Je dirais que le livre électronique va peut-être infléchir l'écriture. Et les logiciels de lecture d'ebook permettent bien plus qu'un livre. Quand je lis un livre sur mon PDA, je peux marquer n'importe quelle page avec un signet, naviguer comme je veux entre les pages, entres les signets. je peux faire de la recherche de texte sur le contenu (va faire cela avec un livre). Je peux cliquer un mot et demander sa définition ou sa traduction.
Sauf que tu ne vois pas ton signet. Le mien dépasse du livre.
Et tu auras beau surligner un passage, il me suffit d'ouvrir une double page pour repérer les passages annotés.
Et tu ne lis pas deux pages en même temps. Tu en lis une, puis tu vas à l'autre. Il est aisé de lire deux pages en même temps sur un livre (texte et sa variante, par exemple, texte et sa traduction, un paragraphe et un autre, etc.) Le PAD ne permet pas la juxtaposition, il permet la succession rapide.
Et
quid de la lecture parallèle de deux ouvrages ? Deux fenêtres minuscules ? Deux PAD ? Pour prendre l'exemple que j'ai sous les yeux : je travaille sur un ouvrage que je tiens perpétuellement ouvert devant moi ; mon travail prend pour modèle un autre ouvrage, tout aussi ouvert devant moi. Comment faire ça avec un PAD ?
Pour la recherche sur contenu, on vient de redécouvrir l'index. Sauf que l'index renvoie aussi à des termes connexes ce qu'une machine ne peut pas faire, puisqu'elle ne pratique pas l'analogie.
Ca c'était pour les livres dans un usage "savant".
Pour les livre de tous les jours, je me permets de plussoyer Caïn (Ololol Abalham) : un livre ne tombe pas en panne, un livre de poche est léger, un livre de poche n'est pas fragile.
Une culture démocratique, c'est aussi une culture qui se traîne partout, ce n'est pas une culture fragile et sacralisée comme telle. Certains de mes livres de poche ont traversé plusieurs fois l'Europe, et encore plus la France. Je connais quelqu'un dont un bouquin a subi la mousson en Asie, la vadrouille dans toute l'Inde et une année de cours : le livre est toujours vaillant.
Un PAD coûtera toujours quelques dizaines d'euros. Et ceux qui ne peuvent pas se les payer, qu'en fait-on ? Fallait pas être pauvre ? Un poche d'occasion coûte au pire trois euros ; certains coûtent à peine un euro. Cela implique surtout un ressentiment des classes de ce point de vue-ci les plus défavorisées, qui iront de ce fait envier les biens culturels, non parce qu'ils sont culturels, mais parce qu'ils sont marchands. L'industrie culturelle envahit déjà suffisamment la sphère culturelle pour qu'on cherche à éviter qu'elle n'accentue son emprise.
//edit :
Publié par Soir
Il ne s'agit pas de remplacer le livre papier, il s'agit d'avoir plusieurs cordes à son arc.
Sur ce point, ma critique s'adressait plutôt à Chipoune qui prédisait une disparition du livre.
Il y a eu des raisons structurelles qui ont expliqué la disparition du rouleau au profit du livre, l'apparition du papier, puis le développement de l'imprimerie, et enfin le développement du livre du poche. Des raisons analogues ne me semblent pas exister pour l'e-book.
Ces métamorphoses de l'écrit sont visibles : un brusque saut quantitatif marque le nouvel usage (rapide augmentation des bibliothèques avec le livre, "révolution archivistique" avec le papier, démultiplication des livres avec l'imprimerie, puis avec le livre de poche, etc.). Or l'e-book ne peut que supplanter le papier - et encore, je pense que nous sommes tombés d'accord là-dessus, jamais de façon totale - et il apporte trop peu d'innovations pour que la métamorphose soit possible.