Conseillez-moi quelques bons romans francais

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J'aime Céline, mais je ne suis pas sectaire. Quand Charles Dantzig le critique, il le fait sur la base de son écriture, il prétend que son caractère profondément novateur est une légende. Je ne suis pas d'accord, mais ça reste dans le débat littéraire.

Le problème c'est ça:

Citation :
Publié par Victhor
un dangereux antisémite
Premièrement, mais là c'est un avis personnel, c'est ne pas bien cerner le profil psychologique de Céline, qui déteste le groupe mais ne ferait pas de mal à une mouche, qui va crier haut et fort qu'il déteste les soviétiques ou les juifs alors qu'il est médecin des pauvres, à l'écoute du malheur des gens dans la vie réelle. C'est un provocateur (il se moque d'Hitler dans un dîner à Paris, chez Otto Abetz) mais aussi un hyper-sensible. Mais bon là encore mes propos sont subjectifs.


Par contre, tu dis que tu ne veux pas le déconseiller aux gens, mais qu'il faut le mettre entre des mains avisées, en connaissance de cause etc. C'est juste un grade de moins sur la même échelle, celle de la censure morale. Une oeuvre d'art est une oeuvre d'art, on ne la juge pas en fonction des opinions de son auteur.

Et c'est là que la question des pamphlets se sépare du reste: les pamphlets sont des écrits polémiques, non pas à visé littéraire mais politique. Et c'est là qu'on peut sans se gêner combattre les thèses de Céline.

Je pense en plus que les personnes qui, comme toi Victhor, diabolisent Céline desservent la cause qu'ils croient défendre. Parce que l'immense majorité de ses lecteurs qui l'admirent pour des raisons honorables vont être agaçés tandis que les vrais abrutis antisémites vont être confortés dans leur adulation par le souffre qui entoure le personnage.

Malheureusement, le silence méprisant est bien pire. Le cas est flagrant avec Rebatet: sous l'occupation, en tant que journaliste engagé, il va vilipender les juifs dans toutes les tribunes qui lui sont offertes, défendre l'indéfendable. Après la guerre, en tant qu'écrivain, sans aucun rapport avec ses opinions, il va écrire un TRES grand roman: Les deux étendards. Or personne ne le lit!
Citation :
Publié par balal
Premièrement, mais là c'est un avis personnel, c'est ne pas bien cerner le profil psychologique de Céline, qui déteste le groupe mais ne ferait pas de mal à une mouche, qui va crier haut et fort qu'il déteste les soviétiques ou les juifs alors qu'il est médecin des pauvres, à l'écoute du malheur des gens dans la vie réelle. C'est un provocateur (il se moque d'Hitler dans un dîner à Paris, chez Otto Abetz) mais aussi un hyper-sensible. Mais bon là encore mes propos sont subjectifs.
Tu as le droit de penser ce que tu veux de Céline ; moi, je me contenterai de rappeler que Céline a été condamné à la Libération : la justice a tranché sur ce point ; c'est pas moi qui le dit.


Citation :
Publié par balal
Par contre, tu dis que tu ne veux pas le déconseiller aux gens, mais qu'il faut le mettre entre des mains avisées, en connaissance de cause etc. C'est juste un grade de moins sur la même échelle, celle de la censure morale. Une oeuvre d'art est une oeuvre d'art, on ne la juge pas en fonction des opinions de son auteur.
Ce que tu dis est valable pour certaines œuvres délibérément "impersonnifiées" (le terme est de Mallarmé, c'est pas un hasard), mais pas pour toutes les œuvres, surtout celles à qui on accorde un rapport autobiographique.
Et c'est le cas de Céline : Céline met une part d'autobiographie certaine dans ses romans, donc tenter une quelconque analyse en faisant comme si l'auteur n'avait rien à voir avec ce qu'il a écrit n'est pas cohérent.

Citation :
Publié par balal
Et c'est là que la question des pamphlets se sépare du reste: les pamphlets sont des écrits polémiques, non pas à visé littéraire mais politique. Et c'est là qu'on peut sans se gêner combattre les thèses de Céline.
Là encore : non.
Ce serait bien pratique si on pouvait effacer les pamphlets antisémites céliniens de son œuvre littéraire.
Mais ce n'est pas le cas.
Toute œuvre littéraire se définit avant tout par rapport à un genre bien particulier.
Il y en a quatre : le genre narratif, le théâtral, le poétique et l'argumentatif.
Sans aucun doute possible, les pamphlets célinines s'inscrivent dans le genre argumentatif ; ils appartiennent donc à "la Littérature".
Citation :
Publié par Victhor
Ce que tu dis est valable pour certaines œuvres délibérément "impersonnifiées" (le terme est de Mallarmé, c'est pas un hasard), mais pas pour toutes les œuvres, surtout celles à qui on accorde un rapport autobiographique.
Et c'est le cas de Céline : Céline met une part d'autobiographie certaine dans ses romans, donc tenter une quelconque analyse en faisant comme si l'auteur n'avait rien à voir avec ce qu'il a écrit n'est pas cohérent.
L'autobiographie du pire des salauds, voire même d'un criminel, peut donner quelque chose d'extrêmement intéressant à lire.
La justice à la libération, c'était loin du procès équitable: d'un côté il fallait satisfaire les résistants avec des verdicts sévères, des peines exemplaires (peine de mort pour Brasillach) pour éviter un épuration sauvage. Historiquement c'était certainement justifié, mais faut pas venir me parler de principe de contradictoire ou d'égalité des armes dans des procès politiques, sur des faits encore chauds.


Quand j'ai dit que les pamphlets n'étaient pas littéraires, je n'utilisais pas le mot dans le sens jargon d'universitaire dans une classification des genre d'énoncés, mais dans le sens courant c'est à dire artistique. Par exemple ce serait totalement inepte de dire que J'accuse de Zola est mal écrit, et sans pertinence de prétendre que les Rougons-Macquart sont une glorification idéologique de la classe ouvrière (opinion d'ailleurs fausse -si une thèse est a dégager de la saga c'est plutôt celle du déterminisme qu'il soit atavique ou social- mais répandue dans les milieux conservateurs de l'époque).

Si tu me dis qu'on peut critiquer de la même façon un essai de Caroline Fourest et un roman d'Anatole France, alors c'est sur qu'il n'y aura pas de débat vu qu'on part pas avec les mêmes présupposés.
Citation :
Publié par Victhor
...
Je ne comprends pas. Tu appelles au débat et à la discussion des arguments. Je suis surpris, il me semble l'avoir fait. Dès lors, pourquoi, ou tout du moins, où est ce que je confonds tout ?

N'essai pas non plus de me rabaisser en sous entendant que je ne connais Céline que par Wikipédia. Si j'admets qu'il me reste certainement beaucoup de chose à connaître sur lui et sur son oeuvre, et parce que je ne suis pas titulaire d'une maitrise de lettres, ce qui, je le reconnais -et je m'y attendais- donne une légitimité à tes propos que n'ont pas les miens, j'ai tout de même beaucoup lu, regardé et écouté Céline et les gens qui en parlaient, et je me suis fait ma propre idée.

Ne prends pas non plus comme postulat que je ne l'ai pas étudié. Je ne l'ai certainement pas étudié comme tu as pu le faire, mais je ne lis pas simplement pour lire. Une lecture est systématiquement accompagné d'une étude. Pas forcément le surligneur à la main, mais le cerveau en alerte à minima. J'ai l'impression que le différend porte finalement plus sur le conseil de la lecture de Céline à Moustache, chose que je rappelle, j'ai recadré, puisque lorsqu'il a été évoqué Le Voyage, j'ai plutôt proposé Casse-Pipe, livre d'une centaine de pages, qui permet de se familiariser avec le style. Dans Casse-Pipe, on est dans l'antimilitarisme, loin de toutes considérations raciales.

Moustache évoque Céline au début. Il a vraisemblablement envie de le lire. A partir de là, j'ai plutôt envie de lui donner des aides que de le dégouter. Il me semble nécessaire de se confronter au style, qui n'est pas ordinaire. C'est un risque dans Céline que de ne pas accrocher au style. Dès lors, toute considération sur le fond est inutile, puisque la forme limitera d'emblée la compréhension.

Au sujet du mot nègre, j'insiste, Sartre utilise le mot nègre, Gide utilise le mot nègre. Ce sont les contemporains de Céline. Plus récemment, Tournier aussi (tiens, bien Tournier aussi en lecture) et Le Clézio j'en mettrais ma main à couper. On ne peut pas dire d'un écrit qu'il est raciste juste pour la présence du mot nègre. Ou alors, il faut considérer que Sartre, Gide, Tournier et des dizaines d'autres sont racistes, ou tout du moins ont dans leur bibliographie des écrits racistes. Et tous les dictionnaires que j'ai consulté -en ligne- semblent indiquer qu'il s'agit, au début du XXème de la désignation générale des noirs. La dimension péjorative admise ne vient qu'à la fin du XXème. Bon, mon Littré est malheureusement stocké chez Papa/Maman.

Quant aux pamphlets, non je ne les ai pas lu, et la réédition dont tu parles est quand même très confidentielle (5000 exemplaires) et édité au Paraguay . Globalement, ils ne m'interessent pour le moment pas, je cherche actuellement autre chose dans mes lectures, mais j'y viendrais, et certainement avec le même dégout que toi. Mais pour moi, Céline est un génie provocateur qui a joué avec le feu et s'est brulé.

Bon après, je suis désolé, mais je trouve tes tournures de phrases méprisantes à mon encontre. Tu réclames des arguments, en voila, ils sont bons, ils sont mauvais, libre à toi d'en juger, mais présentement tu ne me réponds rien d'autre que "tu es relou, tu confonds tout". Personnellement, je comprends "tais toi abruti". Ça ne me donne pas envie de continuer. Si tu estimes que je me trompe, reprends moi sur les points en question. Si par hasard mon ressenti était correct, il n'est pas nécessaire que nous étendions la discussion.

Et Céline condamné, puis Céline amnistié hein. Comme tout le monde ou presque.
Citation :
Publié par Victhor
Donc tu vois, Céline, on peut le lire, mais si on le conseille, il faut avertir, donner des précisions.
En même temps, ça fait dix pages, là, je crois que c'est bon, le message est passé.
Et okay, on est sur un forum de jeux en ligne, avec une moyenne d'âge pas forcément élevée, mais quand même le côté un peu sulfureux de Céline, c'est un peu de la culture générale, hein. Je suis d'accord que Céline doit être pris avec des pincettes (il se trouve que je suis présentement en train de lire Voyage, et je trouve le livre violent voire parfois à la limite de l'insoutenable dans les idées amenées, et clairement, je le déconseillerais vivement à n'importe quelle personne de moins de vingt ans, aussi mature soit-elle, mais nettement plus pour le côté nihiliste que raciste), mais que je sache, il n'a jamais été interdit en France, non plus. Soit-dit en passant, je trouve ça fort de mêler les pamphlets antisémites qu'il a écrit après Voyage et s'en servir de base pour critiquer Voyage.

Accessoirement, relis tes premiers posts, tu déconseilles manifestement Céline. Conseil ou pas.

J'ajouterai que personnellement, je trouve ça profondément idiot de baser ses critères de lecture en se basant sur le comportement réel de l'auteur. C'est faire preuve d'un manichéisme primaire, en plus d'insulter le lecteur qui va tout lire au premier degré et est décidément trop stupide pour se forger sa propre opinion. Surtout quand tes réponses sont aussi méprisantes envers les autres posteurs.

Messire Moustache : le théâtre n'est pas forcément difficile, et certaines pièces sont très faciles à lire. Le théâtre a évolué, et n'est plus systématiquement en vers depuis longtemps, si jamais.
Message supprimé par son auteur.
Le Monstre, si tu veux discuter, ça ne me pose aucun problème.
Pour l'emploi du mot "nègre", puisque me semble-t-il c'est le dernier point de désaccord : tu peux consulter le TLFI, très bon dictionnaire en ligne, un des seuls valable. Il explique très bien le caractère polémique du terme à l'époque de Céline ; au passage, Voyage au bout de la nuit, c'est 1932, le contexte idéologique teinté de racisme est plus que marqué en Europe.
Ensuite, je n'ai pas dit que Céline était raciste parce qu'il emploie le terme "nègre" ; effectivement, le terme est employé par d'autres auteurs et ça ne les rend pas racistes pour autant.
ça rejoint ce q'on disait un peu plus haut à propos du fameux "je est un autre" ; c'est-à-dire que de manière générale, on admet que ce qu'écrit un auteur n'est pas obligatoirement ce qu'il pense. En l'occurrence ici, c'est pas parce qu'un auteur emploie un terme raciste qu'il est raciste. Quelqu'un parlait d'Aragon, il est passé maître dans ce qu'on a appelé le "mentir-vrai", c'est-à-dire que quand on le lit, on a l'impression qu'il parle de lui, de sa vie, mais c'est complètement faux.
Donc, en général, oui, "je est un autre".
Sauf lorsqu'on a trait à l'autobiographie ; c'est à dire que l'auteur se projette dans son oeuvre.
Et c'est le cas pour Céline -j'ai déjà développé plus haut-, Bardamu et Céline sont plus que proches.
Du coup, quand un auteur qui trempe dans l'autobiographie emploie des termes racistes, c'est plus problématique et on doit chercher dans sa vie des éléments ; et malheureusement pour Céline, ses idées n'étaient pas très glorieuses en matière de "racisme".

Voilà.
Maintenant pour répondre clairement, non, je ne conseille pas de lire Céline, d'une, parce que ses idées sont nauséabondes et de deux, parce que son style n'est fondé que sur la provoc', le trash et la violence. ça peut plaire, bien entendu, mais si on est vraiment honnête, d'un point de vue littéraire, c'est très limité.
Pour autant, si quelqu'un souhaite lire Céline, je ne lui déconseillerai pas, mais je lui préciserai quelques points primordiaux ; libre à lui d'en faire ce qu'il veut. C'est là toute la différence.

Lwevin Myan, je n'ai qu'une chose à te conseiller, c'est de passer à 50 messages par page.
Pour le style de Céline après le Voyage, il y a ce petit reportage où quelques pages d'Un Château l'Autre sont lues à partir de 3min 25 (roman décrivant sa cavale à travers l'Europe en compagnie des fuyards nazis et collabos, ici au château de Siegmaringen):


... et c'est quand même fantastique, avouons-le: ce type a littéralement retourné la langue française à une époque où les auteurs se perdaient à imiter Proust et son style bourgeois.
Citation :
Publié par Victhor
Nous trinquâmes à sa santé sur le comptoir au milieu des clients
noirs qui en bavaient d'envie. Les clients c'étaient des indigènes assez
délurés pour oser s'approcher de nous les Blancs, une sélection en
somme. Les autres nègres, moins dessalés, préféraient demeurer
à distance. L'instinct. Mais les plus dégourdis, les plus contaminés,
devenaient des commis de magasin.
Il n'osait pas entrer le sauvage. Un des commis indigènes l'invitait
pourtant : « Viens, bougnoule ! Viens voir ici! Nous y a pas bouffer
sauvage ! » Ce langage finit par les décider. Ils pénétrèrent dans la
cagna cuisante au fond de laquelle tempêtait notre homme au
« corocoro ».
C'était la première fois qu'ils venaient comme ça tous ensemble de
la forêt, vers les Blancs en ville. Ils avaient dû s'y mettre depuis bien
longtemps les uns et les autres pour récolter tout ce caoutchouc-là. Alors
forcément le résultat les intéressait tous. C'est long à suinter le
caoutchouc dans les petits godets qu'on accroche au tronc des arbres.
Souvent, on n'en a pas plein un petit verre en deux mois.
Pesée faite, notre gratteur entraîna le père, éberlué, derrière son
comptoir et avec un crayon lui fit son compte et puis lui enferma dans le
creux de la main quelques pièces en argent. Et puis : « Va-t'en! qu'il lui a
dit comme ça. C'est ton compte !... »
Tous les petits amis blancs s'en tordaient de rigolade, tellement il
avait bien mené son business. Le nègre restait planté penaud devant le
comptoir avec son petit caleçon orange autour du sexe.
« Toi, y a pas savoir argent? Sauvage alors? que l'interpelle pour le
réveiller l'un de nos commis, débrouillard, habitué et bien dressé sans
doute à ces transactions péremptoires. Toi y en a pas parler « francé
» dis ? Toi y en a gorille encore hein ?... Toi y en a parler quoi hein ? Kous
Kous ? Mabillia ? Toi y en a couillon ! Bushman ! Plein couillon !
Le père nègre hésitait à s'en aller avec ce mouchoir. Le gratteur fit
alors mieux encore. Il connaissait décidément tous les trucs du
commerce conquérant. Agitant devant les yeux d'un des tous petits Noirs
enfants, le grand morceau vert d'étamine : « Tu le trouves pas beau, toi,
dis morpion ? T'en as souvent vu comme ça, dis ma mignonne, dis
ma petite charogne, dis mon petit boudin, des mouchoirs ? » Et il le lui
noua autour du cou, d'autorité, question de l'habiller.
Toute la petite tribu, regroupée, silencieuse, de l'autre côté de
l'avenue Faidherbe , sous le magnolier, nous regarda finir notre
apéritif. On aurait dit qu'ils essayaient de comprendre ce qui venait de
leur arriver.
C'était l'homme du « corocoro » qui nous régalait. Il nous fit
même marcher son phonographe.
Je n'ai rien lu de Céline, je ne pense rien de lui, de son style et de ses idées.

Je réagis car après 3 lectures de ce passage, je ne vois pas en quoi il véhicule des idéaux racistes. Au contraire, mon sentiment est que cet extrait est une condamnation du racisme et du colonialisme. Les sauvages de cet extrait ne sont pas ceux qui sont nommés ainsi, ça me saute au yeux à chaque lecture.
Message supprimé par son auteur.
Citation :
Publié par Opercule
Heureusement que je ne base pas mes choix en matière d'art en fonction de qui aime ou n'aime pas mon pays. Quel égocentrisme!
Citation :
Publié par Zaidz
C'est flagrant mais Victhor fais semblant de ne pas voir. Et on sait tous pourquoi.
Ah bon ? C'est de l'ad hominem ou c'est quelque chose qui apparaît dans ses propos ? Perso, je ne le perçois pas.

J'essaye autant que possible d'évaluer un texte en fonction de son contenu et d'une lecture "sans a priori". En l'occurrence, nous, lecteurs du 21eme siècle, abreuvés à foison de messages style " le racisme, c'est pas bien, bouh !!", effectivement, nous avons tous le recul pour évaluer la teneur du texte, et nous permettre de le considérer comme une caricature. Mais dans un tout autre contexte, je doute fortement.

Et de fait, en m'en tenant uniquement au texte, sans aucune considération ni de l'auteur, ni de l'époque, ni de mon vécu/mes connaissances... Bah je persiste, rien ne m'indique une position sur le sujet. La narration ne nous aide clairement pas à situer la vision de l'auteur. L'absence de critique est une chose, mais il n'y a même pas de position "neutre" (sauf lors des parties descriptives), le narrateur conserve le vocabulaire péjoratif du personnage décrit, et admire le travail de négociateur.

Donc, à la vue de ce seul texte, je suis purement incapable de dire si l'auteur croit en ces idéaux ou pas, au mieux puis-je lui laisser le bénéfice du doute. Je suis le premier à prôner l'analyse contextuelle des faits, mais lorsqu'il s'agit d'une oeuvre littéraire qui se veut un classique, le minimum que je demande, c'est de véhiculer un message clair et compréhensible quel que soit le lecteur et le moment où il est lu. Et là, ce n'est pas le cas.
Hé bien! Je m'absente deux jours et y'en a qui en tirent des conclusions bien présomptueuses...
Désolé les gars, je vais vous décevoir en répondant.

Tous d'abord, ce que dit keram est extrêmement important : pour évaluer un texte, il faut savoir le contextualiser :
- par rapport à son époque
- mais aussi pas rapport à son auteur.
Parfois, c'est très compliqué.
Par exemple, il y a un texte très connu et très utilisé quand on veut prouver ce phénomène : c'est le texte de texte de Montesquieu « De l’esclavage des nègres » dans L’Esprit des lois.
Une lecture même attentive peut faire penser que Montesquieu cautionne l'esclavage ; une explication du texte prouve le contraire.

Et là, dans le cas qui nous intéresse, c'est pas si vieux que ça -75 ans en gros-, et pourtant, c'est compliqué.
Sans doute parce que le texte a été écrit avant la seconde guerre mondiale ; depuis, certains propos sont considérés sous un angle différent.
Mais ici, ce qui est compliqué à percevoir dans une lecture cursive/plaisir, ce sont les intentions, les pensées du narrateur.
Il faut donc reprendre les choses dans l'ordre : le personnage, c'est Bardamu, c'est lui qui parle qui décrit et c'est le double romanesque de Céline, on l'a vu.
De ce fait, on doit faire attention au narrateur et à ce qu'il nous livre.
Il présente les colonisateurs sous un jour bien peu flatteur ; c'est vrai.
De ce fait, on peut même dire qu'il dénonce la colonisation.
Mais ensuite, il faut se demander où il se situe par rapport à cette attitude qu'il dénonce.
Observons le texte :
Il parle des "noirs" qui tentent de s'intégrer, il parle des "nègres" qui par "instinct", restent loin des blancs -comme des animaux sauvages-.
Et puis il y a des phrases telles que : "Il n'osait pas entrer le sauvage." Qui dit ça?
Pas un colonisateur ; c'est le narrateur.
Le terme est violent et prive l'être humain de tout humanisme justement.
Céline a beau présenter dans ce texte les "Blancs" comme des pourris, il est avec eux et emploie les mêmes termes dégradants qu'eux ; sans forcément s'en rendre compte d'ailleurs.

Voilà, pas besoin de développer davantage : pour percevoir Céline, il faut chercher le narrateur.
Alors oui, le texte est tellement violent qu'on finit par s'y perdre et à oublier qui est pourri parmi les pourris.
Et c'est là que je répète ce que je dis depuis le début : Céline peut être mal interprété. Il faut donc prendre ses écrits avec beaucoup de précautions.
Je pense que le fait que Céline était raciste ne fait pas vraiment débat.
Après on peut par contre discuter de la question : est-ce qu'une pourriture peut être par ailleurs un grand écrivain et mérite-t-il d'être étudié ? A mon avis oui, mais ça n'est qu'une opinion générale, non spécifique à Céline. Je ne suis pas assez calé en littérature pour juger des qualités littéraire du monsieur.
Citation :
Publié par Opercule
Je rejoins balal sur Houellebecq, Particules Elémentaires est un excellent livre, intelligemment critique de nos sociétés post-modernes. Le reste de sa production est en revanche clairement destiné à plaire à l'idéologie dominante parisienne dans son islamophobie, voire dans cette fausse audace qu'est la pédophilie et l'apologie du tourisme sexuel.

Il est tombé dans ce qu'il avait lui-même pressenti de sa personne, à savoir la satisfaction d'avoir enfin pu échapper au monde du travail (ce que je comprends par ailleurs) pour ne plus risquer d'y retourner par manque de déférence à l'égard du pouvoir.

Passer à côté de ce premier succès est néanmoins une erreur car Les Particules Elémentaires est un vrai bon livre.
Perso, c'est le seul bouquin de Houellebcq que j'ai lu et je dois dire que je l'ai trouvé complètement nul. Il se donne un style bien pédant en y faisant énormément référence à la génétique et le problème c'est qu'il n'y connait rien et du coup, en tout cas pour moi, l'ensemble du bouquin perd sa crédibilité.
Je pense que lorsque Céline parle du sauvage, c'est consciemment qu'il utilise le langage des colons. Il montre que les blancs d'Afrique, qui considèrent le noir comme un sauvage, ne s'aperçoivent pas que de son coté, le simple "nègre" a lui au moins assez d'instinct pour distinguer leurs vices.

En gros la thèse, c'est le vrai sauvage n'est pas celui qu'on croit. Mais après, on est chez Céline, faut pas s'attendre à de la dénonciation bisounours indignée, genre "regardez les vilains colons, comme ils font du mal à ce brave noir exploité".
C'est un auteur qui déteste les hommes, mais qui est sensible à l'injustice. Si on part de là, on peut très bien dénoncer le système colonial et l'arrogance des blancs, en se foutant de la gueule du noir éberlué avec son pagne. Il n'idéalise pas l'autre, qu'il trouve aussi ridicule que le reste du genre humain
Citation :
Publié par Borh
Je pense que le fait que Céline était raciste ne fait pas vraiment débat.
Après on peut par contre discuter de la question : est-ce qu'une pourriture peut être par ailleurs un grand écrivain et mérite-t-il d'être étudié ? A mon avis oui, mais ça n'est qu'une opinion générale, non spécifique à Céline. Je ne suis pas assez calé en littérature pour juger des qualités littéraire du monsieur.
Y'a aucun doute là-dessus : c'est pas parce que quelqu'un est une pourriture qu'on ne doit pas l'étudier.
Bien au contraire, je dirais même, plus l'auteur est pourri, plus il faut l'étudier pour le comprendre et éviter que sa pourriture ne soit perçue autrement car mal comprise.

@ balal : oui, je suis d'accord : Céline déteste les hommes.
Il critique donc les "Blancs" ; mais il tient aussi, de ce même fait, des propos racistes envers les "noirs".
Citation :
Publié par keram

Et de fait, en m'en tenant uniquement au texte, sans aucune considération ni de l'auteur, ni de l'époque, ni de mon vécu/mes connaissances... Bah je persiste, rien ne m'indique une position sur le sujet.
C'est un artiste pas un politique. pourquoi devrait-il préciser ce qu'il en pense?

Comme disait Céline: "Je ne m'intéresse pas aux gens, je m'intéresse aux choses".
La chose ici c'est le colonialisme, sans fioritures. A toi d'en penser ce que tu veux, tu n'es pas un petit garçon qui a besoin d'être pris par la main.
Citation :
lorsqu'il s'agit d'une oeuvre littéraire qui se veut un classique, le minimum que je demande, c'est de véhiculer un message clair et compréhensible quel que soit le lecteur et le moment où il est lu. Et là, ce n'est pas le cas.
Et heureusement sans cela ce serait de la propagande. J'aime être libre en tant que lecteur et ne pas avoir l'impression que l'auteur essaye de faire passer tel ou tel message. Le truc amusant avec les grands artistes est qu'en restant humbles dans leur art (supposément apolitiques donc), ils font passer tout ce qu'ils veulent... et c'est là leur force.

Citation :
Publié par Victhor
Et puis il y a des phrases telles que : "Il n'osait pas entrer le sauvage." Qui dit ça?
Pas un colonisateur ; c'est le narrateur.
Le terme est violent et prive l'être humain de tout humanisme justement.
Bah oui c'est le but. Céline était un pacifiste, dégouté par la guerre suite à sa participation à celle de 14-18.
Je ne me souviens plus de la citation exacte mais il dit à un moment en parlant d'une scène d'après bataille: Les cavaliers morts gisant par terre, les chevaux des deux camps se rassemblent... "C'est pas nous qu'on en ferait autant!"
Pour Céline l'homme (blanc/noir peu importe) est un barbare. Aussi quand il parle des négres, c'est bien un colon qu'il incarne (et si c'est lui dans le sens où il serait raciste anti noir, il en dit autant sur les occidentaux. Est-ce plus acceptable selon toi? Si tu catégorise les propos racistes alors tu es toi aussi raciste à ta manière).

En fait je pense qu'à l'image de keram, tu aimerais qu'il soit définissable pour pouvoir le juger. Mais il se s'est jamais laissé enfermer, même dans les pamphlets antisémites où il fustige autant les européens selon lui à la solde des juifs que les juifs eux-mêmes. (la scène à la SDN est à ce titre magistrale).
Citation :
Publié par Victhor
Céline a beau présenter dans ce texte les "Blancs" comme des pourris, il est avec eux et emploie les mêmes termes dégradants qu'eux ; sans forcément s'en rendre compte d'ailleurs.
Est-ce une blague?

Sors-toi des catégories non choisies (noir, blanc, juif) car cela n'a aucune importance. Leurs actes suffisent et à ce titre, il n'y en a pas un pour rattraper l'autre.
Pourquoi préciser ? Du tac-au-tac, je dirais : pour que ses défenseurs ne montent pas systématiquement au créneau quand on ose affirmer qu'il est tout à fait possible d'y voir une apologie du phénomène décrit : une "banale" scène de négociation blancs-noirs (je change les termes volontairement) avec la dose de mépris qui va bien.

Quand on balance les faits, sans grille de lecture, il n'est pas étonnant qu'on se retrouve dans des situations où chacun voit midi à sa porte. Et je suis effectivement "grand" parce que j'ai mon vécu, ma vision des relations humaines, mon conditionnement culturel, mon époque et (soyons fous) mon esprit critique.

Place le même texte dans d'autres mains, et tu n'auras probablement pas la même lecture. Je n'ai rien contre le fait qu'il soit ambigu, mais si on considère que c'est sa force, il faut aussi accepter ses travers.

Victhor ne les cautionne pas du tout, et moi, sans porter de jugement, j'affirme que ce manque de clarté est problématique.
Le problème reste de savoir pourquoi tu t'intéresse tant à sa personne quand le propos est lui porteur de nombreuses questions sur l'homme blanc ou l'homme en général, le colonialisme, le racisme, etc.
Citation :
j'affirme que ce manque de clarté est problématique
La violence des termes rend le propos au contraire tout à fait clair. Le fait qu'on accepte ou non cette terrible réalité est un problème que le lecteur doit régler avec lui-même et non avec l'auteur.

edit: c'est un peu comme si un auteur contemporain venait te parler de la guerre en Irak via un marine américain vantant les 800 000 morts, Falloujah, Abou graïb et j'en passe. Dans ce contexte, quel type de personne serait insupporté par le dit-auteur? Les racistes anti-arabes ouvertement colonialistes ou ceux qui veulent continuer de voir dans cette attaque une "démocratisation humaniste" de la zone?

Moi qui ne suit dans aucun des deux camps, je trouverais cette forme de récit d'une pertinence totale (et les premiers la trouveraient évidemment très sympathique mais leur cas ne m'intéresse pas vu que leur position sur la question est assumée. Les autres par contre...).
Citation :
Publié par Opercule
Et heureusement sans cela ce serait de la propagande. J'aime être libre en tant que lecteur et ne pas avoir l'impression que l'auteur essaye de faire passer tel ou tel message. Le truc amusant avec les grands artistes est qu'en restant humbles dans leur art (supposément apolitiques donc), ils font passer tout ce qu'ils veulent... et c'est là leur force.
C'est sur ce point précis que ta réflexion n'est pas claire : tu considères que c'est toi, lecteur, qui détermines le sens des textes.
C'est une conception littéraire qui n'est valable que lorsque l'auteur laisse des blancs -et certains auteurs laissent des blancs afin de faire "participer" le lecteur-.
Mais chez Céline, ce n'est absolument pas le cas.
Céline nous livre une conception misanthropique, on va dire, dans le sens où il haït l'homme. Oui.
Mais à un moment, il va falloir que tu ailles au bout du raisonnement et que tu expliques en quoi le fait que Céline déteste tous les hommes rend plus acceptable le fait qu'il présente les noirs comme des animaux.

Tu essayes de me faire passer pour un "raciste à ma manière" ; admettons.
En tous cas, j'assume le fait d'être plus révolté par la vision que Céline à des noirs que celle qu'il a de blancs colonisateurs (dont il fait partie) qui traitent les noirs comme des animaux.
Sachant, on est bien d'accord que Céline déteste autant les uns que les autres.

Très sincèrement, tu ne te rends même pas compte que le terrain sur lequel tu te promènes et que tu défends bec et ongles est miné ; relis ce que tu as écrit ici :
Citation :
tu aimerais qu'il soit définissable pour pouvoir le juger. Mais il se s'est jamais laissé enfermer, même dans les pamphlets antisémites où il fustige autant les européens selon lui à la solde des juifs que les juifs eux-mêmes. (la scène à la SDN est à ce titre magistrale).
Tu penses prouver quoi là?
Parce que ton argument, encore une fois, c'est que Céline déteste tout le monde donc il ne déteste personne ; mais au final, ça te pète au nez car tu dis : Céline "fustige autant les européens selon lui à la solde des juifs", -ce qui correspond à faire preuve d'antisémitisme- "que les juifs eux-mêmes" -ce qui correspond aussi à faire preuve d'antisémitisme-.


C'est marrant, ta réflexion me fait tout à coup penser à L'inspecteur Harry qui est passé hier soir : L'inspecteur Harry adopte exactement la même vision que celle de Céline et que tu défends : "Il n'a pas de pré*fé*rence. Il dé*teste tout le monde : les juifs, les mé*tèques, les an*gliches, les Ir*lan*dais, les né*gros, les chi*ne*toques, les japs, faites votre choix".
Pour moi, ça en fait un facho, pour toi, ça remet les compteurs à zéro.
Alors ensuite, j'aime bien le film, mais j'ai consience du fait que le "héros" est un facho.
@Opercule : J'allais pondre un énième pavé sur nos divergences de vues mais... Elles ne sont en fait pas si fortes que ça, explications : ta première partie répond à tout.

Tu trouves l'oeuvre intéressante car elle soulève des questions. Pour ma part, j'ai déjà suffisamment de questions dans le crâne ( et notamment celles concernant l'homme et sa nature) pour ne pas ressentir le besoin de trouver d'autres sources de cogitation. D'où ma position, car je préfère les oeuvres qui donnent des réponses, ou qui essayent. Celle-ci n'en fait pas partie.

Du coup, je pense que nous sommes d'accord pour considérer que l'oeuvre présente un intérêt (je pense ne l'avoir jamais nié) mais que l'approche du lecteur fait qu'il a envie de la lire, ou pas.

Pour le côté "dangereux", le conseil le plus pertinent à donner, ce serait quelque chose du genre : "Attention, source de réflexion (brutale ?), l'auteur ne peut pas être tenu responsable des interprétations que vous en ferez". Néanmoins, que de pirouettes intellectuelles pour justifier la lecture d'une oeuvre...

Edit @ Victhor : mine de rien, ta réflexion sur l'inspecteur Harry rejoint un peu ma dernière partie. Sachez à qui/quoi vous avez à faire, et interprétez en conséquence...
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