Canal75019 : Le PT n’est-il pas le principal responsable de ce résultat ?
Oui, le PT est en partie responsable. Il a gouverné pendant douze ans, le pays avait soif d’alternance. Et le PT est jugé en grande partie responsable de la crise économique. A cela s’ajoutent les scandales de corruption et l’acharnement de Lula à
contester les décisions judiciaires — certes questionnables. Tout cela n’a fait qu’accentuer le sentiment anti-PT, qui a servi de carburant à Jair Bolsonaro.
Mais le PT n’est pas le seul responsable de la montée de l’extrême droite. Les scandales de corruption touchent tous les partis, et le désastre du gouvernement de Michel Temer a provoqué un ras-le-bol généralisé. Les électeurs ont, avec Bolsonaro, exprimé un vote de protestation,
« saco cheio »,dit-on ici.
Nat : A-t-on des statistiques précises sur la sociologie des votants ?
On sait que le sud et le sud-est du pays ont voté massivement pour Bolsonaro, quand le Nordeste reste acquis à la gauche (au PT et au PDT). Les précédents sondages laissent
penser que l’électeur de Bolsonaro possède un niveau d’éducation correct, de bons revenus et est en majorité masculin.
Alexis : Concrètement quelles sont les grandes lignes de son programme ? Et peut-il les mettre en place ?
Le programme de Jair Bolsonaro est assez vague. Il évoque la restauration des
« valeurs » de Dieu, de la famille etc., mais il n’est pas très concret quant aux mesures qu’il compte mettre en place. Son discours est essentiellement axé sur la sécurité. Il compte
revenir sur la loi de
« l’estatuto do desarmamento » qui, en 2003, a mis fin au libre port d’arme. Il compte aussi
amnistier les crimes des policiers et mettre fin aux aménagements de peine. Cette dernière mesure, au-delà d’être polémique, est compliquée à mettre en place, car le pays souffre déjà d’un problème de surpopulation carcérale estimée à 197 %.
En économie, Jair Bolsonaro promet le
« libéralisme » des emplois, la prospérité et attaque les gouvernements socialistes, jugés responsables de la situation dramatique du pays. Son programme n’est pas davantage détaillé mais son
conseiller Paulo Guedes, un
« Chicago boy » très apprécié des marchés financiers, parle de privatisations massives afin d’éponger rapidement la dette publique.
La mise en œuvre d’un tel programme est problématique dans un pays comme le Brésil, avec un système dit de « présidentialisme de coalition ». Le président gouverne avec un Congrès composé de partis très divers et versatiles. C’est un sujet critique pour Bolsonaro. Mais l’élection a montré que le Congrès serait en partie composé d’alliés.