[Sécurité sociale] La santé : financement et choix politiques

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La question est de savoir à quel âge on arrête de soigner les gens. C'est facile pour un médecin conseil de la HAS, de l'IGAS, du ministère ou je ne sais quelle administration, qui voit de plus de patient de dire qu'à 90 ans, on tente plus de traitement curatif pour un AVC, parce que c'est vrai que le rapport bénéfice/risque, au niveau de la société, n'est pas évident. Quand on a la personne en face et surtout la famille, c'est déjà plus compliqué de dire qu'osef, il est vieux. Après rien n'empêche de prendre de vraie mesures légalement contraignantes (= à partir de x années, interdiction légale des traitements invasifs) mais ça personne n'a les couilles pour le faire évidemment, parce que c'est une responsabilité, surtout pour le jour où ça tombe sur un vieux vip qui se fait pas soigner.

Il y a peut-être aussi un problème culturel. Pour énormément de médecin, mais aussi de patients, avoir un problème de santé et répondre qu'il n'y a rien à faire, culturellement, c'est souvent pas accepté. A mon époque (= quand je préparais l'internat), il y avait eu la grande mode des Références médicales opposables qui étaient sensées être réellement contraignantes. Sur le principe, c'était bien mais ça n'a jamais pu être correctement appliqué et c'est plus ou moins tombé dans l'oubli.

Dernière modification par Borh ; 20/09/2015 à 00h08.
Si on veut faire dans le cynisme absolu en mode "mort aux vieux", je rappelle qu'un bon chirurgien, c'est un chirurgien qui opère souvent, et qui se spécialise. Si je fais un AVC à 45 ans, je préfère être traité par quelqu'un qui exerce très régulièrement ses talents sur des personnes âgées plutôt que sur quelqu'un qui a l'habitude de regarder mourir des vieux sans rien faire parce que le budget ne le justifie pas.

Après, l'acharnement thérapeutique en mode, c'est un autre problème.
Citation :
Publié par Doudou
Je pense pas qu'il faille tant corréler ça à l'age qu'à l'état de santé générale, surtout qu'actuellement, plus ça va aller, plus ça va augmenter, un mec de 80 ans a beaucoup plus de chances d'atteindre les 100 qu'avant.
En fait c'est quelque chose qui est déjà pratiqué, du moins en oncologie. C'est l'indice de performance mesuré soit selon les critères de l'OMS soit avec l'indice de Karnofski (je vous laisse jouer avec google). Cet indice guide les choix des chimiothérapies à faire mais aussi particulièrement chez l'individu âgé s'il faut faire une chimiothérapie. Car dans ce dernier cas, si l'état général est très dégradé, il n'est pas sûr que le patient tire un bénéfice de la chimiothérapie. Et c'est bien davantage ce critère que l'âge qui guide ce choix.
Pour ce qui est de l'espérance de vie, je te rappelle qu'on a déjà parlé dans le sujet sur la crise que sa progression n'est plus aussi gaillarde qu'avant (ceci est un euphémisme).

Dernière modification par Diesnieves ; 20/09/2015 à 14h54.
Citation :
Publié par Diesnieves
Pour ce qui est de l'espérance de vie, je te rappelle qu'on a déjà parlé dans le sujet sur la crise que sa progression n'est plus aussi gaillarde qu'avant (ceci est un euphémisme).
Oui, mais sur le moyen terme, on risque de voir des progrès brutaux dans ce domaine. Et quand je dis brutaux, je parle d'avancées scientifiques de type "singularité".
On est arrivé au point où les gens meurent de vieillesse pour un très grand nombre d'entre eux, et non pas de maladies ou d'accidents sans rapport avec l'âge. Du coup, l'espérance de vie ne s’accroît plus aussi vite. Mais le jour où l'on pourra agir sur le rythme ou les effets direct du vieillissement, si les traitements ne sont pas trop chers, la société va être bouleversée. Et ce n'est pas forcément un jour très lointain.
Idéalement, il ne faudrait pas écouter les médecins et le personnel soignant pour définir une politique de santé publique. Il y a conflit d'intérêt patent. Ce rôle est à tenir par des administratifs désignés par des élus du peuple.

3 problèmes :
1) les élus ne représentent plus le peuple (cf. Michel Onfray, parmi tant d'autres, encore brillant hier soir chez Ruquier)
2) les élus ne comprennent rien en santé publique
3) les administratifs désignés font, en fait et avec le recul maintenant, encore pire que les médecins.

Il faut s'interroger sur qui dirige la santé en France. Dans un des derniers pays au monde où l'hospitalo-centrisme prédomine autant, c'est très clairement le corps des directeurs d'hôpitaux qui fait la pluie et le beau temps sur les orientations de soin. Ces directeurs d'hôpitaux (qui travaillent à la fois dans les hôpitaux et les ARS) sont formés à l'EHESP (Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique). Il faut savoir que l'EHESP, et donc le métier de directeur d'hôpital, est le deuxième choix des étudiants de Sciences Po, après l'ENA. Il y a donc de fortes similarités entre le profil ENA et le profil EHESP. Inutile de préciser ce qu'il faut penser de l'ENA, qui est la machine à faire perdre la France depuis maintenant 40 ans (politiques / chefs d'entreprise / copinage, etc.). Pour les directeurs d'hôpitaux, c'est la même. Investis du pouvoir de la loi HPST, on voit d'ailleurs apparaître certains premiers abus d'argent public : directeur du CHU de Caen, directeur des hôpitaux de Saint-Maurice, etc. C'est la même niveau d'abus de bien social, mais c'est le même niveau d'incompétence. Dans mon champ de recherche, autour de l'organisation des systèmes de santé, l'EHESP est globalement plutôt méprisée, mais personne n'ose le dire trop fort. Critiquer l'EHESP, c'est quelque part critiquer le Ministère (ce sont les mêmes personnes dans ce genre de haute administration), c'est donc prendre le risque d'avoir un financement de recherche moindre.

Tout le problème de la dialectique autour de l'économie dans le système de santé français peut se résumer en quelques points :

1*/ Ce que dit Borh est vrai : la T2A est probablement la plus mauvaise manière de financer un hôpital. Il y a d'ailleurs de plus en plus de littérature à ce sujet, mais personne ne veut revenir dessus, car qui y gagne ? Les capitalistes (ou si vous préférez les 1%), qui ont trouvé là le moyen de faire culpabiliser les soignants de ne "pas rapporter assez". C'est tristement pervers et le pire est que ça marche.

2*/ On sait ce qui marche pour avoir un système efficient et équitable : investir dans les soins de premier recours (soins primaires). Ce qui conduirait en France à

a) Faire du médecin généraliste et de ses alliés paramédicaux le réel organisateur du système de soins. Ce qui impliquerait un transfert massif d'argent de l'hôpital vers la ville. Et là, ce sont les syndicats hospitaliers qui bloquent, préférant se réfugier dans la misère de la T2A, plutôt que d'essayer de fabriquer un nouveau paradigme. On pourrait imaginer que, par exemple, une bonne partie des ressources hospitalières se transforme en centres locaux de stratégie de développement des soins de ville (afin de maintenir l'emploi dans les hôpitaux). Typiquement, la diabétologie. Un des plus grands PU-PH de la discipline ne comprend pas pourquoi on n'a pas encore fermé TOUS les lits d'hospitalisation classique de diabétologie en France (sauf une dizaine par région pour poser des pompes à insuline). En fait pourquoi ? Parce que ses confrères "d'élite" sont persuadés que les MG ne savent pas traiter correctement un diabète. Pourtant, 80 % des diabétiques français ne sont suivis que par leur MG et ce n'est visiblement pas une catastrophe avec des centaines de milliers de morts par an... De plus, pourquoi des patients très graves sur le plan de leur diabète arrivent-ils dans les lits des hôpitaux ? Probablement parce que le système de santé ambulatoire en amont n'avait pas les moyens de se coordonner efficacement pour la prise en charge de certains de ces patients complexes. Pour éviter cela, les hôpitaux de jour / de semaine de diabétologie sont remplis de patients largement traitables en ambulatoire (sans insuline notamment), pour maintenir l'activité du service et ne pas se rendre compte qu'il "ne sert à rien" ; à l'inverse il peut être parfois difficile pour un MG de faire prendre en charge un patient complexe, où l'hôpital aurait tout son intérêt, "parce qu'il n'y a plus de place".

Il ne faut pas plaider forcément pour une simple revalorisation financière des MG. Il faut plaider pour augmenter clairement leur niveau en formation continue (surtour pour ceux >50 ans), leur donner les moyens d'agir (i.e. des paramédicaux renforcés en ambulatoire), leur donner du temps (et le temps, c'est de l'argent) pour organiser des prises en charge complexes. Il faut les écouter, dans la définition des besoins en santé publique, eux qui sont sur le terrain de la médecine quotidienne et non pas dans leur tour d'ivoire PU-PHesque. Il faut les responsabiliser, notamment en leur donnant réellement leur place de médecin traitant : si un généraliste n'a pas confiance dans tel hôpital ou tel spécialiste pour lui adresser ses malades, alors ce doit être un critère bien plus à prendre en compte pour la fermeture potentielle du service que la performance à la T2A. Les MG doivent être l'élite de la médecine et non pas le déchet. On compte 1 universitaire de MG pour 100 internes, contre 1 pour 10 dans les autres spécialités. Il y a plus de professeurs d'anatomo-pathologie sur Paris (une discipline qui consiste à examiner des prélèvements d'organe au microscope, qui ne soigne pas directement), quasiment un professeur par interne, que de professeurs de médecine générale sur toute la France.

b) Renvoyer tous les spécialistes de ville à l'hôpital, en consultations externes. Il y a toujours cette incohérence typiquement française d'avoir des spécialistes en ville, parfois très loin des équipes hospitalières, qui ont une compétence à peine supérieure au MG dans leur champ (et parfois même inférieure, notamment en cardiologie) et clairement inférieure aux spécialistes installés à l'hôpital. Ils sont en secteur 2, coûtent très cher, pour un service médical rendu rarement excellent (ceci est un euphémisme). Le problème est que ces spécialistes forment la majorité des représentants du monde ambulatoire, au détriment des généralistes. Résultat, l'hôpital est leur allié objectif pour éviter de faire le réel virage "soins primaires" tant nécessaire.

3*/ Réformer en profondeur les organes de décision/certification/autorisation, comme la HAS ou l'INCa, pour d'une part les débarrasser définitivement des conflits d'intérêts, et d'autre part les mettre plus près du soin et les "dé-technocratiser".

4*/ Fermer l'EHESP et faire du concours interne dans les établissements hospitaliers la voie privilégiée de formation des directeurs d'hôpitaux, qui devraient être élus au sein de conseils d'administration larges impliquant à la fois les ARS et autres autorités sanitaires, les personnels de l'hôpital et les représentants des patients.

En bref, tout le monde est pour le statu quo :

  • les syndicats de personnel hospitalier, qui savent que l'hôpital est bien trop prédominant en France et qu'il faudrait, de manière assez drastique, diminuer très clairement sa part dans le système de santé ;
  • les syndicats libéraux de spécialistes, qui peuvent continuer à faire leurs interventions superflues aux 4 coins de France, sans aucun contrôle réel de l'Assurance-Maladie, ou à surfacturer/refuser des CMU-c ;
  • les syndicats des directeurs d'hôpitaux, qui maintiennent leur emprise sur les décisions du monde de la santé ;
  • Big Pharma qui n'a donc qu'à soudoyer quelques personnes pour pouvoir continuer à faire la pluie et le beau temps dans ce système géré de manière si désordonné.
La santé publique ? La santé des patients ? Tous ces gens n'en ont rien à faire.



Et qui sont les grands gagnants ?
Les Ministres successifs de la santé, pardon du budget, qui peuvent ainsi dépouiller légitimement l'hôpital par des coupes budgétaires progressivement croissantes, sans rebasculer UN SEUL CENTIME vers l'ambulatoire, amenant à la dégradation franche de la qualité du système de soins français.
L'EHESP, pour le dire sans langue de bois, c'est pour ceux qui ont raté l'ENA. Autrement dit tout aussi imbus de leur personne, avec les mêmes dents qui rayent le parquet, mais en moins brillants et plus aigris.

Ceux qui y vont par vocation, pour être franc il y en a de rares cas, mais leur carrière ne va souvent pas bien loin.

Par contre, même si l'hôpital est mal géré, je ne suis pas d'accord avec le fait que favoriser l'ambulatoire au détriment de l'hospitalier favorise l'efficience du système de soin. Il y a quasiment 2 fois plus de lits d'hôpitaux au Japon et en Corée par rapport à la France, et pourtant leurs dépenses sont plutôt modérées au regard de leur efficacité. Au contraire des USA dont le nombre de lits par habitant est trois fois moindre comparé à la France. Bref, il n'y a aucune corrélation.
Si on veut diminuer les dépenses globales, les corrélations se trouvent plutôt dans les systèmes de prise en charge, unique et universel vs assurances privées multiples.

Dernière modification par Borh ; 20/09/2015 à 20h01.
Citation :
Publié par Borh
L'EHESP, pour le dire sans langue de bois, c'est pour ceux qui ont raté l'ENA. Autrement dit tout aussi imbus de leur personne, avec les mêmes dents qui rayent le parquet, mais en moins brillants et plus aigris.
ça me fait penser qu'un de mes premier remplacement, c'était un gars qui avait raté l'ENA avant de réussir l'EHESP...
Juste pour répondre sur l'hospitalocentrisme, j'ai mis sur un graphe les chiffres de l'OCDE, en abscisse les dépenses de santé en % du PIB et en ordonné le nombre de lits pour 100 000. Chaque point représente un pays. Et j'ai mis la courbe de tendance.

Conclusion, la courbe de tendance est quasiment à l'horizontale. Si on veut chipoter, elle a même un légère pente négative (avec probablement aucune significativité).
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Dernière modification par Borh ; 20/09/2015 à 22h48.
Citation :
Publié par Borh
Conclusion, la courbe de tendance et quasiment à l'horizontale. Si on veut chipoter, elle a même un légère pente négative (avec probablement aucune significativité).
Tu m'étonnes, vu la répartition des points
Ca ose faire une courbe de tendance ?
Le prolongement vers la droite, faut oser Bref, ce que m'inspire cette carte c'est qu'il n'y a pas corrélation entre dépenses publiques et nombres de lits.
Dans beaucoup d'hôpitaux étrangers, ce sont des médecins qui sont à la tête des hôpitaux. C'est également le cas en France dans le privé. Je crois que cette école de directeurs d'hôpitaux, c'est une exception typiquement française.

Quand je vois les profils de nos directeurs d'hôpitaux, j'y serais favorables. Mais il faudrait le faire avec précaution. Eviter de nommer des médecins qui ont fait leur carrière dans l'hôpital qu'ils vont diriger, trop de conflits d'intérêt. Préférer même des médecins (des pontes même) dont la spécialité n'est pas représentée dans l'hôpital qu'ils dirigent. Je vois l'exemple de la Pitié-Salpêtrière, il n'y a pas de dermatologie, donc un dermatologue serait un bon candidat pour le diriger.
Ou même pourquoi pas un MG, mais alors de préférence, pas un MG qui déteste les spécialistes et qui considère que les MG sont les élites. Même s'il avait raison, ça irait au clash direct. Il faut quelqu'un de neutre mais bienveillant.

Après le problème des médecins comparés aux administratifs, c'est qu'ils on souvent plus d'esprit d'indépendance vis à vis du pouvoir politique que des administratifs dont toute la réussite de leur carrière ne dépend que de leur obéissance.

Dernière modification par Borh ; 21/09/2015 à 10h42.
Je viens de voir le docu. Intéressant, même si j'ai tiqué sur la forme avec des questions plus orientées et moins, disons, fouillées et des explications un peu simples. Mais je ne suis pas habitué à voir cette émission. Par contre je regrette un certain amateurisme concernant les essais cliniques. Rien sur la notion de promoteur et d'investigateur. D'ailleurs, leurs questions concernant l'étude sur le Crestor manquent sérieusement de discernement sur ces notions et apparemment ils semblent confondre promoteur et coordonnateur (plus précisément investigateur coordonnateur). C'est bien dommage. Ca rend un peu le propos confus (en clair, et vu comme l'AMM a été déposée, je suppose que le promoteur de l'étude est Astrazeneca, d'ailleurs une partie de l'article l'indique pratiquement car seul le promoteur - ou une société en contrat (CRO) - peut monitorer les données de l'étude). Cette partie là hélas n'est pas assez claire tout comme les obligations du promoteur et du labo (ça peut ne pas être la même chose) concernant la pharmacovigilance (en clair le fait de recenser les effets avérés ou putatifs du médicament à l'étude). Il reste néanmoins instructif. Et il serait intéressant qu'ils fouillent un peu plus du côté des essais cliniques (sans doute une déformation professionnelle). Mais soit ils ont voulu trop vulgariser soit ils n'ont pas les compétences pour aborder précisément ce sujet.
Je rappelle à toutes fins utiles que la législation sur les essais cliniques a changé depuis le vote l'an dernier d'un règlement européen et que celui-ci va sans doute commencer à s'appliquer vers le dernier trimestre 2016. Il apporte une transparence supplémentaire puisque les données des essais devront être publiques (restent encore les décrets pour savoir sous quelle forme) et qu'un portail va apparaître (en fait la date d'application de ce règlement dépend de la vitesse à laquelle celui-ci sera opérationnel, c'est pour cela qu'on évalue à septembre, à peu près, l'application de cette législation).

Désolé, j'ai essayé de faire court

Dernière modification par Diesnieves ; 21/09/2015 à 16h55.
Citation :
Publié par Diesnieves
Je viens de voir le docu. Intéressant, même si j'ai tiqué sur la forme avec des questions plus orientées et moins, disons, fouillées et des explications un peu simples. Mais je ne suis pas habitué à voir cette émission. Par contre je regrette un certain amateurisme concernant les essais cliniques. Rien sur la notion de promoteur et d'investigateur. D'ailleurs, leurs questions concernant l'étude sur le Crestor manquent sérieusement de discernement sur ces notions et apparemment ils semblent confondre promoteur et coordonnateur (plus précisément investigateur coordonnateur). C'est bien dommage. Ca rend un peu le propos confus (en clair, et vu comme l'AMM a été déposée, je suppose que le promoteur de l'étude est Astrazeneca, d'ailleurs une partie de l'article l'indique pratiquement car seul le promoteur - ou une société en contrat (CRO) - peut monitorer les données de l'étude). Cette partie là hélas n'est pas assez claire tout comme les obligations du promoteur et du labo (ça peut ne pas être la même chose) concernant la pharmacovigilance (en clair le fait de recenser les effets avérés ou putatifs du médicament à l'étude). Il reste néanmoins instructif. Et il serait intéressant qu'ils fouillent un peu plus du côté des essais cliniques (sans doute une déformation professionnelle). Mais soit ils ont voulu trop vulgariser soit ils n'ont pas les compétences pour aborder précisément ce sujet.
Je rappelle à toutes fins utiles que la législation sur les essais cliniques a changé depuis le vote l'an dernier d'un règlement européen et que celui-ci va sans doute commencer à s'appliquer vers le dernier trimestre 2016. Il apporte une transparence supplémentaire puisque les données des essais devront être publiques (restent encore les décrets pour savoir sous quelle forme) et qu'un portail va apparaître (en fait la date d'application de ce règlement dépend de la vitesse à laquelle celui-ci sera opérationnel, c'est pour cela qu'on évalue à septembre, à peu près, l'application de cette législation).

Désolé, j'ai essayé de faire court
Le documentaire comprend 2 parties, une partie expliquant la mauvaise gestion de l'hôpital et l'autre partie, comment big pharma considère la sécu comme une vache à lait.

La première partie n'est pas parfaite mais pour moi c'est un des meilleurs documentaires que j'ai vu expliquant les dysfonctionnements de l'hôpital. Avec un travail journalistique, ils ont en réalité mieux compris pourquoi les dépenses augmentaient que tous les rapports de la cour des comptes.

La deuxième partie est plus faible, je suis d'accord, car leur méthode journalistique (en gros, les témoignages et les interviews "punchy") n'est pas bien adaptée à ce sujet très technique. Personnellement, si j'avais du faire un documentaire sur les abus de big pharma, j'aurais pris l'Avastin et le Lucentis, ou les enjeux sont plus simples à comprendre et où il y a moins de querelles d'experts que sur les statines.
Citation :
Publié par Borh
La deuxième partie est plus faible, je suis d'accord, car leur méthode journalistique (en gros, les témoignages et les interviews "punchy") n'est pas bien adaptée à ce sujet très technique. Personnellement, si j'avais du faire un documentaire sur les abus de big pharma, j'aurais pris l'Avastin et le Lucentis, ou les enjeux sont plus simples à comprendre et où il y a moins de querelles d'experts que sur les statines.
Je n'ai pas les éléments pour bien juger de la première partie (je ne suis pas personnel soignant dans un hôpital).
Pour la deuxième partie, c'est exactement ce que je pense. Ce domaine, qui est le mien (essais cliniques), est assez technique et réglementé. Je trouve qu'il serait intéressant qu'ils s'y plongent mais avec un vrai regard de spécialiste, quitte ensuite à vulgariser pour être compris. Là ils donnaient clairement l'impression d'effleurer un sujet qu'ils ne maîtrisent absolument pas.
L'affaire Lucentis est beaucoup plus simple que de se plonger dans les méandres de la réglementation et de son application (d'autant que la recherche privée -big pharma- est une part importante sans être la part essentielle, du moins en France). Le bonus de cette affaire c'est qu'elle marque un tournant dans la relation entre big pharma et l'état au sein d'un système qui rémunère généreusement l'innovation en échange de ... nouvelles molécules efficaces. Là, clairement le "contrat social" (je le qualifie ainsi) est rompu et ils auraient pu s'interroger sur les dérives financières des labo qui finalement rejoindraient celles que l'on remarque dans le monde depuis une bonne quinzaine d'années (déjà ) voire plus. C'est dommage, d'autant plus que ce reportage pourrait servir de warning en soulignant aux spectateurs les enjeux.

Edit: l'affaire Lucentis pour moi, ne permet pas de traiter de la recherche clinique. En effet elle ne concerne qu'un des aspects de celle-ci. La molécule est déjà développée dans une indication. Le problème est qu'elle pourrait concurrencer une autre molécule dans une autre indication, lucentis, qui est la seule molécule pour cette indication. Cette dernière au moment de son AMM (autorisation de mise sur le marché) étant la seule pour traiter la DMLA le service médical rendu est jugé important donc le labo a facturé un max qui est remboursé à la sécu. Dans un fonctionnement normal et concurrentiel, Roche, aurait dû faire les démarches nécessaires soit un essai de phase III (à mon avis ils devaient avoir assez d'éléments pour passer direct en phase III) et suite aux résultats positifs de cet essai demander l'AMM et présenter le médoc à la commission de transparence (celle qui décide du service médical rendu et donc du remboursement, c'est là aussi qu'on négocie le prix) pour ensuite concurrencer le lucentis. Ca n'a pas été fait, et même Roche a le culot de poursuivre l'état français qui veut l'obliger à mettre sa molécule à disposition pour la DMLA.
Le sujet des essais cliniques regroupe bien plus que ce "point de détail" qui nous coûte des millions d'euros par an. Et donc traiter de cette affaire est une chose, traiter des essais cliniques un plus gros morceaux, et un sujet à part selon moi (si on veut bien le traiter). Mais dans le cadre du reportage, traiter correctement cette affaire aurait permis de poser les questions sur le fonctionnement de notre système de santé de façon plus claire (en considérant que la première partie du reportage concernait la médecine au quotidien dans les hôpitaux et la deuxième partie les laboratoire, leurs bénéfices et la perversion du système).

Dernière modification par Diesnieves ; 21/09/2015 à 18h43.
Citation :
Publié par Borh
La deuxième partie est plus faible, je suis d'accord, car leur méthode journalistique (en gros, les témoignages et les interviews "punchy") n'est pas bien adaptée à ce sujet très technique. Personnellement, si j'avais du faire un documentaire sur les abus de big pharma, j'aurais pris l'Avastin et le Lucentis, ou les enjeux sont plus simples à comprendre et où il y a moins de querelles d'experts que sur les statines.
Je ne veux pas paraître insultant, mais "big pharma" n'existe que parce qu'il y a des médecins qui se font les VRP de leurs médicaments et que d'autres médecins prescrivent leurs médicaments. A la base, entre l'industrie pharmaceutique et le patient, il y a le médecin. L'attente légitime d'un patient c'est que les prescriptions soient moins le reflet de l'efficacité d'une campagne de publicité que la recherche d'un traitement efficace. Quand je vois ce qu'il en est concernant le Crestor, je crois avoir le droit d'être "surpris" (ce n'est pas trop violent comme mot).

Tu appelles ça comme tu veux, moi j'y vois une forme d'égoïsme (parce que le patient, il est loin d'être la préoccupation première) mâtiné de conflits d'intérêts, mais admettons que ça ne le soit pas... ça reste quand même assez peu lisible de l'extérieur et des non sachants qui n'y connaissent rien. Désolé, je ne pourrai pas faire plus plat dans le verbe sans dénaturer le fond de ma pensée.
Nan mais l'intérêt Crestor, faut être clair, c'est du débat d'expert. Et personnellement, je n'y prends d'ailleurs pas parti. Tu n'y comprends rien, mais faut savoir que c'est le cas aussi pour beaucoup de médecins.
En fait si je devais y prendre parti, j'aurais même plus confiance à croire à son efficacité, de ce que j'ai lu des arguments des uns et des autres. Après, je ne suis ni cardiologue, ni même MG, je n'ai jamais prescrit de Statines de ma vie, donc mon avis ne vaut rien.

Mais sur le Crestor, je ne comprends pas ce que tu reproches aux médecins qui le prescrivent ? A partir du moment où ce médicament a l'AMM, que des études dans des journaux de référence montrent son efficacité, c'est quand même compliqué de l'ignorer. Certains patients pourraient même se plaindre d'une perte chance et accuser leur médecin d'incompétence s'ils ont une hypercholestérolémie non traitée + autres facteurs de risque qui finit en accident cardiovasculaire... S'il s'avère effectivement que le Crestor n'a pas un bon rapport bénéfice/risque, ceux à qui il faudra le reprocher, c'est d'abord à ceux qui ont conduit les études, ceux qui les ont acceptées (éditeurs et reviewers) et surtout les autorités qui ont accepté l'AMM de ce médicament avec service médical rendu important.

Dans l'idéal, chaque médecin devrait conduire une étude bibliographique critique de tous les médicaments qu'il est amené à prescrire. En pratique vu leur nombre, c'est pas vraiment possible. Et même si c'était le cas, ça reste de l'interprétation personnelle.


Pour dire que je ne défends pas les médecins sur tous les sujets, il y a le Mediator. Là clairement, il y a eu des erreurs car le médicament a été prescrit hors AMM (pour le traitement de l'obésité). Après, je ne connais pas le nombre de médecins qui ont prescrit ce médicament hors AMM. C'est pas tous les médecins, mais ceux là sont clairement en tort.

Dernière modification par Borh ; 21/09/2015 à 20h43.
Que tous les médecins ne soient pas à même de juger le rapport risque/efficacité, je le comprends. Mais j'imagine que les médecins qui prescrivent un médicament savent apprécier ce rapport.

Ensuite tu parles des autorités, et dans l'absolu tu as raison, les autorités sont celles qui prennent les décisions et qui doivent logiquement les assumer. Mais quand on gratte un peu, on s'aperçoit que les autorités ce sont des médecins en plein conflit d’intérêts, carrément payés par les labos pharmaceutiques et siégeant en même temps dans les instances qui décident de l'utilité ou non d'un médicament.

Il y a de quoi douter quand même.
Citation :
Publié par Silgar
Que tous les médecins ne soient pas à même de juger le rapport risque/efficacité, je le comprends. Mais j'imagine que les médecins qui prescrivent un médicament savent apprécier ce rapport.

Ensuite tu parles des autorités, et dans l'absolu tu as raison, les autorités sont celles qui prennent les décisions et qui doivent logiquement les assumer. Mais quand on gratte un peu, on s'aperçoit que les autorités ce sont des médecins en plein conflit d’intérêts, carrément payés par les labos pharmaceutiques et siégeant en même temps dans les instances qui décident de l'utilité ou non d'un médicament.

Il y a de quoi douter quand même.
Tous les médecins qui prescrivent n'ont évidemment pas les moyens de faire des études bibliographiques poussées sur tous les produits qu'ils prescrivent. Si c'était le cas, il n'y aurait pas besoin de l'ANSM et de l'HAS. Je pense que tu ne te rends pas compte de ce que ça représente. C'est pas comme aller sur Wikipedia.

Après qu'il y ait des conflits d'intérêt dans les autorités, ça oui c'est très clair. C'est peut-être des médecins, mais ça reste quand même un très petit nombre, et c'est pas le même monde que le médecin de ville qui va ensuite prescrire ces médicaments.
Citation :
Publié par Borh
Dans l'idéal, chaque médecin devrait conduire une étude bibliographique critique de tous les médicaments qu'il est amené à prescrire. En pratique vu leur nombre, c'est pas vraiment possible. Et même si c'était le cas, ça reste de l'interprétation personnelle.
C'est ce que font tous les juristes qui envisagent d'utiliser une jurisprudence ou un texte. Je sais que comparaison n'est pas raison, mais à la base l'expert d'une matière doit être en mesure d'apprécier la justesse de son raisonnement en se basant sur ses connaissances propres plutôt que sur le résumé d'une documentation professionnelle.

Comme tous les juristes, je suis amené à faire des recherches, à me documenter, à lire des conclusions, des rapports, des précis, des billets et une quantité proprement phénoménale de textes doctrinaux qui font ma matière (droit fiscal). C'est uniquement sur cette base que je me fais mon interprétation personnelle et que je décide si un texte, une jurisprudence ou autre peut être inséré dans mes écritures.

Apparemment, au vu de ton message, ce n'est pas du tout comme ça que fonctionnent les médecins.

Du coup, qu'est-ce qui motive la décision d'un médecin d'utiliser telle prescription plutôt qu'une autre ?
Citation :
Publié par Silgar
C
Apparemment, au vu de ton message, ce n'est pas du tout comme ça que fonctionnent les médecins.
Tu traites combien de dossiers par jour ?

Après, si chaque médecin prenait autant de temps sur chaque patient qu'un juge ou un avocat en prend sur une affaire...
A partir du moment où c'est leur spécialité, on peut présupposer qu'ils ont toutes les informations adéquates pour prescrire. Sur la prescription d'une nouvelle molécule, on peut donc supposer qu'avant la premiere mise en place, ils ont toutes les informations necessaires. Ensuite, suffit de reproduire.
Les corruptions de prescripteurs sous couverts d'informations, cela fait longtemps que cela existe. Cela se joue à base de voyage, stylo, petits dejeuners, etc etc

Je doute que Borh ou Vincemaster n'aient jamais eu de petits dejeuners ou autres tout frais payé par les labos qui venaient vendre leurs produits.
@Aloïsius
Je m'attendais à cette question.

Effectivement, un juriste ne traite pas 100 dossiers par jour. Cela dit, un juriste a rarement l'occasion de pouvoir reprendre à l'identique ses écritures d'un dossier à l'autre. Donc le temps passé sur un dossier, pour la plupart des juristes, c'est du temps de recherche et d'écriture... Alors que, dans mon esprit, le médecin est tout de même rarement en présence de patients qui sont intrinsèquement nouveaux... il me paraît donc plus facile de capitaliser sur le temps de recherche et de s'accorder un temps de recherche.
Citation :
Publié par Airmed / Ildefonse
A partir du moment où c'est leur spécialité, on peut présupposer qu'ils ont toutes les informations adéquates pour prescrire. Sur la prescription d'une nouvelle molécule, on peut donc supposer qu'avant la premiere mise en place, ils ont toutes les informations necessaires. Ensuite, suffit de reproduire.
Théoriquement oui, grâce à l'HAS et l'ANSM dont c'est le boulot. Aussi incroyable que ça puisse paraitre, un médecin seul dans son coin n'a pas la capacité, ni la compétence, pour juger si une molécule est efficace, sauf pour des trucs vraiment énormes. Quand tu lis une étude, puis une étude qui va dans le même sens, puis une autre qui est contradictoire, c'est pas forcément évident de savoir qui a raison et qui a tort. C'est pour ça qu'en théorie, c'est non seulement des spécialistes de ce type d'évaluation qui s'en occupent, et qu'ils le font à plusieurs. Après la corruption existe malheureusement, mais c'est pas le médecin tout seul dans son cabinet qui peut y faire grand chose.
Juger le boulot des médecins là dessus, c'est comme juger le travail des policiers sur l'incompétence des fonctionnaires du ministère de l'intérieur. C'est complètement con.

Citation :
Publié par Airmed / Ildefonse
Je doute que Borh ou Vincemaster n'aient jamais eu de petits dejeuners ou autres tout frais payé par les labos qui venaient vendre leurs produits.
Je ne le nierais pas mais si tu savais le nombre de labos qui m'ont payé des déjeuners sans jamais rien recevoir en retour. En fait j'en refuse la majorité, même pour ceux dont j'achète les produits, simplement parce que j'ai pas le temps. Pas plus tard que vendredi dernier, j'en ai refusé un. J'ai aussi déjà refusé de l'argent.

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Publié par Silgar
Effectivement, un juriste ne traite pas 100 dossiers par jour. Cela dit, un juriste a rarement l'occasion de pouvoir reprendre à l'identique ses écritures d'un dossier à l'autre. Donc le temps passé sur un dossier, pour la plupart des juristes, c'est du temps de recherche et d'écriture... Alors que, dans mon esprit, le médecin est tout de même rarement en présence de patients qui sont intrinsèquement nouveaux... il me paraît donc plus facile de capitaliser sur le temps de recherche et de s'accorder un temps de recherche.
Un médecin est amené à connaître beaucoup plus de molécules qu'un juriste de dossiers. Et si tu crois que tous les patients sont identiques, c'est que tu ne sais pas de quoi tu parles.

Dernière modification par Borh ; 21/09/2015 à 22h47.
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Publié par Borh
Un médecin est amené à connaître beaucoup plus de molécules qu'un juriste de dossiers.
Dans mon précédent message, le dossier c'est ton patient, les molécules c'est le droit, tes prescriptions ce sont mes écritures.

Je répète donc ma question, qu'est-ce qui motive la décision d'un médecin d'utiliser telle prescription plutôt qu'une autre ? En d'autres termes, quels sont les supports qui guident une prescription s'il est impossible (par manque de temps) de prendre connaissance des études qui entourent un médicament ?


Citation :
Publié par Borh
Et si tu crois que tous les patients sont identiques, c'est que tu ne sais pas de quoi tu parles.
Essaye de ne pas sortir trop souvent cette phrase. Si je me trompe, tu as juste à démentir sur le fond sans tomber dans l'argument d'autorité. C'est plus sympa pour tout le monde et ça entretient une relative convivialité... Le but c'est de discuter, pas d'avoir raison.

Dernière modification par Silgar ; 21/09/2015 à 22h53.
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