J'avais un professeur d'histoire et de géographie que tout le collège redoutait. Il avait l'air de ce genre de monsieur d'autrefois, une sorte de français cliché des années 1900 avec sa fine moustache posée sur sa bouche. Dans son cours, personne ne parlait, personne ne chuchotait et écoutait attentivement son cours. Il était très éloquent : l'entendre vous poussez à l'écouter, et l'écouter vous poussez à suivre son cours assidûment, comme un épisode dont on voudrait absolument voir la suite. Il racontait aussi quelques blagues qui passaient malheureusement inaperçues dans la classe mais que je savourais bêtement, essayant de camoufler mon rire entre mes mains au point que mes dents pouvaient transpercer la peau qui recouvre mon poignet, des blagues qui oscillaient entre le sarcasme, la dérision et une sorte d'humour noir. J'avais de l'admiration pour cet homme : un homme équilibré et savant qui a bien vécu. Il était même mon voisin, que je ne manquais pas de saluer au loin lorsque je passais devant chez lui à bord de mon vélo. Il est maintenant décédé lors de son traitement contre le cancer des poumons alors qu'il ne fumait pas à ma connaissance, je ne pourrai jamais le revoir.
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