Salut
Un constat d'abord : socialement, la culture artistique (et en particulier littéraire) est plus valorisante que la culture scientifique.
Dans l'imaginaire collectif, les arts tirent leur substance de la sensibilité humaine, son imagination etc. et sont l'exact inverse des sciences qui elles cherchent à supprimer toute poésie et tout mystère.
« L'art est ce qui différencie l'homme de l'animal. » Ne me dites pas que ce lieu commun à la con n'est jamais parvenu à vos oreilles. Notez qu'on peut remplacer « L'art » par absolument n'importe quoi : « La voiture », « Mon cousin », « JOL » etc.
Evidemment ce genre de raisonnement fait l'impasse sur une certaine frange de l'art qui abrite quelques hérétiques, nombreux dans les arts plastiques (kandisky, hart, jessica stockholder dont l'oeuvre inspirée du travail de skolem a beaucoup fait parler d'elle) et fameux dans la littérature (lewis carol etc). Il est de toute façon clair que c'est un raisonnement stupide.
Mais il est couramment tenu et pas seulement par des lycéens de 1ere L frustrés de ne pas s'y entendre en maths. La science est souvent qualifiée d'« aride » et les divers médias (la télé en tête bien entendu) y contribuent fortement. Exception faite des amphis de la 5e et les bogdanoff (

), la science n'existe à la télé que le temps des nobel, et encore, à conditions que ceux ci soient français. Pendant toute l'année, combien de documentaires sur kafka et sa relation avec le cinéma, combien de thémas sur sartre ? Je ne dis pas que ces manifestations de la culture à la télé doivent être proscrites ou circoncises, bien au contraire. Mais quelle est la place laissée à la science ? De ci, de là, quelques documentaires de vulgarisation qui à force de vulgariser finissent par ne plus rien dire, ou déforment leur propos, ou bien annoncent avec beaucoup de conviction des choses incertaines voire fausses.
Laisser traîner une invitation à un vernissage sur la petite table du salon est définitivement classieux. Mais un fascicule reçu à la dernière conférence faite au collège de France ? Nenni ! Ce genre de choses est pour les fous, les gens sans âme, sans passion, les monstres qui ne savent vivre et qui, les cheveux en pagaille et les ongles longs, gribouillent en imitant le savant cosinus des lignes remplies de X et de Y pour les finir par « = 0 ». Aucun intérêt !
À l'école, est-ce mieux que chez les bobos ? Pas vraiment.
Pourquoi apprend-on la grammaire, l'histoire, la géographie, la littérature, pourquoi lit-on céline, flaubert et nabokov ? Pour la culture générale, pour forger l'esprit, la personnalité, la sensibilité, toutes ces choses enfin ! La poésie c'est la beauté mon ami ! Que vaut la vie sans poésie ? Et sans le subjonctif ? Que ne me soufflassiez vous dans le nez votre haleine fétide, j'eus fait des rimes et des plus limpides ! « Lumière de ma vie, feu de mes reins, la langue fait trois petits bonds contre le palais », enfin, vous voyez, quoi !
La science ? POUR LE TRAVAIL ! Pourquoi fait on de l'informatique, de la physique, de la chimie, de la biologie, des sciences naturelles ? Parce qu'on sera peut être amené à utiliser ces notions plus tard. Qui sait ? Les étudiants d'ailleurs souvent s'en étonnent. « Sérieux t'as-vu j'pige pas trop à quoi ça va me servir les maths dans ma vie que j'aurai plus tard sérieux tu vois l'délire ? » Les maths, la logique ? Lol, ça sert à rien, il est trop con lui. Sérieux quand je vais au McDo j'ai pas besoin de connaître le théorème de pythagore t'as-vu !
Dans l'esprit des étudiants, la science n'est qu'utilitaire (voire accessoire pour les maths qui ne sont au cas où vous l'ignoriez qu'un outil pour la physique, eh oui c'est ainsi). Evidemment ce n'est pas dans l'esprit de l'école. Les matières scientifiques enseignées dés la primaire sont là pour fournir un bagage minimum de culture scientifique. Mais ça n'est perçu ainsi que par les pékins qui rédigent les textes, et par certains profs.
C'est un fait : si les élèves peuvent trouver quelque intérêt dans la lecture et l'étude de textes (intérêt surtout présent au lycée où les hormones les poussent à gribouiller des poèmes minables sur les tables), ils ne réviseront leurs cours de chimie que pour avoir une bonne note au contrôle. Sauf dans les cas les plus graves, tous les jeunes aujourd'hui lisent des bouquins. Mais qui aurait un jour la drôle d'idée de lire un bouquin causant de sciences ? Et je ne parle pas seulement des bouquins de pure maths qui peuvent être difficilement abordable, mais par exemple un bouquin sur l'épistémologie, l'histoire des sciences, l'évolution de la pensée mathématique, la place de l'expérimentation dans les sciences physiques, la logique, enfin ce genre de truc lisible par tout un chacun. Si le bouquin de grothendieck n'a pas été édité ce n'est pas un hasard. Il n'y a pas d'intérêt pour ce genre de bouquins, le public s'en tape les couilles.
La question est : pourquoi ? Pourquoi ce putain de désintérêt ?
Pourquoi disposer d'une certaine culture scientifique est-il honteux ?
Pourquoi le citoyen lambda se représente-t-il le scientifique lambda comme un pouilleux, un ermite vivant dans un grotte et ignorant de tout sauf de sa discipline et sa spécialité ?
Pourquoi trouve-t-on qu'un type qui ne lit jamais de bouquins et est basiquement un ignare est fade, alors qu'un type qui est un illetré total en matière de science sera appelé libre-penseur, tout affranchi des limites de la science qu'il est ?
Je me rends compte ici que je n'ai pas mentionné les sciences dites « molles. » Alors elles c'est bien simple, c'est du pipo. Tout le monde peut faire de la sociologie ! Nous sommes des psychologues en puissance ! L'anthropologie est innée, c'est écrit dans nos gènes ! A condition de savoir épeler « doctorat », tout un chacun peut s'improviser chef de file d'une nouvelle école de penser qui va révolutionner la société. En vérité je n'ai pas besoin de parler des sciences molles, en tant que jolien vous avez forcément déjà assisté à ce type d'impostures.
[Edit : je précise que le paragraphe au dessus c'est de l'ironie.]
Je précise le débat au cas où ça serait pas bien clair : pourquoi existe-t-il une hiérarchie implicite entre les sciences molles, les sciences dures et les arts ?
Et j'ajoute comme je sens venir les joliens qui eux s'intéressent aux sciences et qui ont très envie de le faire savoir : je parle d'une situation générale. Pas d'énumération de cas particuliers s'il vous plaît. Je ne suis pas en train de me plaindre que c'était mieux avant (je suis né pile quand ça a commencé à bien merder donc j'en sais rien). Ce topic est le résultat des conversations que j'ai épiées dans le métro, des remarques débiles faites par mes camarades de cours, de l'observation minutieuse de mon petit frère, de la lecture de divers skyblogs, et autres sources d'informations pertinentes.
Je finis par une petite requête : je viens d'avoir un flash mediumnique (gogo zetetique) où je voyais XxxXxxx me flamer. Je vous demande d'être polis et courtois comme il est bon de l'être sur ce forum rempli de gens de bonne volonté. Je sens méchamment poindre une guerre littéraire contre scientifiques. Pas de ça svp. Ce n'est pas un troll contre la littérature même si ça peut en avoir l'odeur, la forme et le goût.