Je lisais un article du nouvel obs. 8 embauches sur 10 aujourd'hui se fait en CDD.
20 millions de CDD sont fait par ans. Les 2/3 c'est des renouvellement de contrat. 16 millions d'entre eux, c'est pour une durée d'un mois ou moins.
Ca c'est une phrase qu'on voit fleurir partout et qui est malheureusement souvent mal analysée (j'ai pas dit que c'était ton cas, note).
Je m'explique: que 8 embauches sur 10 se fassent en CDD ne veut pas dire que 8 salariés sur 10 sont en CDD. C'est pourtant bien ce raccourci mental que l'on espère provoquer en martelant régulièrement cela.
Un CDD a, par définition, une fin. Ce qui n'est pas le cas du CDI. Par conséquent, quand tu embauche en CDI, tu ne le fais qu'une fois. Quand tu embauche en CDD, tu le fais plein de fois. Je bosse dans le secteur médico-social, je suis RH (bouuuh) et effectivement la majeure partie des contrats que je rédige sont des CDD. Mais sur mon secteur d'à peu près 300 salariés, moins de 10% d'entre-eux sont en CDD. Par exemple sur un des établissements que je gère, sur les 25 salariés 2 sont en CDD. Ces 2 personnes comptent à elles seules 8 embauches sur l'année 2015.
Pour expliquer le nombre de renouvellements, c'est facile: par exemple 1er contrat car la salariée remplacée était en maladie, dans mon secteur souvent c'est en cas de grossesse sensible. On cale les dates sur celles de l'arrêt et du coup on renouvelle à chaque fois que la salariée nous envoie les nouvelles dates. On pourrait faire des CDD à terme imprécis, mais souvent les directeurs ne veulent pas (trop risqué). Et voilà t'as un salarié en CDD, dont on sait bien qu'il va rester super longtemps car après y'aura le congé maternité et même peut-être le congé parental d'éducation, mais ça fait quand même plein d'embauches. Et on peut pas lui faire de CDI, car en vrai on a pas de poste durable à pourvoir: la salariée remplacée va revenir tôt ou tard. Donc on aura toujours besoin de gens en CDD, peu importe la loi ou la santé du marché du travail: par moments il faut bien remplacer les gens qui ne sont pas là.
Alors oui, si on pouvait virer les gens comme on veut, on les prendrait peut-être en CDI dans le cas ci-dessus. Mais alors adieu la préca, qui fait bien plaisir sur un contrat d'une durée de plusieurs mois... et le mec n'aura plus de taf pareil quand la salariée reviendra. Je ne suis pas sure que ça soit l'idée du siècle.
Autre chose, ces statistiques sont aussi gonflées par le "petit CDD de remplacement": durée moyenne d'une semaine, renouvelable un paquet de fois car il y a toujours quelqu'un d'absent dans l'établissement. Et à chaque début de contrat, cela compte comme une embauche... Souvent, quand on leur propose un CDI, ces salariés refusent. Cela s'explique par la faible rémunération des postes sur lesquels on a ce genre de remplacement: ici les 10% de préca, ça compte même pour qu'ils puissent vivre correctement.
Bref voilà, y'a bien un souci avec le marché du travail en France (et mon dernier exemple le prouve, puisque des gens ont besoin de la prime de préca pour vivre), mais j'en avais un peu marre de voir cette phrase agitée en guise d'épouvantail, car elle n'a souvent pas le sens qu'on lui prête.
Pavé César