La véritable question posée serait alors:
Se couper de Dieu en vaut il la peine, quand on constate les conséquences néfastes pour l'humanité tout en sachant que les nations qui ont été tentées de le faire ont connu le châtiment de Dieu.
Non, ça va plus loin que ça. Ce que dis le pape dans le fond, c'est la reprise de discours nés au XIXème siècle (et déjà présent sous des formes plus atténuées au XVIIIème siècle) qui condamnaient les errances du monde moderne, dont les idées socialistes étaient l'une des principales, puisqu'elles posaient comme principe que l'homme pouvait faire seul son Salut, sans le recours de Dieu et de l'Eglise.
Dans le fond, l'Eglise condamne autant le libéralisme débridé ou le socialisme athée. Pour elle, ce sont deux facettes d'un même courant d'idée qui pense pouvoir se sauver sans Dieu, sans aucun recours au divin. L'Eglise y voit une tentation morbide pour l'Homme, une tentation pour être à lui- même sa propre fin, une fin sans transcendance. Et elle s'appuie sur des exemples historiques qui sont tout à fait légitimes dans son système de pensée : les régimes totalitaires (notamment le communisme soviétique), le capitalisme débridé qui fait des hommes de nouveaux esclaves, etc.
Ce sont en fait des systèmes de pensée et de valeurs qui s'opposent depuis bien longtemps, et dont on voit la résurgence (en fait, ça n'a jamais cessé).
Après, ce qui est effectivement un "retour en arrière", c'est qu'un pape utilise des images anciennes / traditionnelles (le châtiment divin) pour exprimer un rejet de choses bien actuelles. Ca n'aurait pas surpris jusqu'au XVIIIème siècle, mais aujourd'hui, il faut bien admettre que c'est un peu à contretemps. Cela dit, on est quand même loin d'un sacré paquet de sectaires protestants (évangélistes et compagnie), qui, apparemment, n'émeuvent pas grand monde, alors qu'ils tiennent des propos bien moins mesurés et pertinents.
Mais peut- on s'en étonner ? Après tout, on ne croit pas en Dieu seul. Si on croit en Dieu, on croit dans le Mal (même si le Mal n'est jamais à égalité avec Dieu dans la théologie catholique, qui n'est absolument pas un manichéisme). Si le
Catéchisme de l'Eglise Catholique réédité sous Jean- Paul II est très critique sur la personnification du Mal (Satan / Lucifer), il est en revanche tout à fait clair sur un point : le Mal existe, sous de multiples formes, et seul Dieu permet de s'en libérer (Jésus a vaincu la mort).
Pour l'Eglise, le capitalisme débridé, le nazisme ou le stalinisme sont différents visages du Mal.
Que fait le pape au fond ? Il renoue avec un vieux discours biblique (
Ancien Testament) dans lequel Dieu, s'il est Amour, est aussi colère et vengeance. Nombreux sont les épisodes bibliques qui évoquent la colère de Dieu (épisode de l'Arche de Noë, destruction de Sodome et Gomorrhe...), et la mise à l'épreuve des hommes par Dieu (Livre de Job). Comment lui reprocher, si on tente de comprendre son discours de manière honnête et d'en saisir la logique interne, de voir dans des épisodes historiques (Allemagne nazie, dont le pape a fait l'expérience dans sa jeunesse, régime soviétique dont le précédent pape avait fait lui- aussi l'expérience) des manifestation d'un châtiment de Dieu contre des peuples qui l'ont rejeté et se sont jetés dans les bras de dictateurs qui leur promettaient le bonheur sans Lui ?
Après, que ce genre de discours puisse choquer certains ou certaines, je le comprends tout à fait. De même que je comprends qu'on s'en foute (mais auquel cas, pourquoi le crier haut et fort ?). Mais au moins, qu'on tente de comprendre les choses avec honnêteté.
C'était un joli counter, ceci dit lorsque cela commence à envahir mon espace vital, merci les journalistes et le battage médiatique, il devient difficile de ne pas entendre, et donc je considère cela comme une intrusion au même titre que la cloche de la messe du dimanche ou le megaphone de la prière vers l'est le vendredi.
Oui, mais dans ce cas- là, il faut s'en prendre aux journalistes plus qu'au pape.
Moi je suis catholique, pratiquant (même si ça n'est pas tous les dimanches matins que je me retrouve à la messe, je le confesse), et je me suis senti agressé aussi par tous ces catholiques de pacotille / "blingbling" (qui le sont quand le pape est là...) qui en faisaient des tonnes (et qui disaient pas mal de conneries soit dit en passant), au risque de faire "déraper" les choses de provoquer des tensions... Quand on est dans une position saine vis- à- vis de sa foi ou de soi, on ne se sent pas obligé d'en faire des tonnes justement...
Enfin, ceux qui pensent que l'Eglise est moribonde sont victimes d'une grosse erreur d'optique : le catholicisme est particulièrement vivace et dynamique en Amérique Latine, en Afrique, et de plus en plus en Asie. Le monde catholique ne se réduit plus à l'Europe depuis des siècles déjà.
En revanche, en effet, l'heure est au rappel des racines chrétiennes de l'Europe. C'est- à- dire : un sain rappel (à mon sens) aux Européens de ce que sont leurs origines, de ce qu'est leur identité, de ce qu'est leur histoire, et de la place qu'y ont joué le catholicisme et l'Eglise.
A l'heure où l'Europe est de plus en plus multiculturelle et multiconfessionnelle, je n'y vois pas du tout un risque de tensions avec les autres religions, mais bien une meilleure condition du dialogue entre les cultures. Des gens qui savent bien quelles sont leurs racines et qui s'acceptent dans leurs différences me semblent plus sains que des gens déracinés qui ont peur l'un de l'autre sans savoir d'où ils viennent et où ils vont. Moi j'ai des élèves musulmans qui sont heureux de connaître le passé chrétien du pays où ils sont nés : ils ne se sont jamais sentis choqués de quoi que ce soit, pas plus que leur parents. C'est juste de l'histoire, et ça fait aussi partie de leur histoire, même indirectement. Ils en sont curieux, ils y sont ouverts, et ça se passe très bien comme ça.