Suite et quasi-fin, attention les yeux
Yog faisait face à un adversaire de plus, son bras l’élançait douloureusement. Les pictes l’entouraient et ils ne comptaient plus les corps tombés sous ses coups. Ignorant la douleur et la tache vermeille de son flanc droit, il lança sa hache dans les jambes du guerrier picte le fauchant dans son élan. Jambes brisées, celui-ci se tordait de douleur. Plein de mansuétude, Yog le délivra de sa peine. Mais le ballet sanglant continua.
Chmar fouettait son cheval avec énergie, il avait réussi à franchir le rideau de protection encerclant la forteresse et était pressé de s’en éloigner au plus vite. En contrebas, les lueurs du camp picte coloraient la nuit comme un champ parsemé d’étoiles. Il s’enfonça dans la nuit.
Attaché au pilori, Lugh commençait à ressentir atrocement la soif le torturer. Les quelques gouttes d’eau dont le garde l’avait aspergé n’avait que rendu plus cruel sa situation. Le cou enserré par une imposante poutre en bois, il ne pouvait lire l’inscription infamante suspendue au-dessus de lui. Qu’à cela ne tienne, d’aimables passants le lui indiquaient sans relâche: «Voleur, pillard, tu seras pendu».
Dans sa tête, résonnaient encore les paroles de la liche qui avaient tout déclenché:
- Dans vos veines coule le sang des races inférieures, vous n’êtes pas des Fils d’Achéron et rien ne peut changer cela.
Consternés, les trois compères se regardèrent puis Yog réagit:
- Mais il nous faut votre aide! Vous nous avez sortis de l’eau, sortez-nous du bain. (NdT en péruvien, ça rend mieux comme jeu de mot)
La liche répliqua de sa voix caverneuse:
- Cessez de quérir de l’aide auprès des autres. Votre survie dépend de vous, mais saurez-vous en payer le prix?
Précautionneusement, Chmar demanda:
- Que voulez-vous dire?
- Il est des cas où le bien ne suffit pas à détruire le mal, il faut combattre le mal par le mal. Si vous croyez vraiment qu’un démon d’Ahriman vous menace, priez Ahriman de vous en délivrer.
- Vous ne savez pas ce que vous demandez, répliqua Chmar, nous serions maudits au-delà de tout entendement.
Les yeux de la liche étincelèrent étrangement dans l’obscurité:
- Croyez-vous vraiment que je ne sache rien de la damnation?
Le gardien du clan fixa tour à tour les trois compagnons et sortit de la cellule.
Abasourdis, ils s’adossèrent à leur paillasse moisie et plongèrent à nouveau dans la moite torpeur de la cellule. Lugh rompit le silence:
- Le gardien a dit vrai? On peut se soumettre à Ahriman pour sauver nos vies?
- Je répugne à envisager cette idée, on peut lui demander protection contre son démon mais au prix de nos âmes?, Chmar secouait la tête, désabusé.
- Et on ne peut pas faire semblant?, insista Lugh, on fait un faux serment et on le rompt après, c’est pas très grave, si?
Chmar ne répondit pas et tous trois plongèrent dans un sommeil agité.
Au petit matin, Chmar leur indiqua son plan qu’ils exposèrent ensuite au chef de clan des Fils d’Achéron. Celui-ci conclut:
- Nous vous aiderons à franchir les lignes mais garderons Lugh et le fragment en otage.
Lugh esquiva une tomate avariée d’un mouvement de tête. Certains mettaient beaucoup de conviction à jouer la comédie. Pourvu que l’assaut soit vite donné, songea-t-il.