Comme j'ai trouvé que ma réponse à Mothra était un peu sèche, j'ai tenté d'argumenter un peu pourquoi je pense que le propos de Charlotte est à revoir.
Au fait : ceci n'est pas un quote- war, juste un essai de réponse à certains propos en particulier.
Publié par Charlotte Domremy
L'extreme gauche equivalent à l'extreme droite... Osé comme comparaison. Déjà on peut se demander ce que ces partis ont d'extreme. C'est une appelation que je qualifierais d'inobjective et quelque peu devalorisante. Le terme « extreme » semble vouloir signifier à celui à qui il est destiné que c'est une pensée dangereuse, à la limite de ce qui est acceptable (par qui?). Cela tient plutot d'une deformation de terme voulu par ceux qui veulent mettre hors course des partis ne representant pas leurs interets et qui par secheresse d'argument prefere rejeter non pas les idéologies, pensées et projets, mais directement la nature même de ces partis.
Inutile de discuter des projets socialistes, puisqu'ils sont « extremes », donc dangereux et irrealites. Inutiles d'écouter les inquiétudes des electeurs du Front national puisque ce parti est « à la limite de l'acceptable ».
Le seul problème dans ton propos, c’est qu’on fait référence aux extrêmes en tant qu’extrêmes de l’hémicycle ou du spectre politique. Oui, ce sont des partis « extrêmes » en ce qu’ils se situent aux extrémités du spectre politique. Ils ne sont pas « marginaux », ils sont extrêmes, parce que leur discours, leur idéologie, leur représentants etc. les positionnent comme tels par rapport aux autres partis. Il ne s’agit pas de discréditer ceci ou cela, mais de positionner les expressions politiques d’un peuple les unes par rapport aux autres.
Publié par Charlotte Domremy
Si il y a une chose qui rapproche ces partis, de droite ou de gauche, c'est bien le discrédit lancé par des médias complaisants et des politiciens en panne de projet.
Il suffira, pour vous convaincre de ce mépris pour les partis alternatifs, de regarder le traitement médiatique lors de la prochaine élection. 90% des antennes et des lignes de presse seront consacrés aux « gros candidats », c'est à dire aux caciques autoproclamés représentant du peuple. Le reste sera utilisé pour dénigrer les « extrêmes », »petits candidats » et autres « candidatures dispersées ».
Il me semble que c’est quand même plus compliqué que l’analyse qu’en font les médias, et surtout que la manière dont ils en parlent.
Le temps consacré aux différents candidats est rigoureusement réglementé (par le CSA il me semble), parce que nous sommes dans une démocratie, précisément, et que chacun a droit à la parole. Je ne sais pas quelles sont les règles de répartition du temps de parole (si quelqu’un a une source là-dessus, je suis preneur). Mais, comme tu le supputes, si le temps n’était pas strictement égal entre les candidats (ce dont je doute quand même, mais encore une fois, je n’en sais rien), je ne serais pas particulièrement scandalisé : si un gugus halluciné d’extrême- droite ou d’extrême- gauche avait le même temps de parole pour déblatérer des âneries sans nom reconnues telles par l’immense majorité de la population avait le même temps de parole que le représentant d’un parti installé depuis longtemps et ayant les meilleures chances de se retrouver à la direction du pays, là oui, je serais un peu choqué. Mais c’est peut être déjà le cas en fait. En tout cas, il me semble que le financement des partis politiques est proportionnel à leurs résultats, donc, à leur capacité à capter l’opinion et à représenter politiquement la volonté du peuple souverain.
Maintenant, ça ne veut pas dire que les candidats sont absents des débats, ou que le monde politique est définitivement cloisonné. En revanche, ça veut dire que la démocratie française privilégie les interlocuteurs représentatifs, ce qui est parfaitement normal dans un régime qui vise à exprimer la volonté du peuple, et non les expressions farfelues. L’expression du peuple passe par des relais, je ne vois pas ce qui est choquant. Les relais qui ne sont plus en phase avec leur temps tendent à disparaître, d’autres émergent et prennent le relais (olol le jeu de mot bien nul).
Notre démocratie est représentative, et elle doit passer par des courroies de transmissions plus ou moins institutionnelles pour fonctionner : c’est parfaitement normal, et je ne vois pas ce qu’il y a de choquant ou de liberticide là- dedans.
Publié par Charlotte Domremy
Confondre la droite nationaliste (dite extreme droite) et la gauche socialiste (dite extreme gauche) est une erreur à la fois historique et idéologique.
La droite nationaliste n’a rien à voir avec l’extrême- droite : en fait, je veux dire que l’extrême- droite ne se résume pas à la droite nationaliste. Comme si la gauche ne l’était pas. Comme si la gauche n’était elle- même que socialiste. On est dans le cadre d’une extrême richesse idéologique dans les deux cas, qui ont des racines historiques et culturelles anciennes et multiples, qui ne cessent de s’entrecroiser et de s’enrichir en permanence.
Publié par Charlotte Domremy
La droite nationaliste est un courant née de la revolution industrielle, qui regroupe un courant de pensées conservatrices et bourgeoise. Le but de cette ideologie est de maintenir en etat une société jugée parfaite, où un groupe minoritaire de gens eclairé dirige une foule ignorante avec un paternalisme bienveillant.
Rien que là tu confonds énormément de choses. Du moins généralises- tu des choses complexes qu’il faudrait un peu recontextualiser.
Oui, l’influence de la Révolution Industrielle est énorme, car ce processus d’industrialisation et d’urbanisation n’est pas qu’une croissance économique, mais bien un changement de civilisation : c’est la fin d’un monde rural et agricole, et na naissance d’un monde urbain et industriel, si bien que des historiens comme Jacques LE GOFF disent que la Révolution Industrielle est la vraie fin du monde d’ancien régime, et plus largement, de ce que nous appelons Moyen Age.
La droite nationaliste n’est pas née de la Révolution Industrielle, mais des mutations sociales, économiques et culturelles impliquées par elle.
En effet, la Révolution Industrielle implique de nouveaux mode de production (naissance de l’usine dans les années 1880- 1890), qui donnent naissance à de nouvelles classes sociales (naissance du monde ouvrier, naissance des classes moyennes), qui donnent naissance de nouvelles modalités de la vie politique (affiches, symboles, slogans, etc.) et à de nouvelles idéologies (le marxisme est l’une des principales, voire même la plus importante idéologie du XIXème siècle de ce point de vue).
Mais la Révolution Industrielle a elle seule n’explique pas la naissance de ce nouveau courant. Car pendant qu’elle s’opère, d’autres processus sont à l’œuvre, qui sont complémentaires et tout aussi fondamentaux. Notamment l’achèvement des unifications / unités nationales (unification de l’Allemagne et de l’Italie par exemple, à la suite d’un bouillonnement nationaliste tout au long du XIXème), qui implique la mise en place des grands système d’éducations nationales. Dès lors apparaît ce que nous appelons une « culture de masse », une culture massivement diffusée dans le peuple par l’application de moyens industriels de production dans le monde de la culture, et une culture destinée aux « masses », du moins à la majorité de la population, qui sait alors déjà massivement lire et écrire, et qui est demandeuse de culture. De nouvelles pratiques culturelles apparaissent, plus « populaires » (importance du bal, du café, du café- théâtre, de l’opérette, du sport, et notamment le football, etc.), avec de nouveaux vecteurs, plus « accessibles » (hebdomadaires spécialisés, journaux populaires, livres scolaires, etc.)
La France est tout de même un cas particulier, parce que son nationalisme est mis au service du nouveau régime en place (la IIIème République) : avec la perte de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine se développe une mystique nationale mélangeant agressivité et nostalgie, qui est massivement diffusée dans les enfants qui fréquentent l’école de la République, avec l’idée du sacrifice et de la vengeance nationale à accomplir pour les générations futures.
Or à ce moment là, ce n’est pas la « droite » qui met cela en place, mais la « gauche » (les républicains à l’époque sont plutôt à gauche, en fonction de nos critères actuels, qui ne sont pas ceux de l’époque). En revanche, la droite va récupérer ce discours et le mettre au service d’un nationalisme plus agressif dans les années 1890. Le grand tournant est l’Affaire Dreyfus. Les premières grandes figures de la droite apparaissent (Maurras).
Le problème est que cette droite là est « populaire ». C’est un public de classes moyennes qui compose ses rangs : des gens passés par l’école de la République, qui associe leur promotion sociale à l’école et à l’ordre sociale, et donc à la stabilité du régime, et qui entendent le préserver, puisqu’une menace sur celui- ci est une menace pour leur position sociale et leur capacité à y évoluer. C’est ce même public, et ces mêmes préoccupations qui poussent les classes moyennes à adhérer aux « partis de masse » des années 1930.
Or il n’y a pas là que la composante conservatrice et bourgeoise dont tu parles. Certes, il y a des conservateurs (essentiellement dans la « droite catholique ») et des bourgeois, mais ce ne sont pas nécessairement les plus virulents nationalistes, ni les plus virulents partisans d’une droite « populaire ». Or cette droite là est plutôt celle de Boulanger, donc, un courant de la droite. Un courant important, certes, mais un courant seulement. Et un courant qui recoupe d’autres courants.
Quant à la droite conservatrice et bourgeoise dont tu parles, elle n’estime pas la société parfaite, mais elle a d’elle une lecture où elle trouve son intérêt. Il faut comprendre que c’est une mentalité très enracinée en Europe que les possédants ou les notables sont les plus aptes à gouverner, parce que précisément, leur aisance matérielle leur fait mieux comprendre les enjeux du pouvoir : un notable n’a pas à se soucier de son bien- être, il l’a, et il peut donc totalement se livrer à la chose publique. On peut trouver ça parfaitement débile, mais c’est ainsi que la plupart des bourgeois concevaient les choses au XIXème siècle. Et ils n’étaient pas tous de droite ou traditionalistes. Nombreux se méfiaient de l’Eglise et de sa doctrine sociale (notamment à partir de Léon XIII, qui voyait dans le libéralisme la possibilité d’un nouvel asservissement de l’homme par l’homme, ce qui est toujours la doctrine officielle de l’Eglise Catholique (réaffirmée par Jean- Paul II après la fin de la Guerre Froide). Plus que tout, ils redoutaient les idées marxistes (ou de gauche, pour être général), parce qu’ils y voyaient désordre et menaces sur leurs intérêts : j’ai envie de dire qu’ils étaient plus de droite par défaut que par conviction, non pas parce qu’ils étaient convaincus de la justesse des idéologies de droite, mais parce qu’ils y voyaient un rempart contre la progression rapide des idées socialistes naissantes.
Publié par Charlotte Domremy
Il y a dans l'histoire de la droite nationaliste française des points communs, de Boulanger à Lepen en passant par Poujade et l'inéfable marechal : une repartition censitaire de la société (les riches dominent la société), une vénération de l'idée du passé, une haine farouche de tout qui semble etranger à l'idée fantasmée de la pureté de la nation incluant pele mèle, les etrangers, les femmes emancipées et evidement les pauvres.
C'est un idéologie de l'exclusion qui se base sur l'adage que l'homme est mauvais, incapable de dominer ses pulsions et qu'il doit etre controlé par des plus sage que lui.
L'usage de la force est necessaire, voir même souhaitable, vantant les merites et le courage des soldats, la noblesse de la guerre et la nececité d'ecrabouiller tout ceux qui ont la mauvaise idée de ne pas etre d'accord.
Si je suis d’accord sur les liens historiques et culturels que tu énonces, et si j’émets quand même quelques réserves sur leur pertinence (en fait, il y a des liens superficiels, mais de réelles différences de fond), je ne suis pas d’accord sur la question des femmes et des étrangers. Du moins, je veux dire que ça n’est en rien un apanage de la droite. Les étrangers sont souvent pris pour cible par les ouvriers par exemple, qui sont animés de réels sentiments xénophobes au XIXème et au XXème siècles. L’étranger, c’est en effet la concurrence déloyale, le briseur de grève, le « jaune », celui qui travaille quand les camarades font la grève et meurent de faim. Les belges sont particulièrement visés par cette xénophobie, de même que les Italiens et les Polonais. Le monde ouvrier est paradoxal en ce qu’il intègre tout en excluant potentiellement : il intègre traditionnellement les étrangers venus travailler en France par ses syndicats et ses revendications, mais il exclu par le rejet de la concurrence déloyale et par la peur de la grève sabotée.
Publié par Charlotte Domremy
L'idée selon laquelle Lepen est un populiste est légérement erronée. Le programme du Front national est un vrai programme de droite. Les medias mettent l'accent sur les derives légérements imbéciles des dirigeants sur leur antissemitisme, racisme et autres joyeusetés alors que cela ne represente ni un programme ni un avis partagé par les electeurs. Le vrais programme du front est la liquidation de toutes les avancées sociales, elimination des syndicats et main mise absolue du patronat financier, c'est à dire de la frange la plus aisée du pays, sur la société. C'est un parti ultra libéral assez proche des idées en vogue à l'UMP. La difference entre le vilain FN et le noble UMP est dans la formulation. D'un coté on a « Dehors les etrangers » de l'autre «L'indispensable reconduite à la frontière ». d'un coté « L'élimination des syndicats et des avantages sociaux », de l'autre « les necessaires reformes de modernisation du pays ». Dans les faits c'est la même chose, mais le discrours est tres different.
Le Front National est un parti « national- populiste », qui n’est pas un parti de droite au sens propre, même s’il y a en effet des éléments qui font passerelle entre les partis de la « droite républicaine / de gouvernement » et le Front National (qui se prétend être la « droite nationale », pour mieux effacer son étiquette de parti « d’extrême- droite »), et c’est de moins en moins un parti que l’on peut qualifier d’extrême- droite (ne serait- ce que par son audience, qui n’est pas celle d’un parti extrémiste).
Si l’antisémitisme est à mon sens l’apanage d’une minorité d’électeurs réellement extrémistes, la xénophobie est à mon avis largement enracinée, en tant qu’elle est liée à l’idée (traditionnelle) d’une menace sur l’identité nationale, et d’un déclin de la nation. En revanche, je pense que tu as trot de minorer le programme social du Front National, et la composante populaire de ce parti, qui est le premier parti chez les ouvriers par exemple, et qui n’a aucun intérêt à faire table rase des acquis sociaux. L’optique n’est pas de détruire ces acquis, mais de le réserver aux Français (concept de « préférence nationale », très enracinée au Front National, et qui est l’un des thèmes les plus porteurs de ce parti). En revanche, en effet, il est question de réorganiser les rapports sociaux en éliminant du dialogue social les syndicats.
Ca n’a rien à voir pour autant avec ce que tu appelles un parti « ultra- libéral ». La pensée économique du Front National n’est pas « ultra- libérale ». Ca n’a rien à voir. Et les différences entre l’UMP et le FN sont profondes, et non pas uniquement superficielles. Ce sont des visions de la France et des projets de société qui n’ont rien à voir.
Publié par Charlotte Domremy
Sarkozy n'est pas Lepen. Sarkozy applique le programme de Lepen car ce dernier, politiquement exclu, ne peut l'appliquer lui même.
C’est parfaitement faux… Le Pen exclu ? Et qui était le candidat retenu au second tour de l’élection présidentielle de 2002 ? Et qui fait peur à tout le monde pour 2007 ? Le Pen n’a rien d’un exclu qui a besoin des autres pour faire valoir ses idées. Bien au contraire.
Publié par Charlotte Domremy
La gauche socialiste (au sens historique du terme) est née en même temps que la droite nationaliste (du moins telle que nous la connaissons). Son programme est une repartition du fruit du travail de façon equitable, le rejet de la concentration des richesses entre quelques mains et un pacifisme forcené. C'est une idéologie basée sur la croyance en la bonté humaine et son changement par l'education. L'idéologie de gauche rejete comme seul but le travail, mettant en oeuvre des politiques pour en reduire le temps qui lui est consacré.
C'est un courant de pensé humaniste qui se base sur des idées généreuses que vous avez parfaitement le droit de juger naives ou uthopiques.
C’est pas tellement que c’est utopique qui me dérange, c’est surtout que c’est faux. Ou trop général. Ou mal présenté. Parce que là, à te lire, il y a les méchants concons à droite et les doux gens de gauche, humanistes et aimant leur prochain…
Publié par Charlotte Domremy
Or, ce qui est regulierement appellé « reformes » ou « changement » par les partisans de la droite ne sont rien d'autre de l'elimination des progres sociaux appliqués par les partis socialistes au cours du XXeme siècle. C'est un retour à des valeurs discriminatives par le cens.
Il y a donc une fracture idéologique nette entre les partisans d'un ordre social rigide, injuste et ancien face à une idéologie généreuse, de progres humain et social.
Ca en revanche, c’est carrément n’importe quoi.