Si tu trouves à la réflexion que ça change "un peu" quelque chose, ok, pourquoi pas discuter de l'intérêt de la chose.
Mais déjà rappelle-toi que c'est une adaptation. Un changement mineur n'a donc pas absolument à être légitimé… L'auteur des livres chie allègrement sur les jeux, qui lui rapportent beaucoup, et pourtant je vois pas grand-monde hurler aux changements désastreux du jeu.
Je ne sais pas pourquoi le format jeu échappe à cette exigence de perfection de l'adaptation qu'on voit souvent pour la TV.
Le truc c'est que là, changement important ou pas, je comprends tout à fait que l'enjeu de féminisation prenne le pas sur de micro-personnage à peine secondaires, dans notre société où la réaction devient de plus en plus virulente face à l'égalité réclamée par les femmes.
La différence fondamentale entre les jeux et la série, c'est que les jeux ne sont pas une adaptation, mais une suite non officielle. C'est l'équivalent des nombreuses fan fictions se déroulant après le sixième Star Wars (avant le rachat par Disney). Du coup, on se demande si l'histoire est cohérente par rapport à ce qui précède, mais tout ce qui est créé est nouveau, original, donc on ne peut pas faire de comparaison directe.
À l'inverse, la série est extrêmement proche des livres. Cela m'ennuie d'ailleurs pas mal parce que du coup, je peux anticiper tout ce qui arrivera (Duny, le dragon, etc.) Quelques variations ne changent rien à cela. En soi, j'aurais préféré qu'ils repartent de zéro et créent une toute nouvelle histoire, un peu comme ce qu'a fait Marvel pour ses films ou CD Projekt pour ses jeux.
Sauf que ce n'est pas le choix effectué par Netflix. Ils sont très proches des livres, au point qu'il est possible de comparer certaines nouvelles avec certains épisodes. Je trouve que les nouvelles sont souvent plus intéressantes et que les changements altèrent la qualité de la série, avec pour seul argument une féminisation du casting (ce qui n'est pas pour moi une qualité. C'est neutre si c'est fait de manière non intentionnelle et négatif si c'est fait de manière volontaire).
C'est un peu comme comparer deux variantes d'une même recette, extrêmement proche. Si l'une change un seul ingrédient et est moins bonne, on s'interroge forcément sur ce choix.
Super. Et tu crois qu'on arrive à ça par la marche naturelle de notre vertueuse société ?
Bien sûr que non, c'est seulement par un long, très long travail, qui est encore très loin d'aboutir, et dont la représentation fait partie.
Tu es peut-être parfaitement conscient de la sournoiserie de ton langage, peut-être pas du tout. Donc je préfère te signaler que tes propos sont assez proches d'un "non mais je suis totalement contre le racisme, la preuve j'ai un ami noir, c'est juste pas comme ça qu'il faut faire". Drapés d'une espèce de fausse certitude magnanime que bien sûr, les gens sont bons, tout va s'arranger.
En fait ce que ça signifie, c'est saisir toutes les opportunités de remettre en cause la moindre avancée, parce qu'en réalité, le statu quo, c'est ce qui est véritablement confortable pour ceux qui en sont les gagnants.
J'ai conscience que je n'ai que peu de légitimité sur la question en tant qu'homme blanc, suisse, issu de la classe moyenne et hétérosexuel (heureusement que j'ai une part d'origine juive pour pouvoir dire que je me sens parfois persécuté). Néanmoins, je n'ai jamais compris comment la discrimination était censée disparaître si on discriminait les gens pour y parvenir.
Typiquement, je me souviens m'être senti très mal lors de l'élection de Barack Obama en 2008. C'est probablement le moment où j'ai eu le plus le sentiment d'être confronté au racisme et de ne rien pouvoir faire. En effet, j'avais l'impression que sur toutes les chaînes, il n'était présenté que comme le "premier président noir". Oui, les États-Unis ont connu (et connaissent encore) une énorme ségrégation et oui, l'arrivée au pouvoir d'un président noir est très symbolique à ce sujet, mais est-ce vraiment l'essentiel ? Quand je pense à Barack Obama aujourd'hui, je pense surtout à son influence concernant Cuba, concernant l'Iran, à son programme d'assurance maladie obligatoire... Ces points étaient déjà sans son programme et ont contribué à le faire élire. Pour moi, s'il avait été une femme latino-américaine et homosexuelle, cela n'aurait rien changé à ces éléments. Du coup, à l'époque, cela m'avait énormément choqué de le voir réduire à cela, même si je peux comprendre les raisons historiques qui l'expliquent.
Pour donner un autre exemple, j'ai eu un cours sur le genre dans l'enseignement à l'Uni mardi. C'était globalement un cours cool, mais la prof a passé 30 minutes à parler du préjugé considérant que les enseignants hommes ont plus d'autorité naturelle que les femmes (en expliquant son origine historique, en donnant des statistiques récentes, etc.) pour arriver à la conclusion que ce préjugé n'était pas vrai, mais uniquement lié à des croyances historiques. Sauf que je n'avais jamais imaginé cela (que les hommes avaient plus d'autorité que les femmes), donc je me suis juste ennuyé pendant une demi-heure.
C'est certainement utile et intéressant pour certains, mais pas pour moi, donc cela me gêne. Je veux de bonnes histoires. Si cela implique un casting entièrement composé de femmes noires homosexuelles, allez-y. Si cela implique un casting entièrement composé d'hommes blancs hétérosexuels, pareil. Tant que l'histoire est de qualité, qu'elle est cohérente, cela me plaira.