Plage de Port-Grimaud, été 2001. Je dirige pour la première fois un CLSH (centre aéré), toute l'équipe (saisonnière), hormis un ou deux autochtones, est logée dans un grand loft en proximité de plage et les week-end on sort généralement ensemble pour prendre du bon temps.
Un tournoi de Beach-volley était organisé, 4 contre 4, et on décide d'y participer vu qu'il était possible de faire tourner les joueurs sans restriction, bonne occasion pour se détendre.
Arrive les matchs du dernier carré, on se retrouve contre des mecs vraiment bons, qui font du volley en club, mais ils sont quand même beaucoup plus jeunes (15/16) que nous (20-25) donc on se dit qu'on à une chance, surtout sur sable. Effectivement la partie est vraiment serrée, dès qu'on leur sert des balles faibles on se fait défoncer, mais quand on arrive à les faire reculer ils perdent facilement le contrôle. En fin de match, sacrée pression, surtout que toutes les nanas de l'équipe (dont ma copine de l'époque) nous regardaient et nous encourageaient, persuadées de l'inéluctable victoire de leur preux chevaliers. Confiance que nous ne manquions pas de leur communiquer quand nous nous retournions vers elles, avec un grand sourire et un petit clin d'œil aguicheur, avant de refaire face au match, les traits tirés et le souffle court.
Réception de service, je m'en souviens comme si c'était hier, on jouait plus ou moins en 1-3 (Un devant, qui faisait le passeur, trois en arrière en réception avec comme idée simple, réception pour le solo, passe en hauteur, smash plus ou moins réussi). Je suis à droite du terrain, le service arrive vraiment parfait, plein centre ligne de fond, en plein sur le gars du milieu, trop avancé, il tente un vieux contrôle mais le ballon tape plus sur son torse que sur les bras, et au lieu de repartir sur le passeur il bifurque juste, dévié en plein par dessus moi vers l'extérieur droit du terrain. Je sais déjà que je ne peux plus faire de passe, beaucoup trop risqué, je dois la renvoyer directement, je vois que si je me tourne pour courir et le chopper en me tournant j'ai une chance sur mille de le renvoyer au bon endroit, vu que le ballon ne tombe sans doute pas loin derrière moi je tente un truc de fou, pour faire le kéké. Je recule donc sur deux mettre en marche arrière, les yeux rivés sur le ballon, et au moment adéquat je saute en diagonale arrière pour me retrouver quasiment parallèle au sol à un mètre de celui-ci j'arme mon bras dans le même temps, et là je suis quand même super fier de moi vu que je prends le ballon pleine paume, le tir semble parfait et prend la direction exacte que j'avais décidé de lui donner. Avec l'élan du bras j'ai fait un quart de tour sur ma droite et je sens que je vais tomber sur mon bras de tir, je décide donc pour parfaire cette action hors du commun de finir sur un splendide yuko-Ukemi à droite (pour les profanes c'est une technique de chute en judo qui consiste en gros, à tomber sur son flanc en frappant le sol avec le bras pour amortir). Sans ménagement, et dans la continuité de mon action, je laisse mon bras droit finir son tour, et frappe le sol qui vient rapidement à ma rencontre, c'est alors que j'ai eu l'occasion de voir le plus beau feu d'artifice de toute ma vie, le plus long aussi.
Des millions d'étoile sur fond noir, une douleur fulgurante dans le bras, et une sensation d'étouffement, la seule chose qui occupait mon esprit était un besoin impérieux de respirer, j'avais le souffle coupé comme si on m'avait pincé les narines et cousu la bouche en même temps, puis d'un coup le voile noir se lève, j'inspire un grand coup, comme si je sortais d'un apnée beaucoup trop longue, derrière les étoiles je distingue un grand nombre de têtes qui me regardent un peu comme si j'étais mort, les cons si j'étais mort j'aurais pas aussi mal. Putain mais j'ai quoi au bras, et pourquoi je ne peux plus me lever et c'est quoi cette douleur au crâne, là plusieurs bras sortant de gilets rouge me calent au sol en me répétant que je ne dois pas bouger, je sens qu'ils forcent un peu, j'en déduis que je devais être en train d'essayer de m'asseoir sans y parvenir. Finalement je me dis qu'ils ont raison et qu'après tout autant rester allongé, d'ailleurs j'ai tellement mal que la meilleure idée c'est de fermer les yeux et de dormir, ma tête tourne si vite que je ne devrais avoir aucun problème pour tomber rapidement dans les pommes.
Cette pensée à peine validée, je me prend une tonne de baffes, impossible de fermer l'œil... J'abandonne donc l'idée et réouvre les yeux, je vois toujours les mêmes bras, et toujours les mêmes gilets, là il ne me tiennent plus ils se contente juste de m'enchaîner à coup de gifles, vexant. La suite n'est que douleur, pendant une éternité la seule chose que les bras m'autorisaient c'est d'avoir mal, liberté dont je profitais à outrance.
C'est à l'hôpital quand je me suis réveillé que mon amie m'a expliqué qu'en fait, sous le sable, discrètement enfouie à environ 1 ou 2 cm de la surface, se cachait une sournoise dalle de béton. J'ai eu beau insister pour savoir si mon point était bon elle était incapable de me dire où était arrivé le ballon.
Pronfonde déception, c'est bien la peine de faire des gestes techniques si personne ne prend la peine de regarder le match...
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