"etre de droite un tabou francais"

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Publié par toutouyoutou
Bref, c'est un rapide tour d'horizon.
Mais qui a l'avantage de montrer toute la difficulté qu'il y a à s'assumer de droite et à mettre en avant une tradition politique.
On voit bien à travers ce rapide résumé toute l'importance du gaullisme dans la structure d'une droite moderne pourtant absolument pas gaulliste.

Le gaullisme est la première (et la dernière) brique positive dans la tradition de la droite en France. En lisant le résumé ; on se rend compte que pour la première fois la droite (ce qu'il en reste en 44 à la libération) peut s'enorgueillir d'un positionnement en quelque sorte valorisant. Jusqu'à cette date ; à la fois conservatrice et réactionnaire l'histoire de la droite est un chemin pavé de coins plus ou moins sombres qu'il valait mieux cacher ; elle était républicaine mais du bout des doigts (les restaurations c'était pas trop mal) ; elle était pas laïque parce très influencée par l'Eglise catholique, elle était pas terriblement placée lors du grand choc de l'affaire Dreyfus et comme si cela ne suffisait pas (mais ça on en a parlé) la période vichyste a finit de l'achever.
Pour éviter que cette énumération ne donne l'impression de taper que d'un côté, il faut aussi signaler que la gauche traîne aussi ses casseroles ; dont la plus importante et sans doute le pacifisme exacerbé des années 30. Mais c'est sans commune mesure, dans le paysage de la tradition de gauche il y a quelques zones d'ombres mais dans celui de la droite jusqu'à de Gaulle ; c'est une catastrophe.

Je sais que Mitterrand est H.S dans ce thread mais il suffit de voir un de ses premiers gestes en arrivant au pouvoir en 81 pour saisir : il va au Panthéon. Ce qui ne veut pas seulement dire qu'il va rendre hommage à Jaurès, Moulin et Schoelcher mais aussi qu'en se disant homme de gauche (je précise en se disant homme de gauche après si vous décidez qu'il était très à droite c'est une autre question l'important c'est ce qu'il dit être sur ce point), lui peut faire référence à une tradition politique qui rejoint presque une sorte de mystique républicaine. Peut-on imaginer un homme de droite faisant ça ? Non que le geste ne serait pas courageux mais en quoi rendrait-il hommage à sa tradition politique ?

Il me semble qu'on peut saisir là que la droite française n'a pas de passé (s'entend à valoriser politiquement) en dehors du Gaullisme et de Gaulle qui n'était... en fait pas vraiment de droite et qui en tout cas se situait à des années lumières des idées de la droite moderne.

Cela explique aussi en grande partie la tendance très accentuée à droite d'aller chercher l'exemple à l'extérieur quitte à, parfois, s'y emmêler les pinceaux. C'est pas que les exemples extérieurs soient forcément les meilleurs pour servir ses arguments mais c'est qu'à l'intérieur, c'est à dire dans sa tradition politique, il n'y a pas grand chose à extirper de positif. De Gaulle bien sûr mais faut pas avoir peur de se contredire à longueur de temps ; Chirac en est l'exemple type.
Non que la gauche moderne ne pédale pas aussi parfois à réussir l'amalgame entre sa tradition et sa modernité (là où par exemple un Jospin avait mieux réussit qu'un Strauss Kahn) mais c'est sans commune mesure avec l'effort nécessaire pour un homme politique de droite sans qu'il en soit réduit à faire un grand écart qui passe rarement inaperçu.

C'est une situation qui paradoxalement n'améliore plus forcément la position de la gauche d'un point de vue électoral, lors du combat politique qui précède une élection. Pour un Mitterrand par exemple, un Chirac était un "régal" avec son discours aux accents gaullistes soutenant des politiques issues du courant moderne de la droite libérale. Avant même qu'ils s'opposent Chirac était déjà embringué dans des contradictions hallucinantes puisque même Mitterrand était presque quasiment plus à droite que de Gaulle. Sarkozy lui est un adversaire autrement plus coriace parce que c'est un "chien fou" ; là le clivage gauche/droite est prétendu dépassé ; ce qui évidemment est une connerie bêtise, il est juste mis au rencart parce qu'il arrange pas la situation en tant qu'homme politique d'une droite moderne parce que pour positiver une tradition politique de droite faut ressortir la momie de Gaulle du placard et ça cadre mal avec le contenu réel du programme. De Villepin a testé, il est passé à la moulinette, les mémoires du Général c'est très bien pour faire un discours à l'ONU qui casse la baraque, pour défendre le CPE ça a un peu dérapé ("j'écoute ceux qui manifestent et j'écoute aussi ceux qui manifestent pas"... certes).

Mea culpa sur le H.S Mitterrand plus haut mais il y avait quand même une correction à faire, pas possible de laisser passer ça quand même.
Si il est tabou d'être de droite ce n'est pas par honte ou par peur d'être vu comme un extrémiste mais pour se démarquer de la politique de ses 11 dernières années, les présidentielles arrivent et les futurs candidats de droite veulent tout simplement qu'on ne fasse pas l'amalgame entre leurs projets et ceux de Chirac.
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Publié par Malgaweth
Mais qui a l'avantage de montrer toute la difficulté qu'il y a à s'assumer de droite et à mettre en avant une tradition politique.
On voit bien à travers ce rapide résumé toute l'importance du gaullisme dans la structure d'une droite moderne pourtant absolument pas gaulliste.
En cherchant un peu dans mes bouquins, je suis tombé sur un vieux, toujours de WINOCK, qui est lui une Histoire de l'Extrême- Droite en France (1993 pour mon édition). Quel intérêt pour nous ? Simplement de démêler un peu entre la "droite", "l'ultra droite", "la droite extrême", "l'extrême- droite"... (je hais les historiens de Science Po ).
L'article de Jean- Pierre AZEMA par exemple montre plutôt bien comment le régime de Vichy a fédéré autour de lui toutes les composantes de la droite (et un peu de la gauche), même si la mouvance collaborationniste n'a jamais été qu'ultra- minoritaire mais très active (impliquant la naissance de l'Etat milicien).
D'autres articles permettent d'identifier plus clairement différents mouvements de l'extrême- droite française : la "mouvance" boulangiste dans les années 1880 (droite qualifiée de "nationale- populiste"), le rôle éminent de l'Action Française et de Maurras (étudiée sous l'angle de la convergence du traditionalisme catholique et de l'antisémitisme radical), l'importance des groupuscules d'extrême- droite dans le contexte de la crise des années 1930' (rôle de la Cagoule par exemple), l'extrême- droite "clandestine" des années 1950- 1960 (importance de la guerre d'Algérie et du mouvement OAS notamment), puis, enfin, l'émergence du Front National à partir de 1972, comme parti faisant la synthèse de toutes les tendances de l'extrême- droite française (mais l'analyse manque tout ce qui se passe après 1993, et n'est plus vraiment valide sur ses constats).

Bon, je ne l'ai pas lu depuis longtemps cet ouvrage, et je n'aurais pas mis le boulangisme dans l'extrême- droite personnellement, mais bon, ça donne juste quelques éléments de repères pour ne pas tout confondre (mais là ça commence à être dur quand même).

Citation :
Publié par Malgaweth
Il me semble qu'on peut saisir là que la droite française n'a pas de passé (s'entend à valoriser politiquement) en dehors du Gaullisme et de Gaulle qui n'était... en fait pas vraiment de droite et qui en tout cas se situait à des années lumières des idées de la droite moderne.
Et bien en fait, elle a un passé assez net, mais qui est aussi nettement beaucoup plus radical que ce que nous accepterions aujourd'hui. Le passé de la droite, c'est Barrès, c'est Maurras, c'est De La Rocque etc. Si la droite n'a pas à proprement parler de cohérence idéologique (au même titre que la gauche avec le marxisme par exemple), il n'en demeure pas moins que les mêmes valeurs reviennent plus ou moins directement : l'ordre social, la famille comme cellule de base de la société (avec une marque plus ou moins forte des Eglises), le patriotisme voire le nationalisme. Sans vouloir être provocateur, je pense vraiment que la devise de Vichy ("travail, famille, patrie") résume parfaitement une mentalité de droite, ou une culture de droite. Ca ne veut pas dire que quiconque est de droite se retrouve lié directement à Vichy, mais je pense que les gens de droite ne peuvent pas réfuter l'importance accordée à ces valeurs (en tout cas, moi, je m'y retrouve... dans ces valeurs, pas dans le régime de Vichy, de même que je me retrouve dans d'autres valeurs, en rien liées à celui- ci). Si le régime de Vichy est allé si loin que très peu de monde en définitive l'a suivi dans son processus collaborationniste, il n'en demeure pas moins que son socle idéologique est typiquement de droite. Quand on écoute ce qui se dit à droite (et pas seulement), ces valeurs reviennent constamment en fait. La famille comme fondement de l'organisation sociale (d'où l'importance des débats sur le PACS en un temps, ou la question du mariage homosexuel), le travail comme fondement de l'enrichissement et de l'intégration sociale (d'où l'importance des débats sur le chômage et l'emploi), la patrie comme horizon commun (d'où l'importance des débats sur l'intégration européenne ou l'immigration, car au fond, qu'est- ce qu'être français en ce début de XXIème siècle). Sur ce socle, d'autres valeurs se greffent, à des degrés divers : l'ordre social et la sécurité des citoyens, le rôle de la France dans le monde, l'importance des débats sur la citoyenneté, la question de la laïcité, l'individualisme, le libéralisme politique et économique, etc.
D'où l'importance en effet de chercher ailleurs des modèles ou des inspirations autre que françaises, qui est aussi liée à une certaine vision de la France comme pays en déclin, et en même temps comme un grand pays engagé dans une compétition mondiale.
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