Publié par Canivo
Plus sérieusement, tu tiens ton rôle de femme, sur le registre de la candeur, et c'est très bien. Je peux essayer de t'expliquer ce qu'est une telle histoire, celle que tu appelles « d'amour », celle que j'appellerais plus volontiers et avec davantage de pudeur « de commodités particulières » (au sens plus ou moins premier des termes).
Effectivement, malgré le côté romanesque que tu ne peux t'empêcher d'y mettre (et c'est très bien) on peut évoquer le mot « histoire ». Je ne vais pas le récuser : une histoire, ça comporte un début et une fin. C'est un peu comme en entreprise. Une collaboration s'annonce en fonction d'une offre particulière. Elle prend fin lorsqu'une meilleure offre point à l'horizon ou que le besoin n'est plus le même. Voilà déjà une notion qu'il me semble important de garder présent à l'esprit. À tout contrat son échéance !
Si j'offre donc ma protection, et des moyens de subsistance à une femme – puisqu'elles en ont besoin – j'obtiens en retour ses services. J'ai payé pour ça, quelque part : c'est un contrat tout ce qu'il y a de plus classique et des plus clairs. Si ses services me déplaisent, eh bien.. je la remercie.
De mon côté, bien sûr, j'ai des engagements. Par exemple, ne pas la frapper avec l'acharnement d'un sauvage ; l'accompagner parfois acheter ses fripes ; l'honorer souvent et, si possible avant toute autre ; tolérer ses petites crises jusqu'à un certain seuil.
À sa charge de rester courtoise ; de bien présenter (qui voudrait se montrer en société aux côtés d'une femme qui manque d'élégance et qui ne sait pas tenir sa langue ?) ; d'être fidèle. Si elle doit disposer en privé de douceur et de fantaisie... il faut également qu'elle accepte les miennes, même lorsque son esprit s'y révolte.
Très grossièrement, voilà donc à peu près ce qui constitue une relation saine.
Enfin, pour évoquer la rupture du « contrat », je dirais qu'avec le temps, j'en suis venu à avoir les démonstrations théâtrales en horreur. Si je le déchire, j'attends d'elle qu'elle s'en aille sur la pointe des pieds.
Nous nous devons de tenir nos rôles de femmes lorsqu'on veut conserver un homme qui s'occupe de nous comme il le faut. Nous ne sommes pas si frivoles que ça, et notre sens du romantisme est nimbé d'une bonne dose de pragmatisme ; celui qui a baissé les yeux sur nos pauvres âmes, a déjà hérité d'une lourde responsabilité - celle de nous guider, de nous conseiller, de nous ouvrir les yeux sur des réalités que nous autres sommes bien peu préparées à affronter.
L'homme lui, a une certaine expérience de la vie, nos journées de femmes se déroulent beaucoup plus lentement - c'est peut-être pour cette raison que nous avons une espérance de vie supérieure ; nous n'avons pas la même endurance aux épreuves de la vie alors les hommes font tout pour nous préserver. Heureusement que nos compagnons sont là, oui, attentifs et forts, la mâchoire volontaire tendue vers l'avenir, le savoir condensé dans le moindre geste de leur main. Un univers unique lorsqu'ils se rasent, fiers et mâles.
Le contrat est simple - pendant qu'il va se tuer à la tâche, nous organisons de notre mieux la maison, pour qu'il puisse s'asseoir après sa journée de dur labeur, devant une table fumante de victuailles, et dressée avec goût. Bien entendu, on peut tomber sur des cas à part, mais en toute circonstances il faut savoir garder sa modestie et baisser la tête, car nous n'en doutons pas - l'homme nous prouvera sa reconnaissance un jour ou l'autre. Des petits cadeaux par exemple, des bijoux ou des jolies choses futiles - parures qui orneront nos peaux, qui assureront à notre image une plus-value évidente. L'homme doit pouvoir nous assumer pleinement, être fier d'être à nos côtés dans la rue ou en société. C'est pour cette raison que les pauvres filles si pimpantes, modernes et pouilleuses, ne démarrent pas très bien dans la vie. Elles sont tellement sûres de leur capacités mentales qu'elle occultent des siècles de traditions de représentation, et c'est le signe évident qu'elles ont perdu trop de temps à se contempler le cerveau dans le miroir / elles ont oublié l'intelligence de la petite robe noire !
Nos esprit donc, ne se révolteront guère à vos petites fantaisies sexuelles ou morales, ou du moins c'est ce que nous vous faisons croire, car vous aimez, et notre science femelle nous l'a soufflé, lorsque nous vous donnons en représentation la souffrance et le tiraillement - mais nous pouvons vous assurer de notre complète complicité quant à ces petits écarts.
Prenez donc une autre femme, nous gardons bien au chaud toute l'affection et la fidélité que vous avez en nous, car même si vos petits écarts sensuels vous font perdre la tête (et n'est-ce pas le propre de l'humain de garder une petite part d'animalité lors de ses transports charnels ?) vous reviendrez sans aucun doute vers notre présence rassurante et paisible. Car vous savez, que nous ne sommes là que pour votre bonheur, et votre quiétude. Un homme aime savoir qu'un être entièrement dévoué l'attend chez lui. Une femme aimante et tout disposée à l'honorer.
Voyez, je fais partie d'une génération de femmes paradoxales - consciente de ses défauts, mais aussi lucide sur l'attitude a tenir pour représenter dignement mon sexe - mais au delà de tout, très vaniteuse - je n'ai pu m'empêcher d'écrire ici, alors que ma moralité me dictait de rester modeste et silencieuse devant votre prose. Alors rassurez-vous, ce n'est pas pour rien que je resterais vieille fille, et je donnerai ce conseil à toutes mes soeurs ici présentes ; taisez-vous et restez humbles, il ne faut pas vous affirmer, c'est en gardant en tête toutes vos qualités exclusives de douceur et de tendresse, d'abandon, que vous parviendrez à garder un homme.