Publié par Turpitude
Il n'y a pas qu'une seule conception de la langue. Certes, on divise notre langue (le parler, tout particulièrement) en deux catégories: le bon usage et le mauvais usage. Mais n'oublions pas ce qu'il y a en amont.
Basiquement, la langue cherche à communiquer. Bien parler, c'est optimiser notre communication. Grammaires, dictionnaires et autres ouvrages qui rappellent l'usage <dit> correct ont cet unique but: donner une norme à notre langue, norme à laquelle il est bon de se conformer pour être compris par une quantité maximale d'auditeurs (ou de lecteurs).
En revanche, n'oublions pas que ces ouvrages ne sont pas construits sur des règles abstraites, des axiomes ou même des évolutions chronologiques: ils tracent des lois en se basant précisément sur les usages. Paradoxe.
Reprendre quelqu'un vertement en lui déclarant avec aplomb : "C'est faux" n'est souvent pas très productif, et rarement adapté.
Et ton post nous donnerait même à réfléchir sur la signification de ce "ça n'existe pas" si cher à nos enseignants français parfois.
J'ai eu le cas d'une petite fille, en cours, qui a eu l'audace de parler du "chantement" des z'oiseaux... Elle s'est vu répondre un "ça n'existe pas, regarde dans le dictionnaire" par son institutrice.
Alors, par acquis de conscience, nous avons regardé dans le petit Robert (60 000 mots) nous n'avons pas trouvé le "chantement".
Mais pouvons-nous ainsi en conclure que cette forme n'existe pas ? 60 000 mots ce n'est pas énorme, c'est le langage usuel, donc nous avons pris le grand Robert (120 000 mots). Toujours pas de "chantement".
Alors vraiment, pour vérifier les choses dans la profondeur, nous nous sommes dirigés vers le grand dictionnaire de la langue française (dont le nom m'échappe), bible des lexicologues et linguistes de tout acabit.
Et là oh stupeur, nous avons trouvé le "chantement".
Alors question maintenant, de quel droit pouvons-nous dire que tel ou tel "mot" n'existe pas dans notre langue. Le simple fait de le prononcer le fait exister.
Même si ce n'est qu'une seule fois, l'espace d'un instant, et qu'on le catégorise à tout jamais d'hapax, ce "mot" a été dit, prononcé. En faisant cela, nous lui avons conféré un certain sens, et par là-même il existe quelque part.
Après tout, les mots qui sont rassemblés dans nos dictionnaires ne sont que des néologismes qui ont réussis leur carrière, et dont le dictionnaire serait la consécration.
Par contre, une tournure de grammaire à laquelle j'aimerais tordre le cou, c'est le "si +V-rais" et son exemple le plus flagrant, ce bon vieux "si j'aurais".
Ce n'est pas faute pourtant de répéter aux enfants que "les si n'aiment pas les ré".
Mais, prit dans la folie du langage, leurs mots s'échappent trop vite pour qu'ils puissent y penser, et la langue fourche, produisant cet accord si disgracieux à mon goût...
Après, La Clef, tout est une question de musique dans la parole, et je suis perturbée depuis que je suis en Alsace par ce [vin'te] si peu mélodieux qui me heurte, pauvre habituée que je suis à la prononciation lyonnaise du [vin] et ses rares exceptions où l'on s'autorise à dire [vin'té-un] ou [vint'eur].
Et le fait de prononcer cela [vin heuro] ne me choque à peine, alors que [vint'euro] me donne l'impression d'une fausse note dans la partition du langage.