[Fiscalité] Evasion fiscale : OffshoreLeaks, LuxLeaks, SwissLeaks, Panama papers...

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Ce message s'adressait au départ à Assurancetourisk, je vois que Silgar a répondu entre temps, et qu'en plus mon post est un peu décousu, mais tant pis j'ai pas trop le temps de finir. Faites l'impasse sur l'ordre des arguments qui n'a aucun sens.

Déjà, revenons aux bases. La loi, en France, c'est l'article 57 du Code Général des Impôts. L'article dispose "les bénéfices indirectement transférés [hors de France], soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités."
Si la preuve du transfert revient en principe à l'administration fiscale, avec l'obligation documentaire instaurée par l'article L13 AA du Livre des Procédures Fiscales, c'est quand même au contribuable de préparer la justification de sa politique de prix de transfert en amont.
On parle de quoi donc ? On parle de savoir si la société française est suffisamment rémunérée. C'est tout. Si la société Luxembourgeoise engrange tout le profit, il n'y a actuellement rien à faire tant que la société française reçoit une rémunération convenable. Et une rémunération convenable pour une société au profil fonctionnel simple, ça se calcul tout aussi simplement. L'entité française, ses fonctions sont mineurs, ses risques sont nuls, et elle ne dispose d'aucun actif. Si l'entité était un indépendant, il serait très peu rémunéré.
Or, le standard actuel est le principe de pleine concurrence, c'est-à-dire quelle rémunération un indépendant comparable aurait pu obtenir.
L'entreprise au profil fonctionnel complexe (toutes les fonctions, les risques, et les actifs), on ne peut pas la comparer à des indépendants. Sa rémunération n'est donc pas standardisée. Elle reçoit donc l'intégralité des profits (ou des pertes) qui dépassent la rémunération de routine des sociétés au profil fonctionnel routinier.
Bon pour info avec l'OCDE et le BEPS, ça risque de changer tout ça (d'ici à 2017).

Alors concernant les administrations fiscales, on a des niveaux variable. L'IRS (le fisc américain) dispose d'un personnel à la fois nombreux et compétent. En France, selon le bureau qui contrôle, le niveau est très variable, et globalement de toute façon en retard sur ce qui se passe aux US. Après, l'administration française ne me semble pas plus à la ramasse que la moyenne européenne.

Il n'y a aucune raison de voir un écart de compétence ahurissant entre l'administration fiscale et les conseils fiscaux. Les mecs font les mêmes études à la base, utilisent les mêmes ouvrages, et sont ensuite confrontés aux mêmes problématiques quand ils se rencontrent. Une documentation prix de transfert c'est très variable, mais pour faire très raccourci, c'est 20k€. A 20k€, on s'engage pas une armée de fiscalistes qui te montent les trucs aux petits oignons. En général pour un client y a un associé, un middle manager, et un junior. On est loin de l'armée.
Les prix de transfert ne sont pas trop difficile. C'est même une matière assez simple en fait. Et en plus en France l'inspecteur se fait mâcher le boulot parce que quand il arrive il a déjà un document prêt qui lui dit tout ce qu'il a besoin de savoir. De la même manière, les "schémas fiscaux complexes" n'ont en général rien de complexe est sont souvent connus de tous. Le double irish, je l'ai vu en cours de fiscalité en 5ème année, c'est pas un secret.
Là on retouche encore une fois à la distinction entre optimisation et évasion. Optimiser c'est être parfaitement dans les clous et utiliser c que le droit nous permet.

Pour conclure en revenant sur Google, le fait est qu'on ne sait pas. Peut-être que l'administration a tort, peut-être qu'elle a raison, je n'ai pas le dossier en main. Simplement il faut comprendre que l'administration fiscale n'est pas juge, mais partie, c'est à dire que ce qu'elle demande à Google de payer n'est pas une décision de justice.
Pour faire un parallèle simple, quand il y a un meurtre, ce n'est pas parce que la police interroge monsieur X, suspect dans l'affaire, que monsieur X est coupable.
Seul un juge pourra dire si Google a respecté le droit ou non, et c'est pas une question de savoir si le principe est légal (il l'est), mais si Google en a abusé.
Citation :
Publié par Silgar
Le principe est légal
Pas sûr. Les états de l'UE ne sont pas censés accorder des deals favorables à des entreprises. C'est là dessus que l'Irlande est tombée, et c'est également l'angle d'attaque pour le Luxembourg, même si ça semble plus coton.

Sinon, il ne me semble que la faille fiscale luxembourgeoise ne se base pas sur la répartition de la plus-value de l'activité économique entre entreprises du groupe, mais sur des emprunts ; c'est le même principe qui s'y applique ?

Dernière modification par orime ; 20/11/2014 à 20h03.
Citation :
Publié par orime
[...]c'est le même principe qui s'y applique ?
Oui, il s'agit de faire supporter les charges d'un prêt (donc les intérêts), accordé par une société localisée ici au Luxembourg, à une société localisée par exemple en France. L'idée est toujours la même :
- La charge des intérêts est dans un pays avec un impôt plus élevé.
- Le produit des intérêts est dans un pays avec un impôt plus faible.
(c'est un peu simplifié parce qu'il peut exister des situations à fronts renversés)

Pour que le schéma fonctionne, il faut documenter le prêt ou les prêts pour montrer que le taux pratiqué correspond peu ou prou à celui communément pratiqué à situation identique si la société qui prête et la société qui emprunte étaient indépendantes l'une de l'autre. En général, derrière ce type de schéma, on a un pool de trésorerie qui permet de centraliser une bonne partie de la trésorerie d'un groupe de sociétés à l'endroit le plus adéquat au regard des conventions fiscales internationales et de la localisation des différentes sociétés du groupe.
Intéressant tout ça en tous cas.

Citation :
Publié par Alleria Windrunner
...

Pour conclure en revenant sur Google, le fait est qu'on ne sait pas. Peut-être que l'administration a tort, peut-être qu'elle a raison, je n'ai pas le dossier en main. Simplement il faut comprendre que l'administration fiscale n'est pas juge, mais partie, c'est à dire que ce qu'elle demande à Google de payer n'est pas une décision de justice.
Pour faire un parallèle simple, quand il y a un meurtre, ce n'est pas parce que la police interroge monsieur X, suspect dans l'affaire, que monsieur X est coupable.
Seul un juge pourra dire si Google a respecté le droit ou non, et c'est pas une question de savoir si le principe est légal (il l'est), mais si Google en a abusé.
On est d'accord là dessus.

Par contre du coup je relève un désaccord entre Alleria et Silgar: l'un dit que les prix de transfert "ne sont pas très difficiles", et "c'est même une matière assez simple", l'autre "Bonne chance à celui qui dit pouvoir déterminer le juste prix. Les administrations fiscales du monde entier buttent sur ce type de problématiques".

Du coup je suis perdu .
Présenté comme ça c'est sûr.

La matière en elle-même est (relativement) simple pour un praticien, car tu te retrouves à établir le profil fonctionnel d'entités simples, de déterminer leur rémunération sur cette base, et d'allouer tout le profit restant à l'entité complexe.

Ce qui est difficile justement, ce sont les entités complexes, mais les entités complexes on ne les teste jamais. Ce qui est difficile du coup, ce sont les fondements du prix de transfert, comme évaluer pertinemment économiquement une entité complexe ?

Actuellement, le standard est le principe de pleine concurrence : on établie une rémunération intragroupe en prenant pour étalon la rémunération d'indépendants comparables. Ca marche très bien pour les profils fonctionnels simples.

Après si tu veux estimer la juste rémunération des incorporels et des entités complexes, c'est là que le principe rencontre ses limites, car tu n'as pas d'indépendant comparable.
L'OCDE est entrain de réfléchir très activement à tout ça (comme je le disais), et il est possible que dans l'avenir, non seulement les profits soient partagés bien plus équitablement, mais qu'il soit également plus facile (d'un point de vue théorique, car d'un point de vue pratique par contre c'est là où tu en chieras et où il faudra faire des calculs complexes) de calculer la rémunération des incorporels.
Post
Mickey sommé de s'expliquer
Toujours dans le cadre du LuxLeaks, Le Monde nous détaille le fonctionnement de l'optimisation fiscale mise en place par Disney.
http://www.lemonde.fr/economie/artic...7635_3234.html

Petit extrait choisi :
Citation :
De son côté, la société des Caïman a reversé au Luxembourg en quatre ans 837 millions d'euros de dividendes. Selon l'ICIJ, une seule personne serait établie au Luxembourg pour y gérer les [NDR : trois] sociétés de Disney !
De mon point de vue, et j'imagine que les autorités fiscales européennes en tireront les mêmes conclusions, avoir une seule personne pour piloter trois sociétés luxembourgeoises qui détiennent elles-mêmes autant d'actifs, ça démontre largement le côté fictif du montage. Le but est uniquement d'éluder l'impôt, il n'y a aucune réalité économique derrière ce montage... sauf à démontrer que cette unique personne est tellement efficace qu'elle réussit seule à tout faire, ce qui semble hautement improbable.
Citation :
Publié par Silgar
De mon point de vue, et j'imagine que les autorités fiscales européennes en tireront les mêmes conclusions, avoir une seule personne pour piloter trois sociétés luxembourgeoises qui détiennent elles-mêmes autant d'actifs, ça démontre largement le côté fictif du montage. Le but est uniquement d'éluder l'impôt, il n'y a aucune réalité économique derrière ce montage...
Le Luxembourg, c'est une boîte aux lettres géantes utilisée pour la fraude fiscale légale. Ce pays et les autres blanchisseuses du même style (Caïmans, Jersey, Suisse, Bahamas, Panama, etc. chacun avec leur spécialité) sont des parasites de l'économie mondiale, qui produisent un tort gigantesque à des centaines de millions de personnes en détruisant les systèmes de sécurité sociale et en permettant à une minorité d'ultra-riches de détenir un pouvoir gigantesque dont ils abusent largement.
Citation :
Publié par Silgar
...sauf à démontrer que cette unique personne est tellement efficace qu'elle réussit seule à tout faire, ce qui semble hautement improbable.
Mouais je ne suis pas d'accord avec toi.
Tu peux avoir une société ou la charge de travail est très faible.

Une société d'investissement avec seulement deux trois clients et j'imagine pas plus de produits tu peux en gérer seul une dizaine ...
Citation :
Publié par Aloïsius
Le Luxembourg, c'est une boîte aux lettres géantes utilisée pour la fraude fiscale légale. Ce pays et les autres blanchisseuses du même style (Caïmans, Jersey, Suisse, Bahamas, Panama, etc. chacun avec leur spécialité) sont des parasites de l'économie mondiale, qui produisent un tort gigantesque à des centaines de millions de personnes en détruisant les systèmes de sécurité sociale et en permettant à une minorité d'ultra-riches de détenir un pouvoir gigantesque dont ils abusent largement.
Et le plus marrant dans tout ça c'est que les seuls qui peuvent y changer quelque chose en profitent sans doute énormément.
Quel beau monde.
Citation :
Nous considérons le Luxembourg Leaks comme une information de marché, a récemment déclaré la commissaire chargée de la concurrence, Margrethe Vestage. Nous examinerons ces informations et verrons si cela nous conduit à ouvrir de nouvelles enquêtes.
Qu'est-ce qu'elle entend pas "une information de marché" ?
Par "informations de marché", je pense qu'il faut comprendre que la Commission européenne considère que ces informations permettront d'apprécier s'il y a eu un impact sur le marché unique et donc sur le jeu normal de la concurrence "libre et non faussée". En résumé, elle considère que ces informations sont des données économiques exploitables.

Si mon interprétation est la bonne, reste à savoir si le Président de la Commission européenne (et ancien Premier ministre du Luxembourg) utilisera ces informations ou s'il s’assiéra dessus.
Une information marché, normalement, c'est une opération dont la nature impact les cours de bourse et flou potentiellement les investisseurs, d'où ouverture d'enquête pour d'éventuels délits d'initiés.

Edit : my bad j'ai zappé le de. C'est pas la même chose du coup.

C'est de bonne guerre, et, effectivement, l'opposition de l'UMP, de l'UDI et du Modem à cette commission d'enquête est obscène, même si on la comprend aisément quand on est un poil cynique.

Ceci étant, on fera remarquer que dans un domaine proche, c'est le PS français qui a bloqué la taxation des transactions financières.
Citation :
Publié par Aloïsius
Le Luxembourg, c'est une boîte aux lettres géantes utilisée pour la fraude fiscale légale. Ce pays et les autres blanchisseuses du même style (Caïmans, Jersey, Suisse, Bahamas, Panama, etc. chacun avec leur spécialité) sont des parasites de l'économie mondiale, qui produisent un tort gigantesque à des centaines de millions de personnes en détruisant les systèmes de sécurité sociale et en permettant à une minorité d'ultra-riches de détenir un pouvoir gigantesque dont ils abusent largement.
C'est clair. Mais ça risque pas de changer. A ce titre, j'attends de voir ce qui va se passer en GB vu qu'ils vont essayer de s'attaquer aux facebook, amazon et autres tricheurs.
La Commission européenne prend en main le dossier brûlant de l'optimisation fiscale.
http://www.lemonde.fr/economie/artic...2150_3234.html

Quatre enquêtes ont été ouvertes : deux concernent le Luxembourg pour des rescrits accordés à Amazon et Fiat, une concerne les Pays-Bas pour un rescrit accordé à Starbuck et une dernière concerne l'Irlande pour un rescrit accordé à Apple.

De mon point de vue, Amazon, Apple et Starbuck sont les dossiers les plus sérieux. Concernant Fiat, je doute que les capacités d'optimisation soient aussi importantes que pour les trois autres sociétés dans la mesure où l'activité commerciale repose largement sur des flux physiques (les voitures et l'ensemble des pièces et sous-ensembles).

L'angle d'attaque de la Commission européenne est de considérer ces rescrits comme étant des aides d'Etat illégales (parce que non déclarées et non autorisées préalablement par la Commission européenne) susceptibles de fausser le jeu normal de la concurrence. Mais c'est un angle d'attaque par défaut puisque les Etats membres ont toujours veillé à ce que l'Union européenne n'ait pas de compétences larges sur le plan fiscal. Dès lors, il est probable que ces enquêtes, faute d'armes juridiques efficaces sur le plan fiscal, n'aboutissent pas.

Idéalement, il faudrait que l'Union européenne dispose de compétences élargies sur le plan fiscal, notamment pour collecter l'information et unifier les trop nombreuses et disparates règles applicables dans chaque Etat membre. Improbable à court terme !
Je pense pas que les dossiers luxembourgeois soient spécifiquement liés au digital : il s'agit simplement de l'exploitation de la législation sur les conduits de prêts.
Le Parlement britannique a rendu un rapport au vitriol sur les pratiques de PwC (un des principaux cabinets de conseil fiscal dans les opérations internationales) permettant d'industrialiser l'évasion fiscale depuis les pays où les impôts sont élevés vers les pays où les impôts sont faibles. Le Parlement britannique pointe en particulier le fait que ces montages contractuels sont complètement fictifs (donc la réalité économique ne correspond pas à la description juridique qui ressort des contrats).

En droit français, si le caractère fictif est retenu, ce type de montage est qualifiable de fraude fiscale.
http://www.legifrance.gouv.fr/affich...=id&oldAction=
Citation :
SwissLeaks : révélations sur un gigantesque système de fraude fiscale

Et voici les SwissLeaks : une enquête internationale dont Le Monde est à l’origine dévoile les dessous d’un vaste système d’évasion fiscale encouragé par l’établissement britannique HSBC, deuxième groupe bancaire mondial, par l’intermédiaire de sa filiale suisse HSBC Private Bank.

En effet, 180,6 milliards d’euros auraient transité, à Genève, par les comptes HSBC de plus de 100 000 clients et de 20 000 sociétés offshore.
http://rue89.nouvelobs.com/2015/02/0...fiscale-257583
A noter que dans le cas Suisse, l'évasion fiscale concerne presque uniquement des personnes physiques. Au travers du secret bancaire, ce sont des éléments du patrimoine qui sont rendus invisibles des autorités fiscales des pays où résident effectivement ces personnes.

Dans le cas du Luxembourg, ce sont des actifs économiques d'entreprises qui sont fictivement localisés dans ce pays afin de les facturer à des sociétés qui sont situés là où se trouve l'activité économique réelle des entreprises.
LuxLeaks : La fiscalité des grandes entreprises mondiales
Ce qui est beau, c'est que la suisse recherche le mec ayant mis l'affaire HSBC au grand jour pour le foutre en tole
Ou comment dire que la suisse est pour la fraude fiscale....
__________________


Dernière modification par MiniTiZ ; 09/02/2015 à 08h24.
Citation :
Publié par Silgar
A noter que dans le cas Suisse, l'évasion fiscale concerne presque uniquement des personnes physiques. Au travers du secret bancaire, ce sont des éléments du patrimoine qui sont rendus invisibles des autorités fiscales des pays où résident effectivement ces personnes.

Dans le cas du Luxembourg, ce sont des actifs économiques d'entreprises qui sont fictivement localisés dans ce pays afin de les facturer à des sociétés qui sont situés là où se trouve l'activité économique réelle des entreprises.
Je savais pas ou le mettre justement pour ses raisons, si tu pense qu'il est pas a sa place (mon message) hésite pas a le déplacer. 20 000 société sont concerné, c'est juste ca, qui ma fait le mettre ici.
Citation :
Publié par MiniTiZ
Ce qui est beau, c'est que la suisse recherche le mec ayant mis l'affaire HSBC au grand jour pour le foutre en tole
Ou comment dire que la suisse est pour la fraude fiscale....
Il n'y a rien d'anormal à ça, à partir du moment où il y a eu vol de documents.
Ca serait probablement la même chose en France.

Ce qui serait anormal par contre c'est qu'un quelconque pays accepte d'arrêter le gars et de l'extrader.
Gad Elmaleh qui fait un spot de pub pour la banque idéale et qui se fait prendre la main dans le sac d'une gigantesque opération de fraude fiscale initiée par une banque britannique, c'est à rire... ou à pleurer.

Cela dit, il est un bon représentant du client idéal pour ce type d'opérations : une fortune subitement arrivée, essentiellement liquide et donc facile à dissimuler. Je ne serai pas surpris que l'on trouve pléthore de joueurs de foot et d'artistes en tout genre.
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