Y a un truc qui m'intéresserait perso, c'est de savoir qui a réussi ses études, non pas en travaillant ou sans rien faire car étant un génie, mais via plusieurs gros coups de chatte.
Présent.
Comme pas mal de joliens et de jeunes enfants issus de CSP+ en général, j'ai commencé les études avec un bon capital culturel donc assez peu de travail scolaire (sans jamais me considérer comme surdoué, faut pas déconner bordel). J'ai traversé le collège/lycée sans foutre grand chose mais en lisant et en me cultivant pas mal à coté.
De manière rigolote, pas mal de gens (profs compris) me considéraient comme intelligent/doué alors que j'ai jamais eu cette impression : mes parents me filaient juste à lire des bouquins qui correspondaient bien aux besoins culturels scolaires, ce qui me donnait plus ou moins un léger temps d'avance sur le programme. J'ai toujours trouvé ridicule par contre la réaction que ça générait chez mes condisciples : "oh Simael toi qui a un ordinateur dans le cerveau aide moi pour mes devoirs stpliz". Bah non mec j'ai absolument aucune idée de comment faire ce devoir en plus, j'ai juste assez de vernis pour faire croire au prof que je sais déjà tout sur son programme, et par effet d'influence vu que le prof lui-même tend à me considérer comme intelligent tout le monde s'y met et veut me prendre pour une sorte d'alien. Alors que dans les faits le nombre de fois où je me suis retrouvé complètement con devant une copie portant sur un sujet précis de cours, genre par coeur, est bien trop élevé pour un type "intelligent".
Arrive le bac. Honnêtement, le niveau est BAS. Sans dire que j'y vais les mains dans les poches, j'y arrive après avoir bossé (on ne parle pas de bachotage, plutôt de lecture de cours) genre une petite semaine à un rythme tranquille, et je tombe pile sur les bons sujets. J'encaisse ma petite mention, peinard.
Je rentre en fac de droit. C'est intéressant pour l'histoire et les relations internationales, mais le droit lui-même m'emmerde. Je fais trois ans sans redoubler ni passer au rattrapage, en zonant un peu au dessus de la moyenne. L'impression globale que ça m'a donné c'est vraiment de m'être laissé porter par le courant, sans avoir de plan de carrières ou d'envie réelle de travailler plus que le strict minimum. Au cours des partiels j'ai toujours une relative chance, celle de tomber sur le sujet juste assez tolérant pour me permettre de rester en marge sans rentrer dans les détails précis, scolaires (que je ne connais pas) qui me permet de surnager dans la moyenne.
Paradoxalement, c'est quand je suis allé en Erasmus que j'ai le plus bossé (des fois à coup de 9/10 heures par jour quotidiennement), parce que je travaillais en profondeur sur des gros dossiers de recherches dont les sujets m'intéressaient vraiment. Du coup je sors de là avec des notes stratosphériques dont tout le monde se fout mais, comme c'est mon M1, ça me permet d'embrayer sur un M2 assez cool où je réédite le combo intérêt+travail. Je fais stage+mémoire et même pour mon mémoire, j'ai des coups de chatte gigantesque genre le directeur qui balance devant moi la composition du jury (me permettant en fait d'orienter mon mémoire exprès pour ce jury-là). Je valide encore.
Au final, parmi mes potes d'enfance, je suis un des rares à avoir validé un parcours scolaire sans accroc, sans perdre 1/2/3 ans à changer de zone, se réorienter ou redoubler alors même que je n'avais aucun projet sérieux avant d'arriver en M2 et aucune demande particulière. Bref je relativise pas mal ces succès.
Parce que du coup, cette relative "réussite" (si on peut dire ça comme ça) est plus liée à un enchainement de coups de chattes qu'à un réel talent inné ou à un travail particulièrement fourni. Ça plus l'influence d'avoir une
réputation de mec doué, qui fait que les gens tendent à se former une image flatteuse de ta personne. Ça influence réellement la notation, en tout cas. Et dans l'ensemble, même si les coups de bol ont été nombreux, plus que la chance je retire de mes études une impression un peu surréaliste de
fatalité, comme s'il m'avait suffit de me laisser porter sans trop de travail ni d'attentes pour valider les étapes, genre Mektoub c'était écrit, laisse le destin décider (concept que d'habitude je ne supporte pas, pourtant). Et ce alors que l'immense majorité des personnes autour de moi se sont explosées sur les épreuves scolaires à un moment ou à un autre ou ont décroché en route pour partir ailleurs/rentrer plus tôt sur le marché du travail.
Finalement, est ce que j'ai "réussi" mes études parce qu'au fond je n'en avais pas grand choses à battre ? Je ne sais pas et honnêtement, c'est pas une attitude très saine. Mas si je compare avec tout les mecs sur JoL et ailleurs qui s'écharpent pour un M2, une école ou un job compliant, j'ai l'impression d'être bien plus heureux qu'eux. En ce moment je considère que j'ai fini mes études. Je passe des concours alors que j'ai pas beaucoup de moyens pour vivre, et c'est surtout l'estomac qui me fait avancer parce que je sais qu'il va vraiment me falloir un salaire si je veux manger mais même là, je suis moins impliqué que de nombreux candidats aux concours dont on a l'impression qu'ils jouent leur vie. Bref, my 2 cents.