J'ai encore un doudou et oui.
Une couverture bleue à bords de velours que je tripote avec les doigts. Je passe délicatement le tissu entre les souches de mes phalanges, je fais des pointes que je pique dans le coin de mes yeux ou que j'enfonce dans mes oreilles. Partout, beaucoup, toujours pour m'endormir ou regarder un film. Quand j'étais nourrisson, elle était rose et beaucoup plus petite, mais elle s'est usée avec le temps et j'ai du la remplacer. Déjà celle-ci, des quatre bords, il n'en reste plus qu'un de valide. Je ne sais pas ce que je ferai lorsqu'elle aura rendue l'âme, ma plus grande hantise. Le doute, l'angoisse de ne jamais trouver une couverture à bords de velours qui vaudrait les deux autres. Car il ne faut pas croire, ce genre de spécimen est rare et la sélection rigoureuse. Enfin, il y aurait bien mes palliatifs de voyage, à savoir le lobe des oreilles des plus intimes, que j'aime à tripoter et qui me procurent des sensation quasi-identiques. Une chose, un anxiolytique, une caresse, une douceur unique, un truc dont je ne pourrait pas me passer. Je me souviens du jour où je me suis rendue compte que je n'étais plus capable de jouer, tenant un jouet dans ma main et n'y voyant plus que du plastique inanimé, essayant de jouer une scène, de lui entamer une histoire et incapable d'y arriver. Je me souviens m'être dit que c'était ça grandir, que j'avais franchi une étape. Quelle déconfiture, quelle tristesse alors.. j'ai depuis trouvé d'autres façons de faire et de laisser s'exprimer mes imaginaires, certes.. mais..
Mais mon doudou, jamais !
Lui et moi, c'est à la vie à la mort !
Et peu importe pour qui je passe lorsque je le tripote devant les invités.
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