En fait, je trouve que Michel WINOCK résume bien toute la question de la difficile définition de la droite. Si je me réfère au livre que j'ai précédemment cité (La droite depuis 1789), et notamment à la présentation qu'il fait de la question, voilà les idées qu'il met en avant :
- Le clivage droite / gauche remonte en France à la Révolution de 1789 (ce que montre l'article premier de l'ouvrage, "généalogie des droites, 1789- 1939", toujours de Michel WINOCK). Pourtant, ce n'est pas avant l'Affaire Dreyfus que cette terminologie politique ne commence à recevoir un réel contenu idéologique : avant, parler de gauche et de droite n'est pas pertinent, parce qu'en fait, ça ne renvoie à rien de réel au plan idéologique et politique. La "vraie" césure est 1902 pour la dualité droite / gauche en France, du fait de la victoire aux législatives du "Bloc des Gauches", qui officialise cette opposition. En somme, s'il y a eu une "droite", c'est parce qu'une "gauche" s'est définie en premier, avec une meilleure cohésion idéologique sur la base du marxisme, et des pratiques plus homogènes en lien avec le monde syndical.
- Avant 1939, personne ne se dit vraiment de "droite", parce que la "droite", c'est en fait la somme de tout ce qui n'est pas la "gauche" : c'est non seulement disparate, mais c'est surtout la plupart des forces qui s'opposèrent jadis à la Révolution et à ses nombreux héritages (laïcité, droits de l'homme, etc.). En somme, la droite c'est cette multitude de courants traditionalistes, nationalistes, conservateurs, libéraux... Bref, une jolie bouillabaisse.
- Après 1945, personne ne se dit non plus "de droite", parce que personne ne veut s'identifier (à tort ou à raison) au régime de Vichy, à la défaite et à la collaboration. De plus, le gaullisme ne se qualifie pas lui- même de "droite" : il est "gaulliste", tout simplement. Sur la période qui va du XIXème siècle à la fin des années De Gaulle, ne se revendique ouvertement "de droite" que ce qui nous appelons aujourd'hui "l'extrême- droite".
- Ce n'est que dans les années 1970 et surtout après 1981 que le clivage droite / gauche va prendre le sens que nous lui donnons aujourd'hui. Et d'autant que la culture de l'alternance, liée au régime de cohabitation (à partir de 1986) tend alors à donner une réelle légitimité à cette dualité.
- La chute du mur de Berlin et l'effondrement du bloc soviétique (1989- 1991) finissent cette évolution, puisqu'en fait, ils permettent à deux camps désormais légitimés de ne plus s'opposer sur des idéologies claires, mais sur des manières différentes de gérer le politique, et de s'opposer notamment sur les questions de société et sur la politique économique.
Ceci dit, il ne faut pas croire que la "droite" n'a pas de fondements idéologiques ou culturels, loin de là. Libéralisme, traditionalisme, conservatisme, ce sont des éléments qui sont liés à des courants politiques anciens, et qui sont liés à une réelle culture politique dans notre pays, et plus largement en Europe.
Bref, c'est un rapide tour d'horizon.
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