La question que je me pose, et j'y pensais en lisant cette news d'
invasion helvétique de nos villes (en fait l'inverse), c'est :
avons nous fait une bonne chose en supprimant le service militaire ?
Quand bien même l'article du Monde ou les Suisses ne seraient pas facétieux, la réponse est forcément oui - dans les conditions du service militaire d'alors.
Je ne lis pas dans l'avenir, je ne le tiens pas pour acquis et me souviens que certains conflits prennent par surprise, par leur ampleur (je vais citer la Yougoslavie, si proche). La conscription pourrait donc être recevable - à mettre en équation avec la technicité grandissante, les drones et tout ce qu'on veux.
Le truc, c'est que le but de la conscription est de fournir du civil au militaire. Il y a une idée de service, de servir à quelque chose. De renforcer, d'épauler, etc. Or les appelés ne servaient à rien. Du tout. Dix mois, 12 pour les plus vieux, de glande, d'attente, dans des couloirs, dans le réfectoire, dans la cour. Reportant ou annulant leurs projets, pour ceux qui en avaient ; leur entrée dans le monde du travail pour les autres.
Manipuler 3 fois un vieux tromblon, comme disent les défenseurs du service, ça ne faisait pas d'eux des réservistes - on n'aurait pas même osé en affecter un à la surveillance vigi-pirate, pourtant peu mouvementée et inutile.
A défaut de nourrir le corps, je ne peux pas dire que le service nourrissait l'esprit. Le moment d'émulation intellectuel le plus intense que j'ai connu à l'armée, c'était lors du remplissage du qcm lors des 3 jours - encore n'avait-on pas le statut militaire dans cette phase préalable. Pour le reste, c'est-à-dire les chants patriotiques bien lourds, on en avait fait le tour dès le premier jour, après le passage à la tondeuse.
L'objectif annexe était très joli et très respectable : la cohésion des forces de la nation, la rencontre de l'ouvrier et du fils d'avocat qu'allait lier une solide amitié.
Bon. Perso, quand je suis arrivé à la fin des reports possibles pour études, vers 1994, tout ce que j'ai vu dans mon amphi ça a été : la moitié des gens réformés, les autres pistonnés dans des bureaux, des services photos, etc.
La seule rencontre qu'il y a eu au service, ça a été celui du fils d'ouvrier et du fils d'agriculteur.
Quant aux bénéfices annexes, les seuls en fait - z qui passe son permis camion, y l’illettré dépisté -, ils auraient coûté infiniment moins cher en développant les services sociaux ad hoc.
Le service, en gros, ça faisait chier tout le monde. Les militaires de métier les premiers - avec quelle facilité se faisait-on réformer dès le début des années 90, y compris une fois dans les murs : 3 jours en hôpital militaire, quelques cachets et le cauchemar était fini. On pouvait même rentrer chez soi chaque soir en argumentant qu'on ne supportait pas les dortoirs.
Maintenant, réinventer un truc, pourquoi pas. Mais que ça prenne le contrepied de ce qui existait. Que ça serve à quelque chose - pour l'armée comme pour l'appelé.