Sorin, le gène du combattant.
L'Argentin imprime son agressivité à Villarreal. Il n'a oublié ni le PSG ni Halilhodzic, se méfie de Lille et se raconte.
L'argentin Juan Pablo Sorin est un leader. Sur le terrain et dans le vestiaire, il fait entendre sa voix. A Villarreal comme au sein de l'équipe d'Argentine. Treize ans de carrière – il a débuté à l'âge de dix-sept ans – ont fait de lui un compétiteur de caractère dans son couloir gauche, ce qui lui vaut l'honneur aujourd'hui de porter le brassard de capitaine de la sélection. Mais Sorin est aussi un footballeur cultivé. Et sa personnalité détonne.
LE PASSAGE AU PARIS-SG. – « Quand je suis arrivé (saison 2003-2004), nous étions dix-septièmes. Nous avons aligné vingt et un matches sans défaite, terminé deuxièmes et gagné la Coupe de France. J'avais très envie de poursuivre cette expérience. À cette époque, je n'avais disputé qu'un seul match de Ligue des champions avec la Juve (en 1995-1996), j'avais dix-neuf ans et cette compétition me faisait rêver. À Paris, l'équipe ne jouait pas un football brillant mais la générosité et la solidarité compensaient nos défauts. La défense surtout, avec Pierre-Fanfan, Mendy, Déhu, Heinze, était solide. Paris pouvait lever l'option d'achat avec Cruzeiro, Halilhodzic ne l'a pas fait. Il a dit que je voulais gagner trop d'argent. C'est faux. Je n'ai pas d'agent et personne ne sait mieux que moi comment ça s'est passé. M. Halilhodzic avait posé comme condition que je refuse certains matches
avec la sélection argentine. Mais ça, ça ne se négocie pas. L'équipe d'Argentine est au-dessus de tout. Je ne sais pas si ce sera possible mais j'aimerais rejouer un jour à Paris. J'ai un sentiment d'inachevé. »
L'EXEMPLE DE LILLE. – « C'est une équipe difficile à faire plier. Il y a beaucoup de solidarité et elle finit par user son adversaire. Les Lillois ont un point commun avec nous : celui d'être des novices à ce niveau, même si eux ont déjà participé à la Ligue des champions. On arrive "avec un silencieux" et on est sur le point de sortir des cracks comme MU ou Benfica. C'est un bel exemple pour des footballeurs qui font de la modestie et de l'amitié leurs valeurs de travail. Je ne connais pas le vestiaire de Lille mais, quand on les a en face, on ressent ce genre de choses. C'est pour cela que le match de ce soir sera difficile. Et puis, les Lillois ont sans doute conscience, comme nous, qu'ils vont disputer une finale et que le perdant sera dehors. C'est bon de sentir monter l'adrénaline. »
VILLARREAL ET L'ÉCOLE SUD-AMÉRICAINE. – « C'est curieux comme histoire. Villarreal est une équipe méditerranéenne qui pratique un football venu de l'autre côté de l'Atlantique. En moyenne, nous sommes sept à huit Sud-Américains tous les dimanches, avec une majorité d'Argentins. La greffe hispano-américaine donne de bons résultats. Mais il ne faut pas oublier la touche italienne, avec Tacchinardi. Il apporte peut-être ce qu'on a parfois tendance à oublier sur le terrain : l'agressivité. Parce que notre football à nous reste basé sur le "toque" (Le jeu court à une touche de balle). C'est un peu notre monnaie d'échange, c'est à travers ce football qu'on existe. Aimer le ballon, le caresser, c'est important. On a aussi la chance d'avoir chez nous Roman Riquelme. Quand il n'est pas bien, il y a moins de clarté dans notre jeu. On l'a vu contre Barcelone. Mais Lille n'a pas les mêmes armes que le Barça. Et nous, on a des variantes, d'autres recettes. Villarreal peut être l'équipe surprise de cette Ligue des champions. Personne ne connaît nos limites. Qui aurait misé un peso sur nous au départ ? »
UNE VIE DE NOMADE. – « Je suis passé par huit clubs différents : Argentinos Juniors, Juventus, River Plate, Cruzeiro, Lazio Rome, Barcelone, Paris-SG et Villarreal. Partout, j'ai appris quelque chose. J'ai retenu la leçon de mes erreurs, j'ai écouté les conseils et j'ai réalisé un rêve : devenir footballeur professionnel. Le football m'a permis aussi de me réaliser comme personne. Grâce à lui, j'ai découvert le monde. J'ai traversé des épreuves. À la Lazio, qui ne payait plus les joueurs, j'ai été le seul à faire un procès à l'entreprise propriétaire du club (Ciro), et j'ai gagné. J'ai partagé des émotions et je me suis fait des amis. C'est pour cela que je ne me plains jamais, ni d'une mise au vert, ni d'un voyage en bus, ni d'un match amical. Je suis reconnaissant au football. Il m'a permis de représenter mon pays et j'espère aller le plus loin possible à la prochaine Coupe du monde. Parfois, on me classe aussi comme un intellectuel. Ça m'énerve un peu. Je lis, mais pas trop. J'écris aussi, mais je ne me prends pas pour celui que je ne suis pas. Avec ma femme, nous avons sorti un livre, Grandes chicos (les Grands Enfants), dont la vente permettra de reconstruire deux écoles et un hôpital pour enfants en Argentine. J'ai animé pendant quatre ans des soirées sur une radio argentine (FM La Tribu), où on parlait culture, politique et sports. Mais je refuse l'étiquette d'intellectuel et tous les tiroirs qui classent l'individu, l'empêchent de s'épanouir. La vie n'appartient pas aux intellos ou aux penseurs. La vie, c'est la rue, les gens, le travail. J'aime tout ça. Et le football par dessus tout. »