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Je suis profondément froissé par le nombre d'absurdités, de naïvetés, de contres et non-sens, d'erreurs et de consensuel que j'ai trouvé dans ce topic.
Je crois qu'il faut replacer ce genre de loi dans un processus beaucoup plus large. Cela fait plusieurs décennies que se mettent en place des tentatives de saisir Internet et notamment en partant de l'argument de la défense du Droit d'auteur. ACTA, PIPA (Protect IP Act) qui donnent des pouvoirs de contrôle énormes aux fonctionnaires fédéraux qui pourront notamment désigner les sites proposant du contenu illégal et ainsi par extension, les désigner Illégaux (quiconque a déjà approché la question en Droit peut voir quel forme peut prend l'application de cette loi), E-Parasite Act (Enforcing and Protecting American Rights), COICA (Combating Online Infringement and Counterfeits Act) et aujourd’hui SOPA (The Stop Online Piracy Act)... Tous ces acronymes ne désignent en réalité qu’une seule et même réalité: garantir les profits des industries, par la construction d'une notion qu'ils aiment appeler Propriété Intellectuelle, par le filtrage et la censure d’Internet. La SOPA dont nous parlons ici, n'est pas un truc qui émerge par hasard sans raison, parce que deux ou trois connards l'ont décidé. C'est simplement dans la logique des choses que ce genre de loi se singularise. Il faut d'ailleurs rappeler que Hadopi 1 puis 2 n'est pas une création française. Elle fait suite à la Directive Européenne 2001/29/CE, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, qui légifère sur les Droits d'auteur. Cette directive a déjà été transposée dans le droit de 25 des 27 pays de l'Union Européenne (il me semble que seules l'Espagne et la République Tchèque ne l'ont pas encore fait). Là encore, assez curieusement, nous pouvons remonter plus haut. Elle n'est que l'application des traités décidés par l'OMPI (l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle), dépendant de l'ONU. On démêle petit a petit le nœud et, étrangement, on découvre que les enjeux sont globaux.
Les mécanismes de contrôle n'apparaissent jamais par hasard, ils émergent en différents points du monde sans logique mondiale, comme le disait Foucault il y a une quarantaine d'années. On l'a vu pour la prison notamment, lorsque les structures d'enfermements se sont multipliées au même moment dans quasi toutes les zones du globe sans décision transétatique. Là, on a affaire à un processus assez semblable.
Cependant le Congrès Américain s'attaque à quelque chose d'insaisissable. Le contrôle du net est impossible dans les démocraties capitalistes. La seule possibilité de contrôler le Net est de posséder, donc de nationaliser, les entreprises qui le construisent. C'est là qu'il est intéressant d'ailleurs de remarquer l'attitude des grands groupes dont certains ont parlé. Ce genre de loi serait une catastrophe pour Google, Youtube ou Facebook qui se trouvent en situation de monopole oligopolistique. Le refus de cette loi par le Capital est symptomatique de l'insaisissabilité du net. Je ne crois pas qu'il y ait un débat à faire sur la légitimité de cette loi. Il me semble que tout le monde comprend avec un regard plus ou moins large sa dangerosité, mais il ne faut pas voir les grands groupes d'Internet comme des alliés sur ce genre de question. Ou du moins, il ne faut pas oublier que leur position est liée à leurs intérêts qui sont tout aussi crades que les lois de quadrillage du 2.0. Google ou Facebook sont des instruments de contrôle encore plus pervers que les lois pondues par les gouvernements lorsqu'ils invoquent la Propriété Intellectuelle. La destruction du logiciel libre me fait personnellement bien plus flipper que toutes les lois sur Internet que pondent des gens qui ne comprennent rien au fonctionnement de cet outil. Il était important de le rappeler.
Lamar Seeligson Smith fait une erreur. Le Global ne fait pas disparaître le Local. Le Global n'est pas une échelle, il n'y a pas de scalarité dans le Global, il pénètre le Local, le constitue, le transforme. Mais ce processus est réciproque. Le Global, le Web, n'est que la mise en réseau des Locaux. Seulement, malheureusement pour Smith, les interactions, ce que nous faisons sur le Net, s'inscrivent dans une Localité, par exemple ce topic, mais ne sont pas localisés, c'est ce que l'on appelle le Réseau. Le 2.0 n'est pas un arbre avec des racines linéaires et des chemins clairs, c'est un Rhizome, il n'a pas de Centre. N'importe quel point du Rhizome peut être et doit être connecté avec un autre point du Rhizome. Un rhizome peut être rompu, brisé en un endroit quelconque, il reprend de nouvelles connexions suivant telle ou telle de ses lignes et en suivant d'autres liens. La limite du rhizome est fuyante. "Le Rhizome est une antigénéalogie. C'est une mémoire courte, ou une antimémoire. Le Rhizome procède par variation, expansion, conquête, capture, piqûre. A l'opposé du graphisme, du dessin ou de la photo, à l'opposé des calques, le Rhizome se rapporte à une carte qui doit être produite, construite, toujours démontable, connectable, renversable, modifiable, à entrées et sorties multiples, avec ses lignes de fuite. " comme le disaient Deleuze et Guattari en 1958.
La SOPA est une dégueulasserie totale mais des comme ça il y en plusieurs qui sortent par an, en France. Je suis certain que peu ont entendu parler de la LSI, Loopsi 1 - 2, Perben 1 - 2 et aujourd'hui 3. Comment peut on encore s'offusquer de l'existence de ces lois là ? C'est bien tardivement que certains ouvrent les yeux !
Quelqu'un parlait du veto d'Obama permis par l'article 7 de la Constitution Américaine. Non seulement le veto peut être contourné par le Sénat, mais en plus de ça, il faut être bien naïf pour croire qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'actuel président Américain de laisser voter cette loi. Il faut comprendre une chose, ces lois là ne sont pas impopulaires. C'est faire une erreur historique que de croire l'inverse. Les lois sur le contrôle ne sont jamais imposées, elles sont toujours demandées. C'est sans doute moins pertinent sur Internet, mais l'argument de la défense de la Propriété, aux États-Unis, fait boom comme il l'a toujours fait. Oui, cette loi va être votée et validée. Non, ils ne pourront pas l'appliquer. Non, elle aura aucune conséquence, en tous les cas, pas pour le moment.
Un dernier point peut être. J'ai aussi lu des posts de certains qui légitimaient les lois comme Hadopi. Il s'agit d'un positionnement idéologique qui oublie à mon avis quelque chose d'important : la Propriété Intellectuelle n'existe pas. L'état naturel d'une connaissance ou d'une œuvre artistique est le domaine public. Les droits d'auteurs et les brevets ne sont que des concessions temporaires (des droits, non des titres de propriétés) accordées par la société aux auteurs et inventeurs avant de les ramener au patrimoine collectif technique et culturel de "l'Humanité". Le travail de Jacquart sur cette question est excellent et il reprend notamment ce que Richard Stallman, créateur de GNU, disait il y a déjà plus de 25 ans. La Propriété Intellectuelle c'est un concept, qui, en lui même, n'a pas de sens. La Propriété est la mise à "l’Intérieur" du système économique. La Propriété intellectuelle déterminerait alors le caractère économique de la valeur d'une idée. Quelle est la valeur de la Théorie des Cordes ? Et celle de l’Éternel Retour de Nietzsche ? Ça vaut quoi ? Comment détermine t-on a qui attribuer une idée ? Sur quels critères ? Une seule réponse balaye ses questions : L'Idée n'appartient pas.
La position de Riot est logique. Quelqu'un a dit "démagogique". Cela pourrait sembler très juste, pourtant on peut voir les choses d'un autre regard.
Ils adoptent une prise de position consensuelle qui va dans le sens de la SOPA, "Oui, il faut condamner le piratage, c'est mal", mais qui souhaite défendre ses intérêts "Mais, ça serait peut être la fin du streaming, et ça, c'est pas bon pour nous". Quelque chose d'assez classique en somme.
Comme le message n'est pas assez docile, on finit par " Riot Games est opposé à la loi SOPA/PIPA sous sa forme actuelle". Ils disent souhaiter se tenir à l'écart de tout commentaire politique'', c'est sacrément raté. Ils auraient pu en rester à ''cette loi nous inquiète au plus haut point'', qui serait moins une prise de position politique que philosophique. Je trouve que le positionnement de Riot dans cette publication est plus de se dire favorable à une loi contre le ''Piratage'', que celle,si consensuelle qu'elle constitue l'attitude des géants du Net sur la question, à savoir, s'opposer à la SOPA/PIPA. Pourquoi forcement faire du politiquement correcte ? Un positionnement plus critique aurait il eut un impact sur la communauté de Lol ? Non. Aurait il pu avoir de graves conséquences pour Riot Games en prenant la forme de pressions extérieures ? Une nouvelle fois, non.
En cela, le réel positionnement, et pas celui que Riot à l'impression de prendre, n'est pas calculé, il est profondément assumé. La prise de position politique, ils n'étaient pas obligé de la faire. Ils la font malgré eux, sans en avoir conscience, en pensant être restés à distance de la nature politique de la question.
Et pour vous Riot, quelle ''forme'' faudrait il donner à ce genre de loi ?
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