Notre petite troupe a vécu ce problème à l'envers : nous n'avons pas subit des difficultés de recrutement, mais une fuite des nôtres vers le prestige des grosses usines violet prononcé.
Notre structure est un peu atypique : regroupement de guildes hétéroclites ayant à coeur de ne pas se morfondre dans les éternelles étriquées petits mondes à 5, tout en continuant à jouer le jeu et le rôle (nous sommes ancrés dans le serveur RP la croisade écarlate), nous avons formé un ensemble souple qui, nous l'espérions, permettrait de conjuguer aventure, découverte et bonne compagnie.
Nous n'avons pas vraiment recruté, si ce n'est indirectement au travers des guildes nous composant, petits clans n'accueillant que ponctuellement.
La grande surprise fut de découvrir que beaucoup de joueurs délicieux, je veux parler d'aventurier en feu d'artifice, l'or à la bouche et le coeur au fourreau, et bien, préfèrent aller vite et fort de l'avant, même au détriment de la qualité humaine et verbale des soirées.
Nous venons d'abattre Hakkar, et au même moment, le gros dragon noir, chez eux, s'effondrait.
Ce n'est pas du tout péjoratif, je les comprends tout à fait. De fait, nous avons passé beaucoup de temps chez l'écorcheur d'âmes et ses sbires, et notre progression fut laborieuse et heurtée. Il y a des soirs où tous auraient vendu son âme et ses mots pour grignoter un peu de terrain.
Ainsi, quelques uns des joueurs les plus brillants de ma connaissance au point de vue du rôle nous ont vite délaissé pour de gros troupeaux, nettement moins colorés, toute prétention mise à part, que nos bras cassés.
Le second constat, banal, c'est qu'il ne suffit pas de rassembler 20 joueurs brillants pour obtenir des soirées palpitantes, loin s'en faut. L'investissement de personnes pourtant connues pétillantes dans les petites fenêtres d'aventures à 5, s'est souvent révélée maigre, voire nulle, dans les orgies à 20, a fortiori dans les indigestions à 40.
Mais il est vrai que nous ne sommes pas une guilde à proprement parler.
Pour ma part, je serais bien tenté d'incriminer ce sale ennemi du nombre. On connait tous ce théorème voulant que la qualité du rôle soit inversement proportionnel au nombre des participants. Nulle part aussi bien que dans WoW celui-ci n'a été aussi bien illustré : les meilleurs crèvent sous le nombre, étouffés sous les cadavres de ceux qui se taisent, eux-mêmes écrasés par la couche d'au-dessus.
Je comprends mieux l'empressement de certain à élaborer des projets clinquants de guildes avant même la sortie d'un jeu. C'est vrai que les premiers mois sont décisifs, et qu'une dynamique créée à ce moment-là à bien plus de chances d'attirer les énergiques qu'une affaire éclose, comme la nôtre, sur le tard.
Je serais extrêmement curieux de constater l'impact sociologique de l'inauguration d'instances d'élite à 80 ou 100 joueurs en jeu. La médiocrité du tissu humain dans les guildes hypertrophiée qui en découleraient serait sans doute aberrant.
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