés, de motivations imaginées par l'écrivain allemand ; mais le tout éclaire merveilleusement du dedans une œuvre par elle-même géniale.
Plus que l'anecdote, c'est la façon dont Mann cherche à hisser le lecteur (et son écriture, avant tout) au niveau d'un génie reconnu. La confrontation est étonnante ; Mann, fin psychologue, ne sombre pas dans une suite de prétextes à une psychanalyse sur un divan, tout se fait en action, dans diverses villes de toute l'Europe, à travers diverses œuvres et diverses rencontres, parfois anonymes, mais aussi parfois reconnues : ainsi on croise Brahms, Grieg, Dvorjak, on évoque longuement Rubinstein, Wagner, Liszt, la musique russe...
La lecture.
Je concède qu'il s'agit probablement d'avoir la veine musicale pour aimer ce roman. Les confrontations entre Brahms et Tchaikovsky n'auront peut-être pas grand intérêt pour qui ne connait pas leurs concertos pour piano ; la critique de la musique nationaliste russe, pour qui n'a pas entendu l'
Ouverture 1812.
Mais pour toi, JoLien que toutes ces références fin de siècle n'effraient pas, toi qui a envie de voir vivre Grieg sous les trains d'un petit blondinet timide et amoureusement marié, alors ce roman te plaira.
Les distances parcourues sont telles - de la
datcha de Tchaikovski, des souvenirs de Saint-Petersbourg, à Paris, Prague et Berlin - que ce n'est pas la vie d'un homme qui s'ouvre devant nous, mais bel et bien l'Europe toute entière lorsque sa culture illuminait le monde de ses génies.
PS : "Le moine de Lewis, raconté par Antonin Artaud (enfin de la vraie littérature...c'est rare dans le coin)."
Juste pour savoir, c'est quoi de la "vraie littérature" ?...